Yannick Neuder ne veut pas de l’aide à mourir

Ce ministre de la santé veut ignorer les résultats de la convention citoyenne qui s’est déjà penché sur la fin de vie. Son discours voudrait se donner des allures de sagesse alors qu’il est au service de la vie à n’importe quel prix. Il voudrait mettre aux mains de gens payés pour vous maintenant le plus longtemps possible en vie une décision qui devrait d’abord reposer sur la décision personnelle de chacun.

Yannick Neuder : Le fait d’avoir deux textes – un sur les soins palliatifs et un autre sur l’aide à mourir – permet à chaque parlementaire de se déterminer en son âme et conscience. Si nous avions un texte unique, certains auraient pu le voter parce qu’ils sont favorables aux soins palliatifs alors qu’ils sont opposés à l’aide à mourir. Avec deux textes, on évite que le rejet du second n’entraîne celui du premier.dans l’idéal, et c’est sans doute là le médecin hospitalier que je suis qui s’exprime, j’aurais préféré que soit examinée dans un premier temps une loi qui accélère le développement des soins palliatifs. Puis qu’on se donne un délai pour évaluer si les demandes d’aide à mourir perdurent ou non. Avant d’envisager de voter un texte sur l’aide à mourir. Je suis intimement convaincu que, si les soins palliatifs étaient accessibles pour tous et partout, le nombre de demandes de mort médicalement assistée serait anecdotique. 

Biosphere : L’acharnement thérapeutique offert à tous et toutes pour mourir dans le meilleur des mondes technologisés ! C’est l’intime conviction de ce ministre. Pour arriver à ses fins, il dissocie la fin de vie entre les soins obligés d’un côté et la liberté laissée à chacun de l’autre. On peut très bien inverser le raisonnement de Neuder : si  les demandes de mort médicalement assistée étaient accessibles pour tous et partout, la demande de soins palliatifs deviendrait anecdotique. De toute façon les soins palliatifs existent déjà, ils n’ont pas besoin de loi ; il suffit que l’État donne vraiment les moyens nécessaires aux USP, ce qui n’est pas le cas.

Yannick Neuder : Une vingtaine de départements n’ont pas d’USP (unités de soins palliatifs). Il faut que davantage de soignants s’orientent vers les soins palliatifs

Biosphere : Monsieur Neuder, si on donnait à chacun la liberté de choisir entre une fin de vie assumée et des soins palliatifs qui remettent une décision personnelle aux mains de gens payés pour vous maintenir le plus longtemps possible en vie, il n’y aurait pas besoin de beaucoup d’USP !

Yannick Neuder : Plutôt que d’exposer des médecins à devoir dire qu’ils refusent d’accomplir le geste létal, ce qui reste une question intime, mieux vaudrait identifier des volontaires pour qui cet acte relève de l’accompagnement des malades. Je défends le principe du volontariat comme le demande une partie de la communauté médicale. Je pense plus largement qu’il faut construire la loi avec les soignants pour qu’elle soit comprise par eux.

Biosphere : Une loi ne peut pas être rédigé par les soins d’une catégorie socioprofessionnelle, et surtout pas quand ils sont concernés au premier chef comme les médecins consacrés aux soins palliatifs ; le corporatisme est une forme de lobbying. La loi s’applique à tous, et donc aussi aux soignants. De plus, si on laisse à l’égard du soin ultime la liberté de conscience aux soignants, elle doit être explicitée par l’individu qui s’en réfère, elle n’est pas « de droit ».

Yannick Neuder : Le projet de loi initial prévoyait qu’il fallait un « pronostic vital engagé à moyen terme » [trois mois environ]. Je pense qu’il faut s’en tenir à ce qu’on est capable de prédire, à savoir  si le pronostic vital est engagé à court terme. Si l’on suit la logique que je viens d’exposer, les « malades de Charcot » qui ne sont pas en fin de vie seraient effectivement probablement exclus. Tant que la fin de vie n’est pas imminente, je pense qu’on doit privilégier l’accompagnement et les soins, pour préserver l’humanité.

Biosphere : Ce discours sur la maladie de Charcot est particulièrement indigne. Il faut selon son avis souffrir et faire souffrir ses proches le plus longtemps possible. Si c’est ça l’humanisme, ce ministre ne sait pas du tout ce que veut dire mourir dans la dignité et la libre conscience des choses de la vie. Nous n’avons pas connaissance des opinions religieuses ou du niveau intellectuel de ce monsieur Neuder, mais un ministre devrait avoir d’autres arguments que « je pense personnellement… ».

Yannick Neuder : Je peux comprendre qu’une personne atteinte de la maladie de Charcot, qui en connaît parfaitement l’évolution, puisse ne pas avoir envie d’en vivre toutes les étapes. Je me pose moi-même la question. Si, demain, j’étais atteint de cette pathologie, je ne sais pas si je choisirais de vivre jusqu’au bout cette épreuve, si j’accepterais que mes proches me voient comme cela et soient tenus de m’accompagner dans ce chemin de fin de vie.

Biosphere : Fantastique. Ce ministre refuse le suicide assisté pour les autres, mais voudrait bien l’autoriser pour son cas personnel ! Bref, les voyages en Suisse ont encore de beaux jours devant eux, écartant du choix les personnes aux revenus insuffisant.

