Que disent les décroissants du coronavirus ?

Jean-François Jaudon : La décroissance que nous vivons avec le coronavirus est la répétition générale de la décroissance liée à la détérioration écologique de la Terre par la surconsommation.

Marc Joigny : La terre entière se ramasse un bon coup dans la tronche, faute d’avoir pensé à lever le pied, à penser sobriété heureuse. Le monde se ratatine brutalement dans le malheur en laissant sur le carreau des centaines de millions de travailleurs. Maintenant, une fois que la pandémie ne sera plus là, il faut espérer qu’Aloïs Alzheimer ne va pas à nouveau frapper les ciboulots… et que ça ne va pas repartir à fond dans le mur.

Marc Chinal : La courbe d’une pandémie comme le coronavirus est exponentielle tant qu’on ne prend pas des mesures fermes d’arrêt. Et pourtant la quasi-totalité des politiciens nous vendent une exponentielle « croissance = bonheur ». Je crois qu’il va falloir que les politiciens retournent prendre un cours de mathématique sur les exponentielles.

Alain Gras : Les virus ne font que quelques centièmes de millionièmes de mètre, et pourtant ils se baladent sur toute la planète et, à l’occasion, paralysent notre être social tout entier en se moquant de notre arrogance. C’est la première leçon que nous devrions en tirer : l’humilité devant la puissance de la vie autre que la nôtre. Nous avons construit une méga-machine. Comme l’exprime Joseph Tainter, à un certain moment l’hyper-complexité du système technique engendre une telle demande pour son fonctionnement interne que le rendement devient décroissant, c’est-à-dire que l’énergie investie est dévorée pour lui-même et que l’efficacité en termes de production externe atteint un niveau si bas qu’un jour tout s’effondre.

Raoul Anvélault : Annulés, le Festival de Cannes, le Grand Prix de Formule 1 de Monaco et tous les grands spectacles sportifs, la « Fashion Week »… Arrêt de l’aviation, fermeture des boutiques de tatoueurs… Notre comique involontaire Luc Ferry s’en étrangle : « Quant aux écologistes radicaux, les décroissants effondristes, ce n’est pas qu’ils s’en moquent, c’est qu’ils s’en réjouissent et s’en frottent les mains. Enfin une bonne nouvelle ! » Ce n’est pourtant pas faute de le répéter, la décroissance que nous voulons commence par penser que la fin ne justifie pas les moyens : l’écologie par le biais d’une dictature, la « décroissance forcée », ne nous intéresse pas. Le premier virus qui nous a contaminé, définitivement inguérissable, est celui de la liberté. Le Covid-19 n’apporte pas de l’eau à notre moulin.

Bruno Clémentin : Avec la petite bête rose, on a tout perdu. C’est le triomphe de la télé-médecine, de hyper-distribution, de la commande livraison « sans contact », du télé-enseignement et du télétravail. La seul solution trouvée a donc consisté à faire disparaître la présence humaine. Comment en sortira-t-on ? Vous le saurez dans le prochain numéro.

Source : La Décroissance n° 168, avril 2020, 3 euros

9 réflexions sur “Que disent les décroissants du coronavirus ?”

  1. Les décroissants peuvent aller se rhabiller. Ce ne sera pas pour cette fois.
    « Reprendre le travail plein pot ! » C’est ce que nous chantent en duo Geoffroy et Agnès (un «joli» couple bien assorti).
    « Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire». C’est ce que croasse Geoffroy Roux de Bézieux (président du Médef) dans un entretien au Figaro. Croissance croissance ! Croâââssance !
    De son côté Agnès Pannier-Runacher (secrétaire d’Etat à l’Economie) nous explique sur franceinfo : « [faucon et yaca] travailler plus que nous ne l’avons fait avant pour rattraper la perte d’activité induite par le confinement. […] L’enjeu est de reprendre le travail plein pot […] Pour soutenir les entreprises face à l’impact de la pandémie sur l’économie, le gouvernement a mis en place un plan d’urgence à hauteur de 100 milliards d’euros. Cela ne veut pas dire que dans la durée on peut vivre à crédit lorsque la situation économique est normale […] L’enjeu est de donner de l’oxygène aux entreprises pour qu’elles survivent et passent le cap, mais derrière, il faudra mettre les bouchées doubles pour créer de la richesse collective.»

    TRAVAILLER, toujours plus … pour créer de la RICHESSE, toujours plus de richesse… de la richesse COLLECTIVE, collective pour certains seulement… etc. etc.
    Et en même temps, on nous invite à réfléchir à l’Essentiel, et à imaginer un autre monde etc. Bande de guignols, va !

