Après l’arrêt au village, je me rends à la Chataigneraie (le cœur de la résistance à NDDL) , avec l’intention de partager soirée et nuitée avec les militants qui résident sur place. La caravane prévue au village même de NDDL est loin du site et nous permet difficilement de pouvoir nous interposer en tant qu’élu, en cas d’attaque des forces mobiles. J’ai en principe tout prévu pour la nuit : pull, gilet, duvet et même matelas ; bottes bien sur obligatoires avec pantalon de rechange et parka peu salissant ou lavable. Néanmoins je n’avais pas pensé aux chaussettes bien chaudes ou bottes fourrées. Et par températures négatives, les bottes en caoutchouc… « c’est pas le pied » : mon petit rhume, présent déjà à l’arrivée, ne s’était guère arrangé.
Les dortoirs étaient pleins, les militants arrivant de toute la France pour prêter main forte. Les discussions autour d’une assiette, d’un verre, d’un bol ou d’un feu de cheminée nous ont permis à Jean-Michel Braud et moi-même de passer une soirée riche en échange et débat. Des discussions parfois nécessaires, tant les militants se posent des questions. Mais globalement ils étaient contents de nous voir partager repas et dortoir avec eux. C’est pourquoi j’exhorte les élus à venir sur place. Ne serait-ce qu’une nuit en passant. Les bottes étant prêtables, il suffit de prévoir chaussettes chaudes et pantalons de rechange pour la journée, un duvet pour la nuit.
Les militants dans l’ensemble sont plutôt jeunes. On voit quand même quelques personnes de 40 à plus de 60 ans. Pas tellement plus d’homme que de femmes. Tous sommes gentiment incités à participer aux tâches, donner un petit coup de main. Pour ma part un petit peu d’aide à la coupe de légumes. La nourriture est étonnamment simple et bonne.
C’est ma quatrième ou cinquième visite sur site, j’habite à 200 kilomètres de là. Mon impression de départ évolue un peu. Après le sentiment d’omniprésence d’eau, de boue et de fourmilière ( tout le monde s’active, qui à la cuisine, qui à la construction, qui à chercher de l’eau, du bois, qui à l’organisation ou la cuisine) c’est celui de guerre des boutons qui me surprend: fabriques de poches à lisier-huile (« attention comment tu la lâance, sinon elle t’éclate à la … » dit l’un avec un accent du sud-ouest bien dosé), là une fabrique de petits lance-pierre en châtaigner, bien dérisoire face aux grenades lacrymogènes, défensives, voire aux flash-balls ; ailleurs on demande qui n’a pas le vertige pour monter dans les arbres et participer aux rondes…. Seule la détermination des habitants et la présence des tracteurs enchaînés semblent quasi indéfectibles à pouvoir contrebalancer l’entraînement et les quelques 15-20 kg d’harnachements et matériels des « grands Gibus » bleus. HA ! « S’ils auraient su, z’auraient pas venu ! ». Avec la boue et les branches posées à même le sol ce ne serait guère étonnant.
Le soir, sous un ciel étoilé ou dans la taverne surchauffée, les moins endormis parlent de leurs impressions, s’essayent aux scénarios d’intervention des forces mobiles, parfois des questions sur le gouvernement, les socialistes et leur alliance avec les écologistes, et cela autour d’un verre ou quelques braises. Les discussions et le partage de ces heures passées ensemble sont utiles car elles nous rapprochent. Et c’est nécessaire dans le contexte.
La nuit est particulièrement fraîche pour la région nantaise. Au dortoir, les retardataires se font étonnamment discrets malgré la promiscuité. Comme si le repos, le savoir vivre et partager étaient choses sacrées et des atouts pour la résistance sur place.
4h20, au milieu de la nuit, une voie claironne la relève. Pas envie de sortir : la chaleur du duvet ! Au matin le jour pointe à peine et l’activité reprend autour d’un café, en petits groupes et en toute amitié. Ambiance toujours bon enfant. Il est tant de partir.
On reviendra !
Thierry Pradier