taxe carbone, un vrai serpent de mer

« Nous sommes la dernière génération qui puisse faire quelque chose contre le réchauffement climatique. »* Ce n’est pas un scientifique ni un politique qui lance cet avertissement, mais Kristalina Georgieva, la directrice de la Banque mondiale. Comment ? « Nous pensons très fermement que nous pouvons envoyer un signal économique en lançant un prix fictif sur le carbone. ». Ah Ah ! c’est ce que proposent les analystes éclairés depuis des lustres. En 2006,  Jean-Marc Jancovici dans « Le plein s’il vous plaît » envisageait ainsi la taxe carbone : « Le changement de mode de vie porte déjà un nom : un prix de l’énergie toujours croissant. C’est si simple, il suffit juste de le vouloir ! Votez pour le premier candidat qui proposera d’augmenter progressivement et indéfiniment la fiscalité sur les énergies fossiles ! » En 2006 Nicolas Hulot reprend l’idée dans le pacte écologique : « taxe carbone, passage obligé vers une société sobre ». En 2009, nous proposions sur ce blog la généralisation de la taxe carbone.

Mais il y a une fuite éperdue des politiques devant cette taxe carbone. Sarkozy en avait un peu parlé en 2008, pour abandonner l’idée. Pour Marine Le Pen, la position est explicitement opposée depuis 2012 : « Pas de taxe carbone, rien. Je pense que la seule façon de baisser les émissions de gaz à effet de serre, c’est de revenir à un modèle nationaliste, d’arrêter la course au libre-échange. » Contrairement à l’idée d’une augmentation du prix du carbone, Hollande voulait diminuer le prix de l’essence au début de son mandat ! En 2014 Ségolène Royal, soi-disant ministre de l’écologie, supprime l’écotaxe pour les poids lourds. La COP21 de 2015 laissait libre cours à la bonne volonté de chaque État pour parvenir à l’objectif symbolique de limiter l’augmentation des températures à 2°C, autant dire autorisait à ne rien faire. Soulignons que la tarification du carbone, nécessaire pour induire des changements de comportement, devrait selon nos dirigeants se faire d’une manière favorable à la croissance économique et au développement. Autant dire être indolore. Quand il était ministre, Nicolas Hulot ménageait la chèvre et le choux : »Une fiscalité basée sur une taxe carbone uniforme et le renchérissement du prix du diesel risquait de pénaliser les foyers les plus modestes. C’est pourquoi le gouvernement a prévu des « dispositifs d’accompagnement ciblés pour éviter que la fiscalité ne pèse sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes ». » Donc dans un monde croissanciste, nous irons jusqu’à brûler la dernière goutte de pétrole, laissant à nos descendants la responsabilité de s’adapter à la montée des eaux océanes, aux sécheresses à répétitions, à la perte de rendements agricoles, aux déplacements forcés des migrants climatiques chassés de leurs terres et à toutes sortes de malheurs concomitants. Bravo les politiciens !

Alors comme nous n’aurons pas su mettre en place une carte carbone efficace suffisamment à temps, nous passerons de façon brutale à la carte carbone, c’est-à-dire un système de rationnement. En 2009, Yves Cochet dans « Antimanuel d’écologie » envisageait déjà cette hypothèse : « Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de l’Europe que sont la paix, la démocratie et la solidarité, la transition vers la société de sobriété passe par la planification concertée et aux quotas, notamment en matières énergétique et alimentaire. »

* LE MONDE du 21 septembre 2018, Selon la Banque mondiale, la lutte pour le climat passe par un prix sur le carbone