Sommes-nous trop nombreux ? Bien sûr que oui !

Archives*. Aujourd’hui 10 janvier 2009, l’enquête du Monde2 croit « démonter » et « battre en brèche » l’argumentaire malthusien par cette idée fixe : « Halte à l’alarmisme », le journaliste Frédéric Joignot conclut : « Les politiques sont en cause. Pas le nombre d’habitants ». En fait, il s’agit d’une erreur  conceptuelle car évolution de la population et des ressources alimentaires sont indissociables. Nous sommes en présence d’une causalité circulaire, les ressources à la disposition d’une société humaine s’accroissent, ce qui permet d’augmenter le nombre de participants, qui fait pression pour une nouvelle augmentation des ressources, ce qui accroît les possibilités d’une croissance démographique… Qui a commencé ? Difficile à dire tant la relation de cause à effet est complexe. Les historiens ont montré que la révolution néolithique, grâce à la sédentarisation, l’invention de l’agriculture et une plus forte structuration sociale a entraîné une amélioration de l’alimentation, d’où un premier boom démographique… Depuis quelques décennies, les pays émergents ont bénéficié des progrès de l’hygiène et de la médecine tout autant que d’un accès à un système alimentaire mondial plus performant, d’où un taux global d’augmentation de la population mondiale qui a pratiquement atteint 2 %, soit un doublement en 35 ans seulement. Même si le taux d’accroissement naturel se ralentit globalement, il restera positif en 2050. Et certains pays connaissent encore des taux d’accroissement de 3 % et plus. Comment ne pas s’inquiéter, la capacité de charge de notre planète est-elle extensible ? Quelles politiques pourront faire face à ce surcroît de population ?

Frédéric Joignot écrit : « Aurons-nous assez de ressources pour nous nourrir ? Oui et oui. » Examinons les choses de plus près. Malthus a été temporairement remis en cause car la loi des rendements décroissants en agriculture a été contournée depuis deux siècles par les engrais artificiels,  la sélection des semences, la monoculture et autres ingéniosités techniques. Nous sommes à la fin de ce cycle, les rendements à l’hectare nécessitent de plus en plus d’énergie préalable apportée, principalement issue des ressources fossiles. Or nous sommes à l’aube du pic pétrolier et des effets de la perturbation climatique. La recette miracle qui permettait de conjuguer productivité maximale, protection de l’environnement et économies de carburant n’existe plus. L’appauvrissement en matière organique, relevé par la Commission européenne sur 45 % des sols de l’Union, est un facteur explicatif prépondérant de la baisse des rendements (LeMonde du 28 juin 2008). Au niveau mondial, la moitié des sols cultivables est dégradée, c’est-à-dire qu’il a perdu une partie de ses fonctions, comme celle de nourrir les plantes, celle de filtrer les eaux ou encore celle d’abriter une importante biodiversité (Synthèse d’un article de l’Atlas de l’environnement, hors-série Monde diplomatique). Selon Marc Bied-Charreton (président du comité scientifique français contre la désertification), « on dirait que personne ne se rend compte de la gravité de la menace : le processus de désertification fait souffrir aujourd’hui 500 à 600 millions de personnes. Demain ils seront deux à trois milliards » (Le Monde, 13 janvier 2008).

Il nous reste donc à appliquer principalement la méthode malthusienne, c’est-à-dire la limitation des naissances. Il est d’ailleurs paradoxal que Frédéric Joignot utilise pour son argumentaire sur la baisse de fécondité l’exemple de pays qui ont pratiqué fortement les méthodes malthusiennes, l’Iran et la Chine. Inutile de s’étendre sur la politique de l’enfant unique en Chine. Admirons l’évolution iranienne. Quand l’ayatollah Khomeyni est arrivé au pouvoir après la révolution islamique de 1979, les programmes de planification familiale mis en place par le Shah ont été démantelés. En conséquence, le taux de croissance annuel de la population a atteint plus de 4 %, soit un doublement tous les 17 années seulement. Mais à la fin des années 1980, le coût social et environnemental d’une telle croissance est devenu perceptible et le discours religieux a changé : la diminution du nombre d’enfants devenait une responsabilité sociale et 80 % des dépenses de planification familiale furent pris en charge par le budget de l’Etat. Environ 15 000 « maisons de santé » furent ouvertes pour permettre à la population rurale d’avoir accès aux services de régulation des naissances.

Il est donc irresponsable de déconsidérer un des termes de l’équation démographie/ressources, les deux sont intrinsèquement liés. La politique ne peut ignorer ni l’épuisement des terres, ni la pyramide des âges d’une population mondiale jeune, avec un potentiel reproductif important. Or il y a une grande inertie de la démographie dans le temps, ce qui a explosé hier ne fera ses effets que demain, quand il faudra procurer emplois et nourritures pour les jeunes arrivants.

* http://abonnes.lemonde.fr/opinions/chronique/2009/01/11/inquietude-demographique_1140372_3232.html

5 réflexions sur “Sommes-nous trop nombreux ? Bien sûr que oui !”

  1. Oui Didier, toujours ce problème du refus des limites. Et cette illusion de toute-puissance qui nous fait laisser les problèmes s’envenimer parce que nous croyons que nous aurons toujours une solution.

  2. Oui José, en effet vous avez raison c’est une grande erreur que font beaucoup de politiques et même d’écologistes que de prétendre soumettre les lois de la physiques à celles de la politique ou de la société, voire même parfois, à leurs intentions ou préférences.

  3. Rien ne peut plus nous étonner. Il y a même des gens pour affirmer avec aplomb que réduire l’entropie, c’est juste une question de volonté politique.

  4. Dès qu’ il s’ agit d’ émettre de faux constats et d’ aller dans le sens du mondialisme le plus débridé , les journalopes de l’ immonde s’ en donnent à coeur joie ; ils feraient bien de se souvenir que , sans les subsides colossaux octroyés par un état en pleine déliquescence ravagé par l’ idéologie gauchiste , ce torchon ferait faillite car son lectorat s’ amenuise comme peau de chagrin .
    Il y a 35 ans , ce journal était une référence de qualité , maintenant , il fait penser à un égout .
    Le malthusianisme semble être un puissant remède contre le mondialisme encourageant le lapinisme pour disposer d’ une masse infinie de consommateurs .

  5. Trop nombreux, trop gourmands, trop fiers, trop cons … bien sûr que oui !
    Et alors, et maintenant qu’on a dit ça, qu’est ce qu’on fait ? On se tire une balle dans la tronche, ou quoi ? Ben non, on s’arrange pour continuer à vivre et ce n’est pas plus compliqué que ça. Poussé par cette force mystérieuse chacun s’applique à vivre, au mieux… Certains prient la Sainte Vierge pour le salut de leur âme, d’autres s’en réfèrent à Bacchus, d’autres à Saint Malthus… bref chacun s’arrange à sa façon de cette triste réalité.

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