Vers un imaginaire partagé décroissanciste

Un mythe constitue un récit fondateur, situé hors du temps, qui raconte la création du monde, justifie les relations entre les sexes, règle les rapports humains avec la nature… On chercherait en vain, dans le grand réservoir des mythes, un récit qui justifierait la croissance infinie. Pourtant le mythe moderne de la croissance baigne aujourd’hui notre imaginaire, il constitue le fondement de cette nouvelle religion en tant qu’ensemble de croyances communes qui scellent l’unité du groupe. Le grand récit religieux moderne passe désormais par les objets plutôt que par les mots. La preuve de la croissance et du progrès, ce sont les navettes spatiales, les robots intelligents, les voitures sans chauffeur, les smartphones, etc. Cet imaginaire doit changer puisqu’il y a rupture écologique.

éditorial du MONDE : Le présidentiable Macron avait promis de faire de la transition écologique le fil rouge de son second quinquennat, l’alpha et l’oméga des politiques publiques, le chantier dont tous les autres dépendraient… La méthode pour y parvenir recourt à une approche systémique, servie par des instruments de pilotage, capables de fournir des évaluations régulières. De ce point de vue, la planification écologique est l’outil adéquat…Mais il manque encore au dispositif un maillon essentiel : dans quel modèle de société doit s’inscrire cette transition écologique ?

A ce stade, celui-ci reste flou. Le gouvernement parle de « vivre mieux », sans préciser ce que cette amélioration recouvre concrètement. Les efforts, les changements de mentalité, les renoncements que cette bascule historique implique sont tels qu’ils nécessitent de tracer une nouvelle ligne d’horizon, donnant à chacun l’envie de se dépasser au service d’un enjeu collectif. Le cadre actuel, fondé sur la poursuite d’une croissance aveugle et une notion de progrès matériel obsolète, ne permettra pas de porter l’ambition d’une véritable transition écologique. Pour entraîner tous les rouages de décision sur le terrain, pour garantir à chaque citoyen une part d’effort juste et équitable selon ses moyens, pour emmener les Français dans ce projet, tout en évitant un mouvement type « gilets jaunes », il est indispensable de leur proposer un récit et une vision.

Le point de vue des écologistes

PChabert : Il manque la valorisation du bonheur issu de la simplicité. Mais tout le monde ne pourra pas devenir paysan autosuffisant

bert : Si Le Monde donnait l’exemple au lieu de toujours critiquer et faire la leçon ? Puisqu’on nous répète qu’il va falloir changer nos comportements, il doit supprimer la rubrique Voyages qui nous incite à aller visiter la Suède, la Crête, la Croatie, etc.

GERONIMO : Chacun doit en effet participer à sa juste mesure. Quand Le Monde déplore que l’Afrique est sous-développée en matière de parc de voitures et d’internet, le journal pousse donc à créer 8 milliards d’êtres humains avec un revenu de la classe moyenne occidentale. Quatre planètes n’y suffiraient pas avec la galopante démographie de certaines régions du globe. A un moment il faut être cohérents dans ses combats.

SxSam : Depuis l’issue funeste de la Convention citoyenne sur le climat, nous savons désormais dans quelle partie de son anatomie notre président range les projets écologique.

richardl1 : Ce que les Français veulent c’est des actes : relance massive du nucléaire, montée en puissance des renouvelables investissement dans l’hydrogéné et accélération du déploiement de la voiture électrique. De telles propositions tombent exactement dans le défaut d’une recherche de croissance aveugle.

YV : La capitalisme est fondé sur l’investissement productif et donc sur la croissance. Il n’y aura donc pas de transition écologique sans sortie du capitalisme. Or comme le soulignait Fredric Jameson, « il est plus facile aujourd’hui d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ». On va tous mourir pour n’avoir pas su/pu renoncer aux SUV et au Nutella.