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Fin de vie : François Bayrou dit non (janvier 2025)

extraits : Le Premier ministre, François Bayrou, le mardi 21 janvier 2025, a annoncé son souhait que le texte de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie soit scindé en deux textes distincts. Le premier sur les soins soins palliatifs – le second portant sur l’aide active à mourir. Pourtant les soins palliatifs comme l’aide active à mourir sont les deux aspects de la même prise en charge fraternelle des situations de fin de vie. Mais dès lors qu’un premier texte de loi sur les soins palliatifs aura été voté, il n’y aura plus d’espace parlementaire pour discuter de la fin de vie…

Fin de vie, Emmanuel Macron procrastine (septembre 2023)

extraits : Le pape ne se pas fait prier pour donner son avis sur l’euthanasie: « On ne joue pas avec la vie, ni au début ni à la fin… » De son coté le chef de l’État français, aux prises avec des interrogations personnelles et des considérations politiques, hésite, hésite, hésite…

Convention sur la fin de vie, le manifeste (avril 2023)

extraits : La mise en pratique de « l’aide active à mourir », expression qui recouvre tous les moyens d’accélérer la fin de vie, est voulue par 76 % des participants à la convention citoyenne sur la fin de vie. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avait ouvert la voie dans son avis rendu le 13 septembre 2022….

5 réflexions sur “Yannick Neuder ne veut pas de l’aide à mourir”

  1. On peut très bien inverser le raisonnement de Neuder : si  les demandes de mort médicalement assistée étaient accessibles pour tous et partout, la demande de soins palliatifs deviendrait anecdotique.
    De toute façon les soins palliatifs existent déjà, ils n’ont pas besoin de loi ; il suffit que l’État donne vraiment les moyens nécessaires aux USP, ce qui n’est pas le cas.

    1. Esprit critique

      – « Ces demandes de mort sont-elles fréquentes ? Ont-elles augmenté depuis que le débat sur la fin de vie est engagé ?
      C. F. : Ce débat donne l’impression qu’en France tout le monde meurt dans des souffrances extrêmes après une longue agonie douloureuse. Ce n’est pas la réalité. Dans l’immense majorité des cas, la mort survient tranquillement, calmement ou, à l’inverse, brutalement, de manière inattendue. Et rares sont les malades qui demandent à mourir, aujourd’hui comme hier. » (Claire Fourcade : « L’euthanasie, c’est la loi du plus fort » – la-croix.com 08/03/2025)

      – « parmi les quelque 380 000 patients susceptibles de bénéficier d’une prise en charge palliative en 2023, seule la moitié y aura eu accès » (Soins palliatifs : 7 chiffres pour comprendre le manque de moyens – lepoint.fr 11/03/2024)

  2. Esprit critique

    Je comprends que certains aient hâte d’en finir, avec cette légalisation de l’euthanasie (baptisée ici «aide à mourir»), mais s’ils veulent être crédibles qu’ils restent au moins de bonne foi.
    Encore une fois, disons honnêtement les choses comme elles sont, Yannick Neuder ne veut pas d’un texte unique, point barre. D’ailleurs je partage ses raisons qu’il expose dans cet extrait.
    Et puis qu’est-ce qui permet de dire que Yannick Neuder veut ignorer les résultats de la convention citoyenne ? Nul besoin de rappeler les conclusions de cette convention !
    Et qu’il est au service de la vie à n’importe quel prix (sic). Que signifie cette expression, quel est le prix d’une vie ? À ce compte là les secouristes, les personnels de santé, ne sont-ils pas au service de la vie à n’importe quel prix ? Maintenant s’il s’agit de dire que Yannick Neuder est POUR l’acharnement thérapeutique, là c’est plutôt osé. (à suivre)

    1. (suite) L’acharnement thérapeutique est désormais clairement défini, la loi Claeys-Leonetti parle d’«obstination déraisonnable» et nul besoin de rappeler le contenu de cette loi ! Même chose au sujet de ces «gens payés pour vous maintenir le plus longtemps possible en vie», qui sous-entend qu’il y aurait un lobby, un business des soins palliatifs. (Pognon-Pognon BEURK !) Mais à ce compte là, de la même façon qu’il existe un business de la vieillesse (EHPAD), un business de la mort (pompes funèbres), n’existe t-il pas également un business de l’euthanasie ?
      – Enquête : Le business de l’euthanasie en Europe (lincorrect.org 12 avril 2021)
      – « L’euthanasie est le dernier avatar du libéralisme philosophique et économique » (la-croix.com 08/05/2024)

      Les soins palliatifs sont un droit, et chaque citoyen a le devoir d’exiger que tout le monde puisse y avoir accès. Pour le reste, ON verra plus tard.

    2. DR Claire Fourcade

      – « Cette distinction a le mérite de la clarté, sur le fond comme sur la forme. […] Ce sont deux sujets différents à traiter séparément. […] En les séparant, on a toute chance de voir une loi sur les soins palliatifs votée à l’unanimité, ce qui serait un message fort adressé aux patients, à leurs familles et aux soignants. Pour le reste, la démocratie en décidera. »
      ( Claire Fourcade : « L’euthanasie, c’est la loi du plus fort » – la-croix.com 08/03/2025)

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