Trump ne peut gagner contre l’OMC

Entre 2016 et 2023, les échanges de marchandises et de services ont augmenté en moyenne de 6 % chaque année dans le monde. L’OMC (organisation mondiale du commerce) prédit une contraction historique du commerce mondial cette année, conséquence de la « tempête Trump ». Les tensions protectionnistes augmentent avec la crise et l’idée d’une relocalisation nécessaire des activités fait son chemin. D’ailleurs les Chinois se mordent les doigts d’avoir basé l’essentiel de leur développement sur la promotion des exportations. Il n’empêche, Trump va céder et le libre-échange va repartir de plus belle au grand détriment des équilibres écologiques.

Julien Buissou : Dans ses prévisions annuelles publiées ce mercredi 16 avril, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) table sur une baisse du volume du commerce mondial de marchandises comprise entre 0,2 % et 1,5 % en 2025 en fonction de la politique douanière de Trump, soit une baisse d’au moins 2,9 points de pourcentage par rapport à ses estimations d’octobre 2024 qui envisageaient une hausse de 2,7 %. Le commerce mondial de marchandises devrait ensuite renouer avec une modeste croissance de 2,5 % en 2026. « La nature sans précédent du récent changement de politique commerciale est un défi pour les prévisionnistes, précise l’OMC dans son rapport, car il n’existe aucun événement comparable dans l’histoire récente. »

Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC : « L’incertitude persistante risque de freiner la croissance mondiale, avec de graves conséquences négatives pour l’ensemble du monde, et en particulier pour les économies les plus vulnérables ».

L’agence ONU Commerce et Développement (anciennement appelée la Cnuced) constatait que les chaînes d’approvisionnement étaient, à nouveau, en pleine reconfiguration. Les crises géopolitiques et la pandémie de Covid-19 avaient déjà incité les multinationales à construire des usines dans des pays plus proches de leurs marchés, à la fois sur le plan géographique et géopolitique.

Le point de vue des écologistes protectionnistes

C’est bon pour la planète… ou pas ? À court terme une croissance économique défaillante suite aux restrictions commerciales ne peut qu’amplifier le chômage mondial et les inégalités. À long terme, une démondialisation serait une très bonne nouvelle pour l’environnement : moins de commerce égale moins de consommation égale moins de CO2 émis. Nous savons depuis 1972 qu’une croissance continue dans un monde fini est impossible et nous avons déjà dépassé les limites de la planète. Il faudrait donc que les gouvernements planifient à la fois la sobriété des modes de vie et favorisent les circuits courts. Ce n’est pas fait et le trumpisme n’arrange rien à l’affaire. Et puis l’OMC va encore pousser au libre-échange… et nous irons vers le mur encore plus vite. Trump n’est qu’un épisode de notre course à l’abîme sur une planète en flammes.

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Pour une démondialisation des échanges

extraits : La mondialisation est passée du registre de la solution à celui du problème, au grand dam des économistes convaincus des bienfaits pacificateurs du « doux commerce ». Car la multiplication des délocalisations tout au long de la chaîne de production fragilise l’ensemble : si l’un des maillons vient à manquer, c’est toute la chaîne qui s’effondre. Juste avant la pandémie, 70 % du commerce international était réalisé au travers de chaînes de valeur mondialisées. L’augmentation durable des prix des carburants va pousser les entreprises à favoriser les productions à proximité du consommateur. Bienvenue au circuit court !…

Le yin du protectionnisme contre le yang du libre-échange

extraits : L’écologie penche pour le protectionnisme, la démondialisation, en définitive la relocalisation. Historiquement les vagues de protectionnisme et de libre-échange se sont succédé depuis l’abolition en 1838 des Corn Laws qui protégeaient l’agriculture britannique. Depuis la crise de 2008, la protection est à nouveau à l’ordre du jour. Les effets positifs du libre-échange n’existent que par l’accélération de la croissance économique que cela entraîne, mais les conséquences globales sont néfastes. La concurrence internationale s’est accompagnée de délocalisation, de montée des inégalités, de chômage structurel et de déséquilibres socio-écologiques. Le « doux » commerce est en réalité une affaire de puissance, c’est le plus fort qui impose sa loi…

La souveraineté alimentaire, une notion dévoyée

extraits : Après la création de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995, les États défendaient l’idée qu’il fallait ouvrir les marchés pour rendre l’alimentation moins chère et permettre aux pauvres de se nourrir. C’était n’importe quoi parce que la majorité de ceux qui ont du mal à survivre, ce sont les paysans pauvres, et baisser leurs revenus n’allait pas les aider. La souveraineté alimentaire est alors définie par Via Campesina (« la voie paysanne ») en réaction au libre-échange. C’est la capacité des peuples à décider de leur alimentation et convenir du modèle pour y parvenir, dans le respect de ceux qui travaillent la terre et des ressources naturelles.

