Document d'information de la Vía Campesina du 30 Novembre 2010
1/2) Les multinationales de l'industrie alimentaire et les négociations sur le climat
Un nouvel ordre économique mondial émerge et l'agriculture, particulièrement la biomasse, en est l’interface. Les décideurs et les responsables des grandes entreprises qualifient ce nouvel ordre de “bioéconomie”, ils prétendent que l'humanité peut passer d'une économie mondiale fondée sur les combustibles fossiles à une économie fondée sur la biomasse à partir de cultures agricoles, de forêts et d'algues. Présentées comme “propres”, “vertes”, “renouvelables” et “durables”, les fausses solutions proposées par les gouvernements et les multinationales en réponse aux crises climatique, énergétique et alimentaire, sont le moteur de l'expansion de la bioéconomie. Cependant, ces prétentions cachent le fait que la bioéconomie facilite l'expansion de l'agriculture industrielle, ainsi qu'une intégration verticale et une consolidation du marché pour les grandes multinationales (TNC).
La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement climatique (CCNUCC) devient rapidement une plate-forme où la bioéconomie se trouve légitimée, réglementée et développée. Les grandes entreprises de céréales, de biotechnologie et de sylviculture bénéficient de l'accroissement du nombre, de la portée et du pourcentage de méthodologies agricoles approuvées par la CCNUCC dans les domaines de la compensation des émissions de carbone, de la séquestration du carbone et de l'adaptation au changement climatique. Et pourtant, au lieu de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de stabiliser le climat, ces fausses solutions à la crise climatique fournissent aux multinationales de nouveaux moyens pour étendre et consolider leur contrôle sur les semences, la terre, l'eau et les forêts menaçant ainsi les paysans, les peuples autochtones, les pêcheurs et les travailleurs ruraux.
Les fausses solutions à la crise climatique reposent sur des mythes, en particulier celui de la biomasse renouvelable et sans limite. Même les ressources qualifiées de renouvelables, par exemple les cultures agricoles pour les agrocarburants, dépendent de ressources limitées: une zone géographique de terre, les éléments nutritifs du sol, l'eau douce…
Le mécanisme REDD Réduction d'Emissions dues à la Déforestation et de la Dégradation des forêts, qui a été décrit comme “l'accaparement des terres en puissance le plus important de tous les temps”, place les forêts (et les terres agricoles, si l'on considère REDD+) directement au cœur du marché du carbone pour le bénéfice des multinationales polluantes, en leur donnant la possibilité d'acheter une réduction d'émissions de gaz à effet de serre tout en soi-disant préserver les forêts. Cependant, selon le Réseau indigène environnemental, REDD est plein “d'incitations perverses” qui poussent à convertir des forêts naturelles en monoculture de plantations d'arbres, ce qui, de fait, accentue la déforestation.
Sous le prétexte de « boisement ou reboisement”, des plantations industrielles d’arbres pour la production d’agrocarburants à partir de la cellulose et la production de bioplastiques prospèrent comme s’il s’agissait de « forêts » séquestrant le carbone. Or, ces plantations ne sont pas des forêts. Les forêts naturelles séquestrent beaucoup plus de dioxyde de carbone que les plantations d’arbres et elles entrainent de la biodiversité, et non des déserts verts comme dans le cas des plantations d’eucalyptus. Les entreprises forestières et papetières telles que Stora Enso, Weyerhauser, Votarantim et Kimberly Clark ont accès aux crédits carbone puisqu’elles satisfont le critère des méthodologies de “boisement et reboisement” ; leurs plantations vont donc s’étendre et menacer les territoires des communautés autochtones et traditionnelles, sans compter qu’elles menacent la forêt naturelle, la biodiversité et les ressources en eau.
Les propositions actuelles de la REDD vont aider l’industrie des agrocarburants en subventionnant la conversion de forêts primaires en plantations industrielles de palmiers à huile, d’autres arbres ou arbustes (y compris le Jatropha) sous le prétexte que ce sont des « forêts ».
Bien qu'elle ne soit pas encore approuvée, une autre méthodologie pour la séquestration du carbone est en cours: il s'agit de l'agriculture chimique sans labour (aussi appelée de “conservation” et “agriculture durable” par les multinationales). Elle part du principe que les émissions agricoles peuvent être réduites si la terre n'est pas labourée, ce qui équivaut à la capture du carbone. Monsanto s'est fait l'avocat de cette technique depuis 1998 afin de la faire approuver en tant que méthodologie MDP, elle est déjà reconnue par le Chicago Climate Exchange. Monsanto prétend que son produit Roundup Ready OGM aide à contrer les changements climatiques, les cultures pouvant se faire sans labourer, les mauvaises herbes étant généreusement aspergées de larges doses de l'herbicide Round up (glyphosate). Si les agriculteurs qui vont utiliser Roundup-Ready pour leurs cultures, peuvent avoir accès à des crédits compensatoires selon la technique de culture simplifiée ou sans labour, les ventes des semences Monsanto augmenteront ainsi que les ventes de produits chimiques, car les gouvernements vont encourager les grands exploitants agricoles à utiliser des semences Roundup Ready pour bénéficier de crédits carbone. En 2009, Monsanto a gagné le prix Angry Mermaid pour ses efforts de lobbying afin de faire approuver par la CCNUCC les plantations de soja cultivées selon une agriculture chimique, sans labour avec des produits Roundup Ready.
Si l'agriculture chimique sans labour est approuvée, les monocultures industrielles avec leurs semences OGM et leurs produits chimiques toxiques augmenteront, ce qui déplacera encore plus les populations rurales en concentrant la propriété des terres entre les mains des multinationales, en empoisonnant l'eau et les êtres humains avec leurs produits chimiques.
2/2) De Cochabamba à Cancun : Les paysans rejettent les fausses solutions et exigent de réelles solutions pour sauver le climat.
En réponse aux négociations sur le climat ayant échoué lors de la CCNUCC à Copenhague en décembre 2009, le Gouvernement de Bolivie a accueilli en avril 2010 La Conférence mondiale des Peuples sur le Changement climatique et les Droits de la Mère Terre qui s’est tenue dans la ville andine de Cochabamba. Trente mille personnes ont assisté à cette conférence et ont présenté de véritables solutions au changement climatique et qui sont:
Réductions des émissions à la source. Non au système cap-and-trade, non aux crédits compensatoires. Les pays et les multinationales doivent être tenus pour responsables de leurs émissions.
Agriculture paysanne durable. Les politiques menées pour une agriculture durable à petite échelle peut, non seulement, réduire les émissions d’une agriculture industrielle mais peut, de fait, contribuer à la séquestration du carbone dans le sol et préserver les forêts naturelles et la biodiversité.
Réduire les émissions de plus de 50% d’ici à 2017.
Droits de la Mère Terre. L’humanité a besoin de se réaligner avec la nature et avec la planète en respectant à nouveau et en ayant des liens étroits avec notre Mère Terre.
Le respect complet des droits humains et des droits des peuples autochtones ainsi que ceux des migrants climatiques. Le respect des peuples autochtones et de leurs territoires peut contribuer à la protection des forêts naturelles. Cela est fondamental pour stabiliser le climat.
Formation d’un Tribunal de Justice international pour le Climat.
Non aux nouveaux marchés du carbone.
6% du PIB des pays développés afin de financer les actions à mener dans les pays en développement pour faire face au changement climatique.
Levée des barrières à la propriété intellectuelle qui facilite le transfert de technologie.
Non à la « marchandisation » des forêts.
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