richesse des nations

Jean Bodin (1576) écrivait qu’il n’y a de richesses que d’homme. Adam Smith pensait en 1776 que la richesse des Nations découlait de la division du travail nationale et internationale. N.Baverez estime aujourd’hui (LeMonde du 23.04.2008, page 30), à  la suite de François Quesnay (1758), que les produits de la terre constituent les vraies richesses : « La planète redécouvre brutalement que l’agriculture reste un secteur stratégique. Un choc alimentaire prend corps alors que les politiques de développement ont sacrifié le secteur agricole au profit de l’industrie et des services ». Qui a raison ?

Les natalistes comme Bodin ont une vision quantitative de l’existence qui prolonge la parole biblique « Croissez et multipliez, recouvrez toute la Terre ». Bientôt 9 milliards de personnes et de plus en plus d’affamés, on sait déjà que Bodin plaisantait. Les productivistes comme Smith ont sacrifié les sociétés traditionnelles basées sur la reproduction sociale au profit (surtout financier) de la production sociale de biens et services marchands. Ce n’est pas l’abondance pour tous qui en résulte, mais l’accroissement des inégalités au Nord comme au Sud, l’épuisement des ressources au détriment des générations futures, les crises financières à répétition et le chômage de masse. Quant à Baverez, qui fait encore confiance aux prix du marché pour augmenter l’offre alimentaire et enrayer l’exode rural, laissons-le à ses illusions.

La richesse fondamentale des Nations repose en fait sur l’humus. Il faut trouver cette information au détour d’un article sur les agrocarburants (LeMonde du 23.04.2008, page 8) : «  Les stocks d’humus jouent un grand rôle dans la fertilité des sols, dépendent des résidus de cultures. L’humus a une capacité de stockage du carbone trois fois supérieure à celle des plantes terrestres ». La vraie richesse, celle qui permet de satisfaire nos besoins de base qui sont d’abord alimentaires, résulte de la productivité de la Biosphère, la quantité de biomasse produite par unité de surface. Elle s’exprime globalement en tonnes de matières sèches produites par hectare pendant une année. Elle atteint son maximum dans les forêts pluvieuses tropicales où elle présente une valeur moyenne de 2,2 kilos par m2. La seule énergie utilisée pour assurer cette productivité est celle du soleil, la biomasse constituant une forme transitoire de stockage de cette énergie. C’est pourquoi elle est essentielle pour les humains, bois de chauffe ou de construction, fertilité des sols, formation du charbon au carbonifère… La productivité de la Biosphère, la masse végétale, les décomposeurs, l’ensemble de la chaîne des espèces permet à toute vie de perdurer alors que la productivité de l’activité humaine n’est qu’un vaste pillage de cette richesse.

 Certaines espèces accroissent les possibilités de la vie sur Terre, l’espèce humaine s’ingénie à les gaspiller.