  2. Didier BARTHES

    Pour ma part, je suis assez proche de la position de Raoul Anvélault (sic même si on a plus le droit d’en faire du vélo en ce moment, ce qui est selon moi la pire des absurdité et un exemple parfait de mesures vexatoires, contre-productives et d’attaques inquiétantes contre la liberté)

    1. Et encore, s’il n’y avait que l’interdiction de faire du vélo. Se balader dans les bois non plus, c’est interdit. Des fois que les sangliers et les oiseaux chopent le Corona, on ne sait jamais. La pêche idem, des fois que les poissons chopent le Corona, le transmettent à toute la faune aquatique, aux baleines etc. Dans certaines villes on démonte les bancs publics, des fois que. Et en même temps on empile les malades, surtout lorsqu’ils sont vieux, et caetera.
      « Les gens sont devenus fous », c’est ce que dit le Professeur Raoul. Mais bon, là encore on dit qu’il est fou.

      1. Didier BARTHES

        Tout à fait Michel C, le vélo n’était qu’un exemple et aussi parce que j’aime bien le vélo, mais on voit bien à l’énoncé de tous ces interdits qu’on est dans une fuite en avant, dans la brimade, dans l’absurdité, dans la punition pour l’exemple.
        Je n’aime pas être prophète de malheur mais je crois vraiment que si l’on ne réagit pas, la liberté va en prendre un coup et je suis désespéré de voir la passivité de nos concitoyens devant la montée de l’absurde et le passage de la science-fiction à la réalité. Le suivi des gens est envisagé et les médias ne présentent plus des journalistes mais de simples relayeurs de la parole gouvernementale. Comment en si peu de temps en est on arrivé là ? Jamais, je l’avoue je n »aurais cru que ce qui arrive avait la moindre chance de se produire à si courte échéance..

        1. Tout à fait Didier Barthès et je l’ai déjà dit ici. Parmi cette foule de malheureux idolâtres du Progrès, ceux qui cette fois passeront entre les gouttes en ressortiront encore plus amoureux de leurs chaînes. Et plus zombies que jamais.
          Télé-surveillance, télé-travail, télé-éducation, télé-médecine, télé-achats bien sûr, robots pour tout et n’importe quoi pourvu qu’ils remplacent les humains. Bref nous fonçons plein pot vers 1984 (d’Orwell).
          Ceci dit, reconnaissons quand même que le ver était dans le fruit depuis longtemps. Il y a déjà un bon moment que les dits citoyens ont «accepté» la vidéo-surveillance (faut dire vidéo-protection, nuance), le traçage à la culotte avec le sacro-saint Smartphone, l’alimentation sans fin des GAFAM (Big-Brother) en matières de données en tous genres. Les achats sur le Net, les caisses automatiques, les robots pour nettoyer la piscine, tondre la pelouse et Jean Passe, ça non plus ce n’est pas nouveau. Il ne faut donc pas nous étonner que cet épisode soit l’occasion pour certains d’enfoncer le clou.
          Il y a quelques années nous avons «accepté» ces mesures liberticides au nom de la guerre contre le terrorisme, aujourd’hui nous les «acceptons» au nom de la «guerre» contre le Corona. Demain nous les «accepterons» de la même façon au nom de la «guerre» pour sauver le climat, la planète.
          Mais ne nous y trompons pas, ce 1984, ou cette cyber-dictature des Khmers verts, n’aura rien de vert. Et là encore il ne faudra pas nous en étonner. Parce que là encore, il y a un moment que nous avons laissé l’écologie devenir une marie-couche-toi-là.

      2. Par contre certaines personnes doivent aller travailler en respectant les gestes barrières. Je ne comprends pas, si je suis suffisamment intelligente et responsable pour aller bosser en toute sécurité (car respectant les gestes barrières) , pourquoi ne le suis je pas pour aller faire une petite rando en montagne. Il me semble que cela est incohérent . Je sors pour bosser, je suis applaudit, remercié mais si je sors pour m oxygéner, me ressourcer, je suis qualifié d irresponsable et sanctionné.

  3. Cet épisode est une aubaine pour tous. Ou presque. Pendant que les décroissants disent une chose, d’autres en disent d’autres.
    Ainsi pour le Medef, cette crise est une formidable occasion pour enfoncer le clou. Ces derniers jours, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bezieux (qui ne respecte pas le confinement, Business as usual) s’est fait remarquer par une série de déclarations de circonstance.
    Pour lui aussi, cette crise est «une opportunité de rebond et de changement du modèle productif ». Le pauvre malheureux a notamment appelé le gouvernement à «lancer le pacte productif», à mener «une véritable révolution fiscale», un allègement massif des charges pour les secteurs les plus affectés, une baisse des impôts de production afin de favoriser la Relance, une fois la crise passée. En attendant, notre révolutionnaire d’opérette est favorable à la nationalisation d’entreprises en difficulté, comme Air France. Le pyromane a dit qu’il était temps «de sortir les canadairs». Et là j’entends qu’en plus, il demande à ce que la durée du temps de travail soit augmentée. Ben voyons, c’est de bonne guerre !
    La croissance, la croissance, il faut sauver la sacro-sainte Croissance, «coûte que coûte».
    Mon dieu quelle misère !

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