Une histoire nationale à dé(re)construire

L’histoire nationale, on s’en fout sauf à filtrer avec l’extrême droite. Ce n’est pas l’avis d’un candidat à la présidentielle de 2022 !

Xavier Bertrand : « L’heure n’est pas à la déconstruction de l’histoire mais à la reconstruction d’une cohésion nationale. L’histoire est à une nation ce que la mémoire est à un individu. Elle fonde son identité : elle est donnée, tout entière, en héritage à ceux qui naissent sur le sol de France, et en partage à ceux qui veulent devenir français. Elle éclaire notre action. Elle nous permet de nous projeter vers l’avenir. Avec ses dimensions de grandeur et sa part d’ombre, notre histoire nous définit et forme le socle de nos valeurs. Le chef de l’État voudrait « déconstruire » notre histoire, c’est une atteinte portée à notre dignité nationale, et ce sur un média étranger. Cette position instille un poison mortel dans notre unité nationale. »

Xavier Bertrand veut nous faire croire que la France ne s’est pas bâtie sur la colonisation et l’esclavage, que l’islamisme radical et l’ultragauche sont culs et chemise, qu’il y a une guerre idéologique engagée contre la France, qu’il faut restaurer la souveraineté migratoire et qu’entre Macron et Le Pen, il y a LUI, l’autre choix pour 2022. Mais l’histoire n’a pas à être politisée dans un sens ou un autre, le travail des historiens est seulement de s’approcher le plus possible de la vérité des faits et de leurs enchaînements. La récupération politicienne du résultat des recherches historiques, c’est juste… de la politique. L’histoire « nationale » est une construction du XIXe siècle, on a inventé le choc des nations pour mettre un semblant d’ordre dans la multiplicité des peuples du monde. Cette idéologie réductrice est complètement dépassée par l’histoire à construire qui se compose de deux éléments ; d’une part celle du passé de l’humanité toute entière et du support qui nous fait vivre, la Terre, d’autre part celle de la construction de notre avenir. Toutes nos pensées, tous nos comportements, reposent sur des histoires inventées. Le récit confère à notre vie une dimension de sens qu’ignorent les autres animaux. L’imagination précède l’action et les récits qui en découlent façonnent nos perceptions.

Une déconstruction /reconstruction ne peut reposer que sur le message écologique, ce qui nous réconciliera avec une planète que nous avons pillée et dévastée. Jusqu’à présent, la société libérale et thermo-industrielle a été soutenue par une myriade d’articles, de livres, de films, de publicités qui lui ont permis de l’emporter sur le récit marxiste. Aujourd’hui nous sommes en présence d’un écrasant imaginaire fait de prouesses technologiques, de vacances sur des plages paradisiaques, de smartphones, de filles à moitié nues sur les affiches, de voitures dans des décors de rêve, de livraisons en vingt quatre heures sur Amazon… Que faire en tant que militants écolo face à un tel imaginaire ? Que pèse une campagne d’ONG face à des millions de messages contraires délivrés chaque jour par les marques, les chaînes, les influenceurs de toutes sortes qui inondent les réseaux sociaux ? Que pèse un post de Greenpeace International sur Instagram (628 000 followers) appelant à agir pour le climat, contre un post de Kim Kardashian (105 millions de followers) appelant à acheter son nouveau gloss à paillettes ? La religion de la croissance est la plus puissante fiction de notre époque. Nous pillons les ressources naturelles, éradiquons les espèces au nom d’histoires et de fictions.

Mais dans son livre Blessed Unrest, Paul Hawken décrit ce qu’il appelle le plus grand mouvement social de l’histoire : « Il y a déjà un à deux millions d’organisations qui œuvrent pour la durabilité écologique et la justice sociale. » Ce blog biosphere n’est qu’un élément de cette reconstruction de l’histoire,, ce sont les petits ruisseaux qui se transforment en grands fleuves.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

17 juin 2018, Écologie : changer d’histoire pour changer l’histoire

27 mai 2015, Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore

18 octobre 2012, Histoire de la crise écologique

13 septembre 2010, les profs d’histoire nous manipulent

6 réflexions sur “Une histoire nationale à dé(re)construire”

  1. Gilles Lacan

    Ceux qui ne veulent plus des Etats, du récit national, de la souveraineté et des identités culturelles, mais qui curieusement sont choqués qu’on distribue des téléphones portables et du Coca Cola aux tribus d’Amazonie et qu’on plante des palmiers dans la forêt indonésienne, ne doivent pas se plaindre de Kardashian et des GAFA, auxquels ils devraient ajouter Greenpeace : la nature a horreur du vide. Ils n’ont que ce qu’ils méritent.

