Sobriété démographique, le retour de Malthus

texte de Michel SOURROUILLE

déjà paru sur le site notre-planete.info

https://www.notre-planete.info/actualites/5010-sobriete-demographique

Le 15 novembre dernier, nous avons franchi selon l’ONU la barre des 8 milliards d’êtres humains, on nous annonce 10 milliards pour bientôt. Cela nous semble synonyme de surnombre, il nous faut réagir, et pourquoi pas, devenir malthusien…

Sobriété démographique, la grande absente des médias

Dans les archives du MONDE, une seule mention de la sobriété démographique, et c’est dans une tribune uniquement visible sur Internet : « En France, il conviendrait de réviser à la baisse la politique nataliste. Il faut atteindre la « sobriété démographique » ; cela conditionne l’avenir de l’humanité. »1

Pourtant cet objectif me semble aller de soi à l’heure où nous avons franchi le 15 novembre dernier selon l’ONU le cap des 8 000 000 000 d’êtres humains. C’est énorme. Notre nombre s’est même accru de 1 milliard ces onze dernières années. Il faut vraiment faire preuve d’un total aveuglement pour ne pas juger que cet accroissement est monstrueux. Pourtant les démographes se contentent de constater et de dénombrer sans juger. Pire, sur le site du Fonds mondial de l’ONU pour la population, on trouve cette réaction : « Le franchissement de ce seuil s’accompagnera sans doute de discours invoquant avec alarmisme le terme de « surpopulation ». Se laisser aller à de telles paroles serait une erreur. »2

L’UNFPA se contente de cet argument d’autorité sans chercher à l’étayer alors que de nombreuses études scientifiques montrent que l’activisme humain a déjà outrepassé les capacités de la planète, réchauffement climatique, jour du dépassement, épuisement des ressources, extinction de la biodiversité, etc. Il y a bien un état incontestable de surpopulation et de surconsommation, on ne peut gérer de façon convenable et durable les besoins d’une telle multitude.

Malthus et la question démographique

A l’époque des écrits de Thomas Robert Malthus, peu après la révolution française, la planète était déjà peuplée de 1 milliard d’homo dit sapiens. Son patronyme, devenu un mot de notre dictionnaire, « malthusien », désigne dorénavant ceux qui sont « opposés à l’expansion démographique ». Pour être plus précis, Malthus dès 1798 écrivait qu’on ne devait pas croître démographiquement au-delà des disponibilités alimentaires. Selon son analyse, la fécondité humaine a une tendance naturelle à suivre une évolution exponentielle, un doublement tous les 25 ans en moyenne, alors que la production agricole, soumise à la loi des rendements décroissants, ne peut au mieux que suivre une évolution linéaire. En conséquence ce décalage croissant implique qu’on ne peut se contenter d’améliorer la productivité si on ne maîtrise pas en même temps l’expansion démographique.

Malthus peut être considéré comme un précurseur de l’écologie en tant que recherche de l’équilibre entre l’humain et son milieu de vie. En termes contemporains, un système socio-économique doit rester compatible avec les possibilités de notre écosystème, la Terre. Il ne s’agit pas d’être antinataliste, opposé en toutes circonstances à la fécondité. Il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté de procréer. Il s’agit d’être conscient individuellement et collectivement des conséquences de la pression démographique au détriment des générations présentes et futures, des autres espèces et de la nature en général.

En 1974, le présidentiable René Dumont présentait un programme allant dans ce sens : « La population du globe augmente à un rythme exponentiel. Nous sommes près de 4 milliards, nous serons 7 milliards en l’an 2000. C’est la FIN du monde ou la FAIM du monde. Nous sommes les premiers à avoir dit que la croissance démographique doit être arrêtée d’abord dans les pays riches, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers-Monde aboutit aux plus grandes destructions de richesse… Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »3

