Ulrich Beck et la société du risque

« On se prend à rêver de l’époque où la seule catastrophe menaçant l’humanité était un conflit nucléaire » En janvier 1986, trois mois avant la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, Ulrich Beck publiait La Société du risque, un ouvrage clé qui ne fut traduit en français qu’en 2002 (Aubier). Face aux accidents industriels précédents, entre autres fléaux, le sociologue allemand estimait que le principal enjeu des pays riches ne serait plus la répartition des fruits de la production, mais la réparation des dégâts du progrès. Ce proche des Grünen prônait une « modernité réflexive », capable d’intégrer la nature aux relations de plus en plus étroites avec la société humaine, et un débat citoyen sur les choix technologiques. En 2006, la menace du virus de grippe aviaire H5N1 lui inspira des déclarations critiques sur l’impréparation, notamment institutionnelle, face au risque annonciateur d’une catastrophe sanitaire qui n’advint pas. L’accident de Fukushima, en mars 2011, confirma « à quel point ce qui est imputable à la nature et ce qui l’est à la technique et aux compétences humaines sont directement enchevêtrés », déclara-t-il au Monde (daté 26 mars 2011). Mort le 1er janvier 2015, il n’a pas pu penser la crise du Covid-19. Elle ne fait que conforter ses analyses.

Jean-Michel Bezat : « Les dirigeants politiques, les chefs d’entreprise et les économistes ont mis du temps à intégrer les grands risques systémiques. C’est désormais acquis : Davos et d’autres forums anticipent des scénarios beaucoup plus noirs que la réalité actuelle. L’Organisation mondiale de la santé envisageait déjà en 2018 l’apparition d’un agent très pathogène. Fin 2019, l’université Johns Hopkins avait modélisé une pandémie de coronavirus partie du Brésil et tuant 65 millions de personnes. Le classement des risques fluctue. Au premier rang en 2019, le réchauffement climatique a cédé sa place aux maladies infectieuses, qui ne figuraient qu’en huitième position un an plus tôt. Viennent ensuite les cyberattaques, les tensions géopolitiques et les conflits sociaux. La tendance nouvelle est l’interconnexion croissante des risques. En plongeant de nombreux pays dans la récession, le Covid-19 est porteur de graves troubles sociaux. Les dettes publiques et privées peuvent déstabiliser la finance en sortie de crise sanitaire. Et le réchauffement climatique reste une bombe à retardement. »

Cette chronique de Jean-Michel Bezat oublie ce qui nous semble le risque le plus grand de déflagration mondiale, une hausse brutale du prix du baril. Sans oublier que notre nombre étouffe toute possibilité de solutions à court terme… Voici quelques risques analysés sur notre blog biosphere :

18 janvier 2021, Notre nombre accroît le risque épidémique

17 mars 2019, Nucléaire, des risques sans alternative nucléaire

19 novembre 2017, effondrement, le risque agricole/alimentaire

10 novembre 2011, contagion virale, un risque élevé pour l’humanité

30 août 2011, les risques de la techno-science selon Alex Türck

3 avril 2011, écologie et risque fasciste

6 réflexions sur “Ulrich Beck et la société du risque”

  1. Didier BARTHES

    Le risque de conflit nucléaire n’est hélas pas derrière nous, ça existe toujours, et la multiplication des pays ayant ces capacités n’arrange pas les choses.

  2. – «Cette chronique de Jean-Michel Bezat oublie ce qui nous semble le risque le plus grand de déflagration mondiale, une hausse brutale du prix du baril. »

    Une hausse brutale du prix du baril aurait certes des conséquences graves. Elles restent toutefois difficiles à prédire dans le détail. Je pense que le plus grand risque de déflagration mondiale, c’est une guerre nucléaire mondiale. Finalement c’est le plus grand risque qui nous pend au nez. Hors-mis celui d’évoluer dans le mauvais sens. Autrement dit de régresser au stade bestial, au lieu d’évoluer vers ce Sapiens enfin digne de ce nom.
    Les dégâts d’une guerre nucléaire mondiale seraient tels que la planète serait alors quasiment inhabitable, notamment à cause des radiations. On peut toujours imaginer quelques survivants, ci et là, toutefois je ne voudrais pas en faire partie.

    1. Le risque est le même avec le nucléaire civil. Les partisans de cette énergie de m… (de malheur) se plaisent à croire qu’on gère la situation. Qu’en mettant le déchets dans des trous bien profonds on ne risque rien. Et patati et patata. La seule chose qu’ils peuvent dire de sérieux, c’est «jusque là tout va bien. »
      Puisque ces gens là ne manquent pas d’optimisme, ni d’imagination, je les laisse imaginer le parc nucléaire mondial à l’abandon. Pourquoi le serait-il, à l’abandon ? Parce que les priorités seraient ailleurs, tout connement, il suffit juste d’imaginer.
      En attendant, qu’ils jettent un oeil à la carte du monde, qu’ils repèrent toutes les installations nucléaires, et qu’ils me disent où je dois aller me planquer. Je les en remercie d’avance. 😉

  3. Le concept de progrès apparaît au début du 17ème siècle, il consiste en l’idée d’une continuelle marche en avant vers un bonheur toujours plus grand. Jusqu’au milieu du 20ème siècle les scientifiques imaginaient un futur radieux et nous promettaient monts et merveilles. Et bien sûr tout le monde ou presque s’est laissé séduire. C’est ainsi que le Progrès est devenu la nouvelle religion, son principe étant «On n’arrête pas le progrès».
    C’était ne pas savoir encore qu’ «il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine». (Einstein. Qui rajoutait «… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue.») C’était oublier que tout à un début et une fin, même les religions.
    On peut dire qu’avec la bombe atomique, la prise de conscience des limites et des dangers du Progrès a été brutale.

    1. -« En attendant, le dogme du progrès technique n’est pas mort, il bouge encore. On peut dire qu’il fonctionne désormais comme une bouée de sauvetage. En attendant, on peut toujours essayer de comprendre pourquoi quelqu’un qui se noie, s‘agrippe à n’importe quoi. Même à une vieille branche pourrie. » (Michel C 26 février 2021 à 13:20)
      – « On se prend à rêver de l’époque où la seule catastrophe menaçant l’humanité était un conflit nucléaire » (Ulrich Beck)

      Oui, en attendant on peut toujours rêver. Et même rêver qu’un jour on pourra remonter le temps… et revenir ainsi au «bon temps béni des colonies ».
      Mais en effet, d’un certain point de vue on peut dire que s’il n’y avait que le risque d’un conflit nucléaire, alors ce ne serait pas si grave. Toutefois je vous laisse imaginer le «bonheur » de patauger dans les Béquerels et les Sievers. Et en plus avec le masque.

    2. En 2021 la liste est longue des risques qui nous pendent au nez. Des risques divers et variés, qui occupent et font trembler de plus en plus de monde.
      Conflits et accidents nucléaires, en cascade. Climat, sécheresses, inondations etc. Pénuries, de nourriture, d’eau, de matières. Bug, ou tempête solaire, ou autre, paralysant l’ensemble de nos réseaux, de communication et d’alimentation. Pandémies, et j’en oublie.
      Quand on se pense que tous ces risques sont liés, alors on se dit qu’il est grand temps de quitter cette planète. Et là encore on se prend à rêver. Aux voyages interstellaires, au Cosmogol, à la Téléportation… 😉

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