Michel SOURROUILLE : Un changement culturel d’ampleur ne peut arriver en un jour, il se forge par étapes successives contre le règne des SUR : surcroissance, surconsommation, suremballage, surabondance, suractivité, surpâturage, surpêche, sur-communications, surendettement, surmondialisation, sur-mobilités, sur-tourisme, suréquipement, surmédicalisation, surpuissance technologique, etc. Mais je connais le résultat final, en DÉ : décroissance, démondialisation, désurbanisation, dévoiturage, dépopulation, dé-technicisation, démilitarisation, décentralisation, etc. Bien sûr un tel récit collectif est inaudible actuellement… pourtant quand nous n’aurons plus de pétrole mais le réchauffement climatique en prime, nécessité fera loi. Il y aura planification du rationnement si tout se passe bien, c’est-à-dire de façon maîtrisée, sans nous concocter une grosse guerre par exemple.

lire, La Sobriété face à la SURconsommation ?

4 réflexions sur “Vers un imaginaire partagé décroissanciste”

  1. – « […] De ce point de vue, la planification écologique est l’outil adéquat… Mais il manque encore au dispositif un maillon essentiel : dans quel modèle de société doit s’inscrire cette transition écologique ? A ce stade, celui-ci reste flou. [etc.] » ( éditorial du MONDE )

    Exactement. C’est ce que je ne cesse de dire, nous n’avons aucun projet de société.
    Si ce n’est aucune utopie. Qui tienne la route, ça va sans dire !
    Parce que ce futur qu’ON nous laisse entrevoir, ne serait-ce que dans les publicités, notamment de bagnoles, ça ce n’est que du cinéma. De la fiction. Ou du trompe-couillons, comme toutes les pubs d’ailleurs. Ce futur où quelques nantis rouleront en bagnole, électrique, sur des routes… désertes. Quant aux autres, alors là … ça évidemment ON ne nous le montre pas. ( à suivre )

    1. Le seul futur que nous sommes (qu’ils sont) capables d’imaginer ne peut que ressembler à aujourd’hui. En mieux évidemment. Leur futur ne peut qu’obéir aux codes (aux règles, aux lois) de la société actuelle. Pour ne pas dire du Système (Compétition, Progrès, consommation, mérite, pouvoir etc. etc. )
      Et c’est pour ça que nous pouvons dire que nous sommes en panne d’imaginaire. Ou que nous l’avons totalement pollué, colonisé. D’où cette impérative nécessité et urgence de décoloniser les imaginaires (Serge Latouche).

  2. « Vers un imaginaire partagé décroissanciste »
    Non certainement pas un imaginaire mais un concret partagé décroissantiste ! Un imaginaire ne sont que des rêves dans la tête, tout le monde le fait déjà ! Il faut organiser le plaisir de vivre et mettre en œuvre des plaisirs concrets qui soient moins énergivores et moins matériels que les plaisirs dont nous disposons actuellement ! Le plaisir est le vecteur permettant d’accepter les choses dont la décroissance, mais comment ? Je n’ai pas encore la réponse sur tous les sujets, mais j’ai tout de même des exemples. Par exemple le jeu de rôle autour d’une table est énormément beaucoup moins énergivore que des jeux vidéos, puisque le premier jeu n’implique que quelques livres et un peu de papier ainsi que quelques dés, des livres utilisables plusieurs décennies tandis que le second implique des ordinateurs qu’il faut booster continuellement tous les 2 ans !

    1. A noter que le jeu de rôle permet d’entrer dans le monde imaginaire tant recherché. Mais l’idée est d’obtenir ses plaisirs en réduisant les besoins matériels pour y parvenir. Dans tous les cas, organiser la décroissance sans l’organiser autour des plaisirs à obtenir, alors cette décroissance sera vouée à l’échec. Si les gens ne veulent pas décrocher de la croissance, c’est bien parce que cette croissance permet d’obtenir l’accroissement de ses plaisirs, la croissance est bien liée aux plaisirs ! (des voitures, des bateaux des avions pour le plaisir de voyager par exemple) Or si vous présentez la décroissance uniquement comme quelque chose d’austère conduisant qu’à des privations, alors les individus perçoivent la décroissance comme le renoncement aux plaisirs ! A la perte de plaisirs ! La question est bien là pour réussir, comment organiser les plaisirs autour de la décroissance ?

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