8 réflexions sur “Trump ne peut gagner contre l’OMC”

  1. Trump ne faisait pas le poids contre le pape

    – « Pour la première fois depuis janvier, le président Donald Trump a quitté la « une » des journaux américains mais […] » (L’hommage laconique de Donald Trump au pape François, cinglant contempteur de sa politique migratoire – Le MONDE 21 avril 2025)

    – « L’hommage de Donald Trump au pape François s’est limité à une brève déclaration sur les réseaux sociaux et lors de la chasse aux œufs de la Maison Blanche. […] »
    (Donald Trump rend hommage au pape François, mais les relations restent tendues –
    radiofrance.fr 22 avril 2025)

  2. malentendus et autres malentendants

    – « Vous faites de Karl Marx, un écologiste, un décroissant. Etes-vous fou ? Marx remettait en cause la propriété privée des moyens de production, mais pas le productivisme !
    Kohei Sato : Cette vision classique de Marx est simplement fausse. [etc.] »
    (Kohei Saito : « On ne sortira pas de la crise écologique en restant dans le capitalisme » alternatives-economiques.fr 26 Octobre 2024)

    Le 12 novembre 2024 Biosphère lui a justement consacré un article. Comme quoi Biosphère… Kohei Saito, Karl Marx, le pape François… tout est lié. D’ailleurs même lui le disait.
    Comme le pape donc, comme les Évangiles, comme la bible de Malthus, celle de Marx et Jean Passe, nous nous heurtons toujours à ce satané problème d’interprétations.
    Comme dit Bernard Werber… entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre [etc. etc.] il y a au moins mille possibilités de ne pas se comprendre. J’en arrive donc à penser que Trump restera un grand incompris. 🙂

  3. vive la révolution !

    – « M. Trump est peut-être le début d’une révolution sociale aux États-Unis d’Amérique. Quand les Américains vont se rendre compte que tous leurs prix vont augmenter […] et qu’il ne suffit pas de mettre des droits de douane à l’aveuglette pour reconstituer une industrie et une agriculture aux États-Unis […] ça va chauffer »
    ( Pour Mélenchon, Donald Trump peut provoquer une « révolution sociale » aux États-Unis
    ouest-france.fr 22/04/2025

    1. sondages et cancans

      – Trump est-il (déjà) en train de perdre le soutien populaire? Des sondages démontrent que de nombreux Américains n’approuvent pas ses actions ( rtl.be 20/04/2025 )

      – La popularité de Trump aux États-Unis est à son plus bas niveau depuis son investiture
      ( radio-kankan.com 22 avril 2025 )

  4. Esprit critique

    – « Et si la politique commerciale brutale de Donald Trump pouvait, malgré elle, ouvrir des brèches vers un avenir plus soutenable pour les États-Unis ? » (Donald Trump, meilleur allié d’une économie plus résiliente et durable, malgré lui ? journaldunet.com 11/04/25)

    C’est quand même malheureux (grave) qu’ON en soit arrivé à se poser ce genre de questions.
    C’est comme si ON se demandait si la meilleure solution n’était pas finalement de tout péter.
    La politique de la terre brûlée. Pour dire à quel point ON pédale dans la semoule. Misère misère !
    Pour un écologiste décroissant (pléonasme), un net recul des échanges internationaux peut sembler être une bonne nouvelle. Sauf qu’il sait très bien que tout est lié.
    Comme il sait que Trump et sa clique de libertariens ne sont en rien anti-Système. Qu’au contraire ils s’y complaisent et s’y vautrent toujours plus. Protectionnisme ou «libre-échange», c’est toujours plus de Compétition, de guerres, d’exploitations des hommes et de la nature etc. ( à suivre )

    1. (suite) Tiens, par exemple : Donald Trump réautorise la pêche commerciale dans un vaste sanctuaire marin de l’océan Pacifique (francetvinfo.fr 18/04/2025 )
      Et ce pour sauver les braves pêcheurs commerciaux honnêtes des Etats-Unis (sic)… leur permettre d’aller «pêcher plus loin au large dans les eaux internationales pour rivaliser avec des flottes étrangères mal réglementées et fortement subventionnées»…
      Et «une pêche commerciale correctement gérée ne mettrait pas en danger les objets d’intérêt scientifique et historique» protégés par le sanctuaire… qu’il ose même affirmer !

      Trump est bel et bien en train de TOUT péter !

  5. Didier BARTHES

    Donc Trump est un écologiste radical qui veut s’attaquer à la mondialisation, baisser les échanges internationaux et favoriser une économie plus locale. On ne le voyait pas comme ça mais enfin… c’est bien la première fois qu’un dirigeant va dans le sens de ce que demandent les écologistes et aussi les décroissants
    Curieusement je n’ai pas l’impression qu’ils lui en soient reconnaissants.

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