Une mort digne d’être vécue n’est pas chose impossible

Mourir en paix, les avis sont contradictoires. Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique « médicale », appelle à « protéger les plus faibles plutôt que de faciliter leur disparition ». Véronique Fournier, qui dirige le Centre d’éthique « clinique », se demande comment on peut aider une personne à mourir quand il apparaît que c’est le moment qu’elle meure. La situation créée par la médecine en général et pas la médecine palliative en particulier n’est pas simple. Avec la loi Leonetti, il y a moins d’acharnement thérapeutique, le malade est sédaté, il ne semble pas souffrir… mais il ne meurt pas. Ou du moins il n’en finit pas de mourir. Grâce à ses progrès, la médecine a brouillé les frontières entre la vie et la mort. Elle est devenue si efficace que, bien souvent, on meurt trop tard. Plus notre technoscience médicale progresse et nous permet de devenir plus vieux, plus on fabrique aussi de la dépendance. Dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) la mort, dans un environnement très protégé, peut mettre des années et des années avant de survenir. Véronique Fournier pose les questions de fond : « Faut-il continuer de soigner intensément les personnes âgées pour la moindre surinfection bronchique ? A quel moment déclenche-t-on la toute fin de vie pour ces personnes ? Et qui en décide ? »*

Véronique Fournier a écrit un livre dont le titre est révélateur, Puisqu’il faut bien mourir (à paraître en mai prochain). Son diagnostic est clair, nous sommes obligés de décider du moment où nous laissons la mort survenir. « Il est grand temps que la médecine assume l’intention de mort », dit-elle lors de son entretien avec la journaliste Catherine Vincent. « On peut mettre en place une perfusion qui va engendrer la mort en quelques jours ou plus, selon les souhaits du malade ou de ses proches. C’est cela que j’appelle l’euthanasie palliative. » Ce genre d’évolution vers le suicide assisté paraît inéluctable pour des raisons économiques. La fin de vie coûte très cher : prise en charge des personnes malades et handicapées, formation des soignants à l’accompagnement, soutien aux aidants familiaux, équité d’accès aux soins palliatifs sur le territoire national, développement du soin de fin de vie à domicile, etc. Dans un contexte d’inégalité des ressources des personnes en fin de vie et de difficultés financières de l’Etat, il faudra choisir : qui doit vivre et qui doit mourir ?

Ce questionnement va être de plus en plus crucial au fil des années pour des raisons écologiques. Dominique Bourg affirme que nous sommes en train de changer de planète. Il précise avec raison que la nouvelle planète sera beaucoup plus hostile. Les ressources vont manquer pour s’occuper dignement des vivants, à plus forte raison des mourants. De toute façon guerres, famines et épidémies ne font pas de distinction entre la vie digne d’être vécue et les morts prématurées. Pour réfléchir de façon collective à toutes les questions sur la fin de vie, vous pouvez adhérer à l’association pour le droit de mourir dans la dignité, ADMD .

* LE MONDE culture&idées du 7 mars 2015, « Il est temps que la médecine assume l’intention de mort »

1 réflexion sur “Une mort digne d’être vécue n’est pas chose impossible”

  1. Dans une tribune publiée par Le Monde lundi 9 mars, cinq représentants des trois grandes religions monothéistes unissent leurs voix pour dire leur opposition à l’emploi de la sédation pour donner la mort. Ces personnalités religieuses de lancer un appel « inquiet et pressant, pour qu’une éventuelle nouvelle loi ne renonce en aucune façon à ce principe fondateur : toute vie humaine doit être respectée ».
    Le Monde.fr | 9 mars 2015, L’appel des représentants religieux contre la loi sur la fin de vie
    notre commentaire : Dieu ne peut rien dire du « respect de toute vie humaine », dieu n’est qu’une abstraction « dans les Cieux ». Les textes sacré ont été écrits à une époque où on ne connaissait pas la sédation, des religieux n’ont donc rien sur quoi s’appuyer pour justifier leur condamnation actuelle. Et ces religions s’accommodent très bien du non respect de la vie humaine par toutes les guerres qu’elles ont d’ailleurs souvent soutenues. Enfin la loi en gestation n’empêche personne de mourir dans la souffrance si on le désire.

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