Schmallenberg : sécurité alimentaire contre libre-échange

Les journalistes donnent des faits et se gardent bien de juger. Ainsi Laurence Girard* : « Depuis le mardi 20 mars, plus aucun bétail vivant d’origine européenne ne doit franchir les frontières de la Russie… Cette interdiction a provoqué, le même jour, une vive réaction de la Commission européenne, qui a jugé cette décision « disproportionnée » et « injustifiée »…. Moscou a motivé sa décision en invoquant la propagation du virus de Schmallenberg en Europe…. Les éleveurs sont confrontés au même triste spectacle : la naissance d’animaux mort-nés ou déformés… La contamination des bêtes se ferait par piqûre de moucherons ou de moustiques. »

Le lecteur est obligé de se poser ses propres questions, Pourquoi exporter du bétail vivant ? Le lecteur est obligé d’essayer d’y répondre : Il vaudrait mieux relocaliser complètement l’élevage, ne pas transporter bêtes et viandes d’un bout à l’autre de la planète et diminuer son alimentation carnée pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent le ministère de l’agriculture français qui a tenu à mettre en garde « ses partenaires commerciaux à l’export que les barrières aux échanges restent injustifiées » n’a pas raison. De même la Russie, qui s’apprête à faire son entrée cet été dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est dans son tort. Le libre-échange au niveau alimentaire est une aberration qui empêche la souveraineté et la sécurité alimentaire sur notre planète dévastée par le libéralisme économique. Les journalistes devraient en tenir compte et aménager leurs articles en ce sens. Sinon, cette « neutralité » journalistique empêche l’évolution des mentalités, c’est toujours l’idéologie des plus forts qui continue de régner.

Les journalistes du MONDE, sauf exception comme Hervé Kempf, font preuve d’une ignorance dommageable de l’urgence écologique. Nous conseillons à Laurence Girard de lire Le retour des paysans de Silvia Pérez-Vitoria :  « En 1986, l’agriculture entre dans les accords du GATT avec l’Uruguay Round. La suprématie de la marchandise sur l’aliment est actée dans des textes internationaux. Le seul intérêt est le développement du commerce et les profits des transactionnaires (firmes agro-exportatrices, sociétés de transports, assurances, banques). Cela ne favorise ni l’alimentation de la population, ni l’activité du paysan local, ni les économies d’énergie. Le protectionnisme est une condition incontournable de l’autonomie. Via Campesina demande le retrait de l’agriculture de l’OMC (organisation mondiale du commerce), ou plutôt le retrait de l’OMC de l’agriculture. Pour Via Campesina, mouvement mondial de petits paysans fondé officiellement en 1993 à Mons en Belgique, la souveraineté alimentaire est définie comme « le droit de chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à produire son alimentation de base dans le respect de la diversité culturelle et productive ». »

* LE MONDE | 21.03.2012, La progression du virus de Schmallenberg se confirme en Europe