Pour une démographie responsable

Paradoxalement, alors que notre nombre a doublé entre 1974 et nos jours, le malthusianisme aujourd’hui est soit ignoré, soit dénigré, même dans le milieu des écologistes institutionnels. Il est vrai que le désir d’enfant relève de l’intimité des femmes et des couples. Mais, comme la plupart des comportements humains, cela entraîne des conséquences collectives, ici la surpopulation. Rares sont les personnes qui en ont conscience et choisissent l’extrême, la stérilisation volontaire ; ils ou elles refusent d’avoir des enfants pour des raisons écologiques. Le libre choix des individus est au cœur d’un système démocratique, encore faut-il que ce choix soit éclairé. C’est le rôle du gouvernement de mettre en place une formation à la question démographique dans les écoles et, pourquoi pas, une école des parents. Mais responsabiliser les parents, cela voudrait dire supprimer complètement les allocations familiales pour que l’État reste neutre en matière de fécondité ; il n’a pas pour fonction de promouvoir le natalisme dans un monde clos et saturé d’humains.

Entre l’individu et l’État, il y a aussi les associations à but universaliste. Nous constatons qu’en France, seule l’association « Démographie Responsable » a explicitement pour objet d’œuvrer pour la stabilisation de la population humaine et sa diminution sur le long terme. Malthus exprimait l’idée que si l’humanité se refuse à des solutions préventives, maîtriser notre fécondité exubérante, nous ferions en sorte de promouvoir une issue destructrice par les guerres, les famines et les épidémies. Nous avons donc le choix d’être raisonnable en agissant sur la natalité, sinon nous laissons à la mortalité le soin de rétablir les équilibres entre le poids de notre nombre et les possibilités de notre milieu de vie.

Né en 1947, j’ai connu une planète de 2,2 milliards d’habitants. Nous sommes 3,6 fois plus nombreux. J’ai connu ma ville de naissance, Bordeaux, une métropole, mais avec la nature assez proche, sans ses autoroutes périphériques et ses banlieues envahissantes, sans ses embouteillages de voitures, sans le chômage de masse. Bordeaux, la France, la planète. Des augmentations en milliards d’individus qui se répandent ici et là, c’est ingérable et invivable. Pour toutes les raisons exprimées précédemment, j’ai décidé de publier début octobre 2022 un livre exposant tous les éléments de la question démographique : « Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable ». Si les mots « surpopulation », « malthusien » et « engagement  individuel et collectif » faisaient irruption dans le débat public, mon livre aurait atteint son objectif.

Pour un achat de ce livre,

son libraire de proximité ou bien

https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation

1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/09/reduire-la-population-contribuerait-a-l-attenuation-du-rechauffement-climatique_6149100_3232.html

2. https://www.unfpa.org/fr/press/declaration-de-la-journee-mondiale-de-la-population-2022

3 L’écologie ou la mort (à vous de choisir) la campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique (éditions Pauvert, 1974)

6 réflexions sur “Sobriété démographique, le retour de Malthus”

  1. Un événement chasse l’autre, la pandémie un jour, l’invasion de l’Ukraine un autre jour, l’inflation maintenant, hier la COP27 sur le climat, aussitôt la COP15 sur la biodiversité et la finale du mondial de foot qui chasse aujourd’hui toutes les autres informations… Rien ne change si ce n’est en pire. Ce blog essaye malgré tout de suivre l’actualité en approfondissant l’analyse.

    Alors il faut se dire que le retour de Malthus contre les négationnistes de notre état présent de surpopulation serait une très bonne chose… Alors notre conseil, ne regardes pas le match de foot demain après-midi, lisez Malthus, comprenez qu’il était un lanceur d’alerte, et adhérez à Démographie Responsable pour lutter contre les illusions de notre temps présent.

    1. – « Ce blog essaye malgré tout de suivre l’actualité en approfondissant l’analyse. »

      L’analyse ??? Approfondir l’analyse ??? Pour tout et n’importe quoi celle de Biosphère se terminera toujours de la même façon : « Le Poumon vous dis-je ! »
      La pandémie, la guerre en Ukraine, l’inflation, le réchauffement, la fatigue, le plus rien à foot et les idées pourries qui progressent… le Surnombre vous dis-je !
      Alors mon conseil, si vous n’avez rien de mieux à faire, et si ça peut vous faire du bien, regardez le foot. Par contre, si vous voulez lutter contre les illusions de notre temps présent, et décoloniser votre imaginaire et en même temps, ne prenez surtout pas Malthus comme un maître à penser.

