Vers une démographie de l’extrême…

L’ urbanisation extrême de la planète

Un des moyens pour l’humanité de faire face à la croissance démographique mondiale serait-elle une intense urbanisation de la planète ? Historiquement inséparable de l’essor des civilisations, celle-ci semble toutefois de moins en moins accompagner un progrès économique et social. Quelques chiffres :

1950 2020 2050
Taux d’urbanisation mondial 30 % 56 % 68 %
Nombre total de citadins 751 millions 4,4 milliards 6,7 milliards
Nombres de villes

(> 10 millions d’hab.)

2 (New York + Tokyo =

24 millions)

34

(total de 557 millions)

48

(total de 862 millions)

Faudrait-il alors freiner l’urbanisation ? Cela semble bien difficile. Les autorités indiennes ont cherché à promouvoir les villes de taille moyenne. Cela n’a pas empêché la population de Kolkata (Calcutta) de passer de 5 millions à 15 millions d’habitants entre 1950 et 2020, celle de Mumbai (Bombay) de 3 millions à 20 millions d’habitants et celle de Dehli de 1 million à 30 millions. De leur côté, les autorités chinoises ont très tôt pratiqué un contrôle systématique des déplacements visant à mettre fin aux migrations vers les villes, sans grand succès non plus. Chongqing est passe de 2 millions à 16 millions entre 1950 et 2020, Beijing (Pékin) de 2 millions à 200 millions et Shanghai de 4 millions à 27 millions.

Un des fameux objectifs de développement durable des Nations unies concerne les villes qui doivent être « sûres, résilientes et durables ». Pareil objectif reste passablement ambitieux compte tenu des défis à relever. Parmi les dix villes les plus polluées au monde, sept sont situées en Inde. Chaque hiver, la capitale indienne s’assombrit au point que l’on se croirait au crépuscule. La concentration en particules fines est au début de 2024 trois fois supérieure à la limite définie par l’OMS. Les habitants sont invités à porter un masque ou à rester chez eux. Ce n’est pas un privilège des villes asiatiques. Mexico ou Santiago en souffrent tout autant, ce qui participe au fardeau sanitaire des maladies respiratoires. L’objectif zéro déchet devient aussi une utopie.

Les arguments permettant de parler de « crise des villes « ne manquent pas. Le mode de vie y encourage l’individualisme, le lien social se distend, les incivilités se multiplient, l’insécurité se développe. Le nombre de sans-abri ne cesse de s’étendre. La ségrégation socio-spatiale montre l’ampleur des inégalités. Encourageant une sédentarité délétère, l’urbanisation stimule dans le même temps une forte mobilité sur de plus longues distances, laquelle est préjudiciable à l’environnement. Les habitudes alimentaires en ville, plus tournée vers les produits agro-industriels, entraîne une transformation vers des systèmes agricoles productivistes. Et les produits ultra-transformés sont néfastes à la santé comme le montre la progression de l’obésité.

Comment lutter contre une pollution atmosphérique dommageable à la santé des citadins ? Comment gérer une production abondante de déchets ? Un impact sur l’environnement (I) est le produit d’un effet population (P), d’un effet consommation par tête (A, pour affluence en anglais) et d’un effet technologie (T), soit I = P xA xT. Il n’y a pas de petits gestes quand on est 8 milliards à les faire, mais encore faut-il être 8 milliards à les faire… et ne pas être entassés dans des villes.

Quelle conclusion en tirer ? Faut-il ou non avoir des enfants ?

Le marquis de Sade nous entraîne très au-delà du débat malthusien. De son point de vue, une situation de basse fécondité persistante et la dépopulation qui s’ensuivrait n’auraient rien de catastrophique : « Quand il n’y aurait pas un seul homme sur la Terre, tout n’en irait pas moins comme il va… » Comme notre présence n’est, pour Sade, que fortuite, l’avenir de l’humanité n’importe nullement : « La nature n’a pas le plus petit besoin de la propagation humaine ; et la destruction totale de la race l’affligerait si peu qu’elle n’en interromprait pas plus son cours que si l’espèce entière des lapins venait à manquer sur notre globe. »… En l’absence d’une démonstration de l’utilité du peuplement humain de la Terre, il ne saurait y avoir selon lui outrage chaque fois qu’on s’écarte de cette stupide propagation. Et ceux « qui n’ont jamais que cette idée de propagation dans la tête sont de purs imbéciles ». Sade nous situe dans le cadre d’une démographie de l’extrême. (page 123- 124)

L’examen fatal de Matheson (page 133)

Dans une nouvelle parue en 1954, intitulée L’Examen, Richard Matheson imagine qu’une loi impose aux personnes âgées de passer tous les cinq ans un examen visant à apprécier l’évolution de leurs aptitudes physiques et mentales. Si les personnes sont jugées « inaptes » à l’issue de cet examen, elles doivent se présenter au « centre administratif » afin d’y subir une injection qui mettra un terme à leur vie. L’objectif officiel de cette loi était de juguler la surpopulation, mais la véritable raison de son adoption était que « les gens voulaient être tranquilles » parce qu’il voulaient vivre à leur guise sans avoir la charge d’une personne âgée.

source : La démographie de l’extrême de Jacques Véron et Jean-Marc Rohrbasser

4 réflexions sur “Vers une démographie de l’extrême…”

  1. – « Quelle conclusion en tirer ? Faut-il ou non avoir des enfants ?
    Le marquis de Sade nous entraîne très au-delà du débat malthusien. De son point de vue […]
    Sade nous situe dans le cadre d’une démographie de l’extrême. (page 123- 124)
    L’examen fatal de Matheson (page 133) […] »

    Je n’ai pas lu ce livre de Jacques Véron et Jean-Marc Rohrbasser, toutefois ces deux passages me semblent intéressants. Et je crois deviner là ce qu’est cette « démographie de l’extrême ».
    La Folie. Bien sûr celle qui aura fait (futur antérieur) que la Terre compte aujourd’hui plus de 8 milliards d’humains, toujours plus concentrés dans les villes, la Pollution, le Réchauffement, la sixième extinction de masse etc. etc. Cette folie qui finalement n’est celle que d’une certaine politique. La politique du Pouvoir, du Pognon, de la course au Toujours Plus, de la Compétition, de la Guerre, etc. etc. (à suivre)

    1. (suite) Bref, c’est cette folie (hubris) qui aura fait que nous en sommes là aujourd’hui.
      Seulement ce qui est fait est fait !
      Et, en attendant… que ça nous plaise ou non… nous devons faire avec.
      Maintenant je vois surtout cette folie qui ne s’est pas encore totalement concrétisée, et qui nous pend au nez. Cette folie qui peut effectivement être qualifiée d’extrême.
      La folie de l’extrême ! La folie et le nihilisme de Sade… et/ou la folie inhumaine de ces dictateurs décrits dans les dystopies.
      Continuons comme ça… à tout penser en terme de Pognon, voire de Watts, ou de kilos ou tonnes de CO2 (I = PAT etc.) … à répéter que l’Homme est un virus, un parasite, d’aucune utilité… que la planète se porterait bien mieux sans lui, que c’est invivable, ingérable etc. etc. Continuons comme ça et la fiction deviendra vite réalité. Misère misère !

      1. « Et, en attendant… que ça nous plaise ou non… nous devons faire avec. »

        Ce sont surtout les bouches en trop qui devront faire avec un appétit sans faim !

        1. Parti d’en rire

          C’est tout ce que t’as trouvé ? Eh ben, avec ça ON reste sur sa faim.

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