Une lecture de Laudato si’ par un mécréant

Pour la première fois de ma vie, j’ai lu une encyclique. J’ai voulu le passer au crible des trois racines de l’écologisme. Le texte de Laudato si’ a pratiquement réussi le test, en remplissant les trois critères.

Sur le premier, qui est la prise en compte de la finitude de la planète et des ressources :
106 De là, on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues. Cela suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la “ presser ” jusqu’aux limites et même au-delà des limites.
Bon, la critique de la croissance ne va pas jusqu’à prôner la contraception pour réguler la croissance démographique :
50 S’il est vrai que la répartition inégale de la population et des ressources disponibles crée des obstacles au développement et à l’utilisation durable de l’environnement, il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire.

Sur le deuxième critère de la pensée écologiste, qui est la beauté et la nécessaire complexité de la nature, Jorge Bergoglio rappelle qu’il avait choisi le nom papal de François en référence au saint patron des animaux.
11 Chaque fois qu’il (St François d’Assise) regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs « en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison »…Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément.
42 Toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres. Chaque territoire a une responsabilité dans la sauvegarde de cette famille et devrait donc faire un inventaire détaillé des espèces qu’il héberge, afin de développer des programmes et des stratégies de protection, en préservant avec un soin particulier les espèces en voie d’extinction.
La beauté de la nature est vraiment le domaine où l’on peut se réconcilier, au moins dans la forme, avec l’aile conservatrice de l’Église, il suffit d’exalter le créateur dans son oeuvre:

Le troisième et dernier critère porte sur la convivialité de l’outil (au sens d’Ivan Illich), qui amène une dénonciation de la technocratie. Sur ce point l’encyclique est particulièrement novatrice et explicite :
101 Dans cette réflexion, je propose que nous nous concentrions sur le paradigme technocratique dominant …
107 l faut reconnaître que les objets produits par la technique ne sont pas neutres, parce qu’ils créent un cadre qui finit par conditionner les styles de vie, et orientent les possibilités sociales dans la ligne des intérêts de groupes de pouvoir déterminés. Certains choix qui paraissent purement instrumentaux sont, en réalité, des choix sur le type de vie sociale que l’on veut développer.
Small is beautiful !
179 En certains lieux, se développent des coopératives pour l’exploitation d’énergies renouvelables, qui permettent l’auto suffisance locale, et même la vente des excédents. Ce simple exemple montre que l’instance locale peut faire la différence alors que l’ordre mondial existant se révèle incapable de prendre ses responsabilités.
Qu’ajouter à cette performance de bon écologiste ? Le texte n’élude pas la difficulté qui résulte de l’anthropocentrisme des Écritures, même si l’argumentation peut paraître embarrassée :
67. « Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. Cela permet de répondre à une accusation lancée contre la pensée judéo-chrétienne : il a été dit que, à partir du récit de la Genèse qui invite à «dominer» la terre (cf. Gn 1, 28), on favoriserait l’exploitation sauvage de la nature en présentant une image de l’être humain comme dominateur et destructeur. Ce n’est pas une interprétation correcte de la Bible, comme la comprend l’Église. S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures. »
Plus radical, la remise en cause de la propriété privée des moyens de production :
67 …Dieu dénie toute prétention de propriété absolue : « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » (Lv 25, 23). 71…le don de la terre, avec ses fruits, appartient à tout le peuple…Ceux qui cultivaient et gardaient le territoire devaient en partager les fruits, spécialement avec les pauvres, les veuves, les orphelins et les étrangers.

Texte condensé de Ghislain Nicaise (8 juillet 2015)
Pour lire le texte en entier :
http://www.lesauvage.org/2015/07/lecture-de-laudato-si-par-un-mecreant/