Une société sans voitures à essence est-elle possible ?

Nicolas Hulot a présenté le 6 juillet 2017 un plan climat : « Ce n’est pas un sujet qui spontanément passe toujours au premier plan dans l’écran radar. Notre responsabilité, c’est de faire que ce sujet prime sur tous les autres. » Il annonce la fin de la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au gazole en France d’ici 2040*. Un gouvernement adepte du dévoiturage, je demande à voir ! En fait il s’agit d’abord de relancer la machine à fabriquer encore plus d’automobiles. Une « prime de transition » sera proposée pour remplacer les voitures à essence d’avant 1997 ou à diesel d’avant 2001. Ensuite ce sera sans aucun doute un plan pour passer aux véhicules électriques. Notons que le Président de Volvo Cars (dont le propriétaire est chinois) vient d’annoncer que toutes ses nouvelles voitures seront avec un moteur électrique (100 % ou hybride) à partir de 2019. Or la production d’électricité va se contracter puisque Hulot annonce aussi une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025. La seule annonce crédible, mais insuffisante, est de « donner un prix à la pollution » en renforçant le prix de la tonne carbone. Mais ce prix n’est pas encore fixé et « dépendra de la future loi de finance ». L’objectif est qu’il dépasse 100 euros en 2030. A titre de comparaison, Nicolas Hulot écrivait dans le pacte écologique de 2006 : « Il faut introduire une taxe progressive et continue sur toutes les sources d’énergie à base de carbone. Faire baisser nos émissions annuelles de 3 % par an d’ici 2050, c’est possible. A titre d’illustration, et à partir d’un niveau initial de 40 euros pas tonnes de CO2 en 2010, l’augmentation serait de 80 euros par tonne de CO2 tous les dix ans dans le secteur des transports ». Soit un objectif de 200 euros par tonne en 2030 et non 100 euros comme dit aujourd’hui. Le montant en 2017 est de 30,50 euros la tonne de CO2 émise.

Les ONG environnementales en restent sur leur faim. « Pour l’essentiel, le plan climat se contente d’identifier les chantiers prioritaires et renvoie les mesures concrètes à adopter à des concertations ultérieures », déplore le Réseau action climat. LE MONDE** est aussi incisif par rapport à ce projet gouvernemental: « annonces radicales… sans détailler les moyens d’y parvenir. Les automobilistes iront-ils s’équiper dans les pays voisins ? Ces derniers au contraire suivront-ils le mouvement lancé par Paris ? M. Hulot va maintenant devoir faire la preuve de sa capacité à obtenir des arbitrages donnant corps à la simple « colonne vertébrale » de son plan.» Voici quelques commentaires pertinents sur lemonde.fr :

L’oracle : La fin du diesel et de l’essence pour 2040…Je me souviens que plusieurs fameuses structures de prospectives avaient annoncés la disparition du cancer pour les années 80, du fait de la découverte de traitements radicaux……On connaît la suite.

Pénélope : C’est bien d’avoir un cap,une vision de l’avenir,mais en attendant qu’est ce qu’on fait? Rien de concret pour aujourd’hui ni même pour demain. Et dans vingt ou trente ans Hulot comme ses collègues ne seront plus aux affaires donc faire des promesses pour après-demain,ça ne mange pas de pain !

Enfinlademocratie : Le problème est qu’avec notre système majoritaire et en l’absence de référendum, on ne peut pas engager la nation sur un chemin de 20 ans. Si aux prochaines élections, un parti peu enthousiaste sur l’écologie gagne (Trump après Obama), cette politique sera totalement abandonnée.

Untel : +1 L’exemple de l’alternance Obama-Trump devrait nous éclairer. Ou à un plus modeste niveau, la journée de carence des fonctionnaires instaurée par Sarko, supprimée par Hollande, réinstaurée par Macron. Il n’y a pas de politique ambitieuse qui soit durable, à long terme. Ce sont les politiques consensuelles, modérées, progressives, les politiques des petits pas qui peuvent survivre aux alternances.

