Sélection naturelle ou séquençage de l’ADN ?

Il y a deux manières extrêmes de faire de la sélection à la naissance : laisser faire complètement la nature ou tout miser sur les techniques d’eugénisme. Chez les indiens Piraha d’Amazonie, les femmes doivent accoucher seules, si bien que beaucoup en meurent. Ce groupe social estime que chacun doit affronter par lui-même les épreuves de la vie : c’est une première forme de sélection*. Il y a quelque année seulement, l’accouchement à domicile était encore la règle. Aujourd’hui c’est l’hôpital, les échographies, la péridurale, la technicisation totale d’un acte naturel. En France, même les maisons de naissance (« comme à la maison »), intermédiaire entre l’accouchement à domicile et la clinique, cherchent encore leur reconnaissance légale**. Les grossesses normales sont prises en charge comme si elles étaient pathologiques. Il ne faut plus faire confiance à son corps ! La méthode Piraha est-elle meilleure que la sur-médicalisation de l’accouchement ? A vous de voir, mais les extrêmes sont souvent l’ennemi du bien. Surtout en matière d’eugénisme.

LE MONDE donne la parole de façon renouvelée à Laurent Alexandre***. Cet homme-là veut nous faire croire que la part de la génétique dans l’intelligence est de 50 %. Pas étonnant, le séquençage de l’ADN et les manipulations génétiques constituent le gagne-pain de ce président de DNAvision. Il faut donc selon lui agir sur la génétique du cerveau : « Que ferons-nous si les puissances de l’Asie souhaitent asseoir leur hégémonie en optimisant le génome de leurs concitoyens (et donc les capacités cérébrales) grâce aux manipulations génétiques, bientôt au point ? » Ne nous laissons pas tromper, il s’agit d’un discours scientiste. Les capacités cérébrales n’ont rien à voir avec ce discours technicisé ; ce sont les mécanismes sociaux de l’apprentissage qui sont déterminants. Les gènes ne régentent pas l’univers synaptique du cerveau humain, uniquement la multiplication des neurones et la forte poussée frontale. C’est la confrontation avec l’environnement qui va donner sa densité à nos capacités cérébrales ; les connections entre neurones se mettent en place au fur et à mesure des expériences que fait l’enfant. Le cerveau humain est unique en ce sens qu’il est le seul contenant dont on puisse dire que plus on le remplit, plus grand est sa contenance. Sauf anomalie (hydrocéphale, etc.), l’ADN ne détermine pas notre intelligence.

Les gènes humains sont le moyen de notre liberté plus que notre limite, ils desserrent l’étau des comportements innés auxquels sont si étroitement assujettis les autres animaux. La bioingénierie et Laurent Alexandre veulent pourtant nous enfermer dans les limites de leurs laboratoires. Il nous faut combattre la technoscience et adopter des pratique les plus proches possibles des rythmes naturels… sans tomber dans l’excès de la pratique des indiens Piraha !

*LE MONDE culture&idées du 9 mars 2013, Jared Dimaond (The World until Yersterday. What Can We Learn from Traditional Societies ?

** LE MONDE du 1er mars 2013, Une dizaine de maisons de naissance pourraient voir le jour

*** LE MONDE science&techno du 9 mars 2013, La guerre des cerveaux a commencé (d’après Laurent Alexandre)