  2. Malthus a dores et déjà raison, puisqu’il y a des famines dans le monde et que ces famines se multiplient tant en nombre de famines (elles se produisent dans de plus en plus de pays) qu’en intensité de la famine (il y a de plus en plus d’individus de ces pays qui sont concernés par la famine), aussi on peut ajouter la durée, en effet les famines qui commencent à se manifester deviennent chronique d’une année sur l’autre ! Or à partir du moment où un pays est en état de famine c’est que ce pays est en surpopulation ! (à l’exception des famines provoquées artificiellement par les guerres comme pour l’Ukraine aujourd’hui) Et avec un taux de natalité trop élevé, les bouches à nourrir se multiplient, ce qui explique que l’intensité des famines augmente et qu’elles perdurent dans le temps.

  3. Comme si les 30 jours du mois de novembre ne suffisaient pas, comme si l’écologie se réduisait à ce seul sujet, comme si c’était en nous rabâchant la même rengaine, en cherchant à nous refiler sa propre angoisse et son propre mal de vivre, et à nous culpabiliser, comme si c’était comme ça que nous pourrions avancer. Bref, voilà donc le «retour» de Malthus.
    À qui aujourd’hui je tiens à dire : « vade retro satanas ! »
    J’ai parlé l’autre jour (“êtes-vous hydroresponsable ou coupable ? “) de ce nouveau mal qui vient s’ajouter à l’éco-anxiété, et qui finalement ne fait qu’en rajouter à nos problèmes, à savoir l’éco-fatigue. Eh bien je me permets de le dire, Biosphère est contre-productif.
    Heureusement (à prendre au premier degré) ce blog n’est suivi que par trois pelés et un tondu. Bonjour donc la Malthus-fatigue. ( à suivre )

    1. Ras le bol de Malthus et ras le bol des Malthusiens ! Dont certains ici, du moins qui s’en prétendent, sont très loin d’être fréquentables. Ras le bol de cette complaisance à leur égard, ras-le bol de cet esprit binaire, de ce dogmatisme, de cette hypocrisie, ras le bol de ces méthodes malhonnêtes visant à salir et neutraliser toute voix discordante.
      Voilà donc la réussite de Biosphère. Si son objectif était qu’à partir de trois pelés on en arrive à les mettre tous dans le même panier, et à la Poubelle, qu’on finisse par généraliser et résonner comme un tambour, ou un con, de malthusien… bravo !
      Biosphère, qui, et ce n’est pas faute de lui avoir dit, ferait bien de s’interroger sur les causes de son remarquable «succès» et «attrait». Et sur les raisons qui ont poussé bon nombre de commentateurs (d’une toute autre pertinence que nos trois pelés et un tondu) à aller voir ailleurs.

      1. Depuis plus de deux siècles nombreux sont ceux qui ont étudié de près le malthusianisme et le néo-malthusianisme, les liens ont été établis avec d’autres sinistres idéologies, à commencer par le Capitalisme. Plus de deux siècles après le «précurseur», le (néo)malthusianisme reste une théorie réactionnaire au service du Capitalisme sénile.
        August Bebel (1840-1913) écrivait que la peur de la surpopulation et la prolifération des idées malthusiennes qu’elle engendre se manifestent «toujours dans les périodes de décadence de l’ordre social».
        Et il rajoutait : « Les assertions de Malthus n’ont donc de signification que si l’on prend pour point de départ le système de production capitaliste, et celui qui part de ce point de vue a toutes les raisons de défendre ce système, car autrement le terrain se déroberait sous ses pieds. »
        Autant dire qu’il est IMPOSSIBLE pour un malthusien de revoir sa copie. C’est le propre du dogmatisme.

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