Fouilla : Très bien tout ça sauf que – coté transport, on ne parle que des « voitures », quid des poids lourds? La France est un des pays de l’OCDE qui transporte le plus de marchandises par la route (beaucoup plus que l’Allemagne et les USA), quid des autocars, notamment « Macron »? –

FRANÇOIS GSELL : le plan de Nicolas Hulot comporte des pistes intéressantes mais présente des omissions significatives : – où sont les mesures pour promouvoir les infrastructures de recharge des voitures électriques…? – pourquoi négliger la production et la mise en circulation de véhicules à hydrogène…? – comment faire évoluer le mix énergétique…?

* Le Monde.fr avec AFP | 6 juillet 2017 Nicolas Hulot : « Nous visons la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici à 2040 »

* * LE MONDE du 8 juillet 2017, Climat : le plan de Hulot vers la neutralité carbone

2 réflexions sur “Une société sans voitures à essence est-elle possible ?”

  1. La sacro-sainte Bagnole caractérise bien notre société : 38 millions rien qu’en France, plus d’1 milliard dans le monde.
    Il serait naïf de croire qu’avec des moteurs électriques, ou carburant au Cosmogol 999 si ce n’est à la poudre de perlimpinpin, nous trouverions l’énergie et les matières nécessaires pour maintenir durablement une telle démesure.
    Mais bon, on pourra toujours me dire que ça ne coûte rien d’essayer, et me rappeler en passant la devise Shadok : Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche.

    Pour tout c’est pareil, notre époque est marquée par cette idée folle d’avoir tout et (en même temps) son contraire.
    Partant de là, ceux qui croient aux miracles (un peu, beaucoup, passionnément…) proposent et présentent leur « grandes » idées, leur « grands » plans.
    Afin qu’en 2040 … nous apercevions enfin le bout du tunnel. Nous ferons tous tut-tut pouet-pouet à bord de superbes grosses Volvo.
    De mon côté, je crois que la traction hippomobile, le vélo et la marine à voile ont un bel avenir.

  2. Il a la question de fond et la question de date.
    Sur le fond, il n’y a pas à se demander si c’est possible, puisque le pétrole va disparaitre au cours de ce siècle, une société avec de nombreuses voitures fonctionnant à partir de cette source d’énergie sera forcément une réalité.Sur la date on peut discuter, la démarche consistant à fixer un cap n’est pas mauvaise, et ne chipotons si Nicolas Hulot se trompe et que le fait ne se produise qu’en 2050 ou 2060 (ce n’est pas si loin de toutes façon). Cela dépend de beaucoup de facteurs, géologiques (les réserves pour le pétrole conventionnel comme pour les pétroles de schistes) , politiques et géostratégiques.Cela dit, la voiture a aussi beaucoup d’inconvénients et pas seulement parce qu’il faut produire l’électricité et construire et recycler les batteries.
    En fait, (même si peu de gens le disent), plus une voiture sera apparemment anodine pour l’environnement et plus elle sera facile à mettre en œuvre, plus nous irons vers la destruction de l’environnement par la « bitumisation » générale de la planète.Imaginez que l’on puisse enfermer suffisamment d’énergie électrique pour, des années durant, faire rouler des une voiture (voler un avion etc…) dans un dés à coudre, que cela ne coûte rien, que même ce dés soit recyclable.Chacun crierait alors au miracle et penserait la pollution vaincue. Ce serait en réalité la pire des catastrophes, il n’y aurait alors plus de limite à la bétonisation de la Terre et de manière générale au pouvoir de destruction de l’homme sur la planète.
    De manière apparemment surprenante, mais apparemment seulement, les inconvénients (la pollution notamment) et les difficultés pour nous procurer de l’énergie sont peut-être les derniers remparts qui protègent la planète. En luttant contre, peut être allons-nous dans le mauvais sens.

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