  2. Dans l’histoire récente, le nationalisme est complètement écrasé entre la mondialisation économique triomphante et les tendances à la relocalisation sur des ethnies ou des territoires. Pour l’instant, le repli sur l’identité nationale est considérée comme un moindre mal par les votants à l’extrême-droite en France comme dans bien d’autres pays. Mais ce n’est qu’un dernier sursaut de l’histoire imaginée autrefois, ce n’est pas le sens de l’histoire en construction. Cette période de pandémie nous donne quelques pistes vers l’avenir. Contre la mondialisation, il y a obligation de retreindre non seulement les déplacements des personne, mais aussi des biens.
    Les chocs énergétiques, climatiques, épidémiques et démographiques instaurent progressivement l’idée dans les têtes que les circuits courts doivent être valorisés, qu’il faut devenir paysan ou artisan de proximité, etc.

    1. (suite) Cette histoire-là est en train de se faire, c’est une construction collective dans laquelle ce blog biosphere n’est qu’une goutte d’eau. La société thermo-industrielle et croissanciste soutient toujours la mondialisation des échanges et les êtres sans recul nécessaire votent encore Marine Le Pen. Mais le contexte d’une planète exsangue devient favorable aux idées d’harmonie entre les humains et la nature. Le point de vue des écologistes que nous portons sur ce blog est mieux adapté à la situation géopolitique et biophysique qui nous entoure. Car il ne faut pas oublier que l’écologie politique a pour fondements les résultats de l’écologie scientifique.
      Il ne faut pas simplement considérer chaque marche qu’on monte, l’autre nous mènera encore plus haut. Bien entendu nous ne savons pas encore si les tendances humaines aux conflits violents vont l’emporter (ou non) sur le désir d’un équilibre durable et non-violent…

      1. De mon point de vue (d’écologiste, cette fois je m’en dis, mais point vue de gôchiste et d’anarchiste avant tout) je ne suis pas du tout convaincu que cette belle histoire dont vous nous parlez soit en train de s’écrire. Cette histoire, à laquelle vous et tant d’autres avez certainement besoin de croire, c’est celle des petits pas. Et de «chaque marche qu’on monte nous mène plus haut».
        Selon moi cette histoire ne tiendra pas longtemps. Elle finira, comme tant d’autres, le jour où vous comprendrez qu’elle ne sert qu’a nous faire tourner en rond, en attendant.
        Je crois d’avantage à l’histoire que vous a raconté Gilles le 17 juin 2018, lors de ce long et intéressant échange. L’histoire des «vraie idées» et des autruches (article Reporterre 17H04). Cette histoire qui nous dit «The Show must go on» et que j’appelle Muppet Show.

  3. Nos ancêtres les Gaulois etc. Le flirt entre Xavier et Marine rentrera lui aussi dans l’Histoire, de France.
    Régulièrement on nous refait le coup de l’«identité nationale», ce truc qui fait la «dignité nationale» et le ciment de la «cohésion nationale». Le Vrai Français se reconnaît à son béret et sa baguette sous le bras. Le marcel et le slip petit bateau font de lui un Bon.
    D’un autre côté on me dit que tout ça on n’en a rien à foot, que ce ne sont là que des histoires inventées, et qu’en plus c’est dépassé, qu’il faut donc (yaca) inventer une autre histoire, s’attaquer à la «reconstruction de l’histoire»… mais qu’hélas de cette histoire là personne ne veut en entendre causer.
    Me voilà bien avancé.

    1. Ces histoires qu’on me raconte là, d’un côté comme de l’autre, je les ai entendu 1000 fois. Alors avant de tourner 77 fois mon stylo dans la main avant d’écrire, je suis allé lire l’histoire que raconte l’article du 17 juin 2018 «Écologie : changer d’histoire pour changer l’histoire». Et là j’ai découvert un certain Gilles qui avait une toute autre histoire intéressante à raconter.

      PS : Ce coup-ci j’espère ne pas avoir enfreint les règles de la fameuse «charte de bonne conduite». Je me suis appliqué à pondre 1 commentaire de moins de 1000 caractères (à 14H.00) + 1 réponse (3 autorisées) + « l’essentiel» notamment sur cette réponse (celle-ci). On pourra toujours me dire qu’il ne s’agit pas d’une réponse… mais de la suite du commentaire. C’est vrai aussi.

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