Voiture électrique, le piège du cobalt

Philippe Escande : La valeur du lithium et du cobalt, mais aussi du nickel, les trois composants de base d’une batterie moderne, pourrait rapidement doubler. Ces matières premières constituent plus de 50 % du prix d’une batterie, qui elle-même représente 40 % du coût d’une automobile électrique. Le prix du cobalt ne peut que grimper, la demande devrait être multipliée par 20 d’ici à 2040. Or, les mines existantes ou en projet ne représentent que la moitié des besoins futurs. Même chose pour le lithium. Dernier point, la production de cobalt est concentrée aux deux tiers en République démocratique du Congo, État impuissant et corrompu, et dont 20 % au moins de ses exploitations sont « artisanales », sans aucune protection.

Bertrand Piccard : La pollution créée par ces mines est localisée, et doit être surveillée. J’aime mieux quelques mines de cobalt de plus que quelques degrés de plus dans l’atmosphère.

Philippe Bihouix : Les métaux, toujours moins concentrés, requièrent de plus en plus d’énergie. La production d’énergie, toujours moins accessible, requiert de plus en plus de métaux. Métaux et ressources énergétiques sont donc étroitement liés. Les énergies renouvelables font aussi massivement appel aux ressources métalliques, et des plus rares. C’est encore pire pour le nucléaire. Titane, cobalt et tantale dans les aciers inoxydables, zyrconium pour emballer les crayons de combustible, tungstène pour les conteneurs de combustible nucléaire, hafnium, cadmium, indium, argent et sélénium pour absorber les neutrons, lithium pour réfrigérer les réacteurs… Comment imaginer que nous pourrons construire suffisamment de centrales alors que les réserves de tous ces métaux si spécifiques ne dépassent pas le siècle ?

Vieux Croco : Et avec quels engins forcément monstrueux vont être exploités les futurs méga mines de cobalt, nickel et Cie ? Évidemment des machines qui utiliseront du pétrole ou des dérivés du pétrole… Des finalités présentées comme vertueuses sont totalement encore droguée au pétrole. On n’a pas fini de rigoler !

Alain Gras : Avec la voiture électrique, un futur paradis urbain nous est annoncé par les médias, les constructeurs, et certains politiques… Certainement pas ! Il en a été ainsi dès le début. L’inventeur Thomas A. Edison parvint en 1882 à convaincre les riches bourgeois de Pearl Street, à Manhattan (Etats-Unis), de la salubrité de l’ampoule à incandescence face aux salissants becs de gaz de leurs salons. Pourtant, à quelques kilomètres, l’usine brûlait cinq tonnes de coke chaque jour et jetait ses déchets dans l’Hudson River.

Philippe Bihouix :Quel avenir veut-on laisser aux générations futures, un retour à l’âge de fer ? Un monde où quelques dizaines de millions de ferrailleurs-cueilleurs, survivants de la grande panne ou de l’effondrement, exploiteront le stock de métaux dans les décharges, des bâtiments délabrés et des usines à l’arrêt est une possibilité.

DécroissantsDeLamourEtDuTofu : Il n’y a pas vraiment de dilemme : une société convenablement organisée n’a tout simplement pas besoin de bagnoles ! Imaginez des écovillages de quelques dizaines d’habitants tous les 5km environ, reliés par des pistes cyclables (et des TER)… C’est le concept de permaculture globale, à l’opposé du capitalisme punitif, inégalitaire et auto-destructeur. La communauté scientifique commence à s’intéresser et valide le projet. On n’attend plus que vous.

5 réflexions sur “Voiture électrique, le piège du cobalt”

  1. L'avenir est au cheval

    Pénuries de cobalt, de nickel, de cuivre, de lithium etc. Les technophiles ne sont pas inquiets, ils croient aux innovations. Demain nous aurons des batteries au sodium (sel de cuisine, à volonté dans les océans). Et des batteries au souffre. Et aussi au zinc-air, et autres. Et puis le recyclage, bien sûr. Toujours pareil, il suffit d’y croire.
    Un autre problème dont on parle moins, notamment dans les pubs pour les bagnoles «propres» : La fabrication des batteries et des puces électroniques nécessite d’énormes quantités d’eau.
    Plus on avance (???) et plus on s’aperçoit que la bagnole électrique n’est pas si belle que ça.

  2. Il faut une alternative à la voiture individuelle.

    Il faut fortement renforcer les transports en commun. Et il faut refuser la chose anti-écologiste qu’est le fait remplacer des trains par des autocars.

    1. Renforcer les transports en commun, ne pas fermer certaines lignes ferroviaires, certes. Seulement le but du jeu n’est pas non plus de faire rouler des trains ou des cars avec un taux d’occupation trop bas. Là encore, la juste mesure.
      Le taux d’occupation des cars est aujourd’hui de l’ordre de 60%, grâce d’ailleurs à Macron. Pour les trains on est encore très loin de faire le plein. Quant à la voiture, la majeure partie du temps elle ne trimballe qu’une seule personne. C’est pour ça qu’on parle de voiture individuelle.
      Non, je crois que le yaca devrait plutôt cibler le culte de la sacro-sainte Bagnole. Et de la Vitesse en même temps. Pour ça il faut (yaca) commencer par faire disparaître la Pub pour les bagnoles (et pas que). En finir de cette hypocrisie, de ce discours frauduleux qui vante les bienfaits de la Bagnole Verte (électrique, hybride). Et puis en finir des salons de l’Auto, des courses de vroum-voum à 2 ou 4 roues et des revues Auto-Machin.

  3. J’aime bien l’utopie de DécroissantsDeLamourEtDuTofu, avec des villages autonomes (écovillages) dans le style d’Illichville. Seulement, en attendant (qu’on s’y mette à fond, tous ensemble tous ensemble, ouai ouai !), ça reste une utopie. Et en attendant le dilemme est bien là.
    Je rejoins donc Philippe Bihouix et ses questions. Comment imaginer ? De mon côté je n’ai aucun mal à imaginer, un monde de ferrailleurs-cueilleurs, un monde genre Mad Max, croisé avec 1984. Ce qui me vaut de passer pour un triste sire, moi qui au contraire me revendique comme un bon vivant et un gros rigolo. Quel avenir veut-on laisser aux générations futures ? Pour moi, pas celui-là évidemment. Mais bon… que puis-je faire, en attendant ? Sacré dilemme !

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