Les garde-forestiers de l’Office national des forêts (ONF) organisent à partir du 17 septembre une grande marche à travers la France pour dénoncer l’industrialisation qui menace la gestion des forêts publiques. Dans les sous-bois et les clairières, ce ne sont pas des lignes de train ou des bureaux de poste de proximité qui sont soumis à l’ordre gestionnaire et productiviste, mais des écosystèmes entiers. Depuis sa création en 1964, l’ONF a un mode de financement bancal qui dépend de la vente de bois. D’où une pression toujours plus forte pour en couper davantage et délaisser certaines missions jugées non rentables, comme celles liées à l’environnement, à l’accueil du public ou à la surveillance.
En 2002, les forestiers voient arriver de drôles de collègues, sans bottes ni uniforme vert, mais affublés de cravates et abusant des tableaux Excel. « Des cabinets d’audit international ont été mandatés par la direction pour proposer des réformes, rapporte un syndicaliste. Fortement influencés par l’univers concurrentiel et la gestion telle qu’elle se pratique dans les entreprises privées, ces consultants ont calqué ce qu’ils connaissaient pour le plaquer tel quel sur le service public. » Le « Projet pour l’office » qui est ressorti des analyses de ces consultants exige un gain de productivité de 30% en cinq ans et une baisse des effectifs. Un coup dur pour les forestiers.
La bataille qui commence est aussi sémantique. « Tout un vocabulaire nous envahit et transforme la philosophie de notre métier. Nous ne devions plus nous appeler "garde forestier", mais "agent patrimonial" ». La modification n’est pas anodine. « Elle transforme notre identité. Alors qu’un garde forestier protège les milieux naturels, prend soin d’un territoire, un agent patrimonial s’occupe d’une forêt comme un conseiller bancaire gère des portefeuilles. « « Contrat », « performance », « feuille de route », « cible », le quotidien des forestiers s’est ensuite peuplé de ces mots qui ont plus à voir avec le CAC 40 qu’avec la protection de la nature. « Ce n’est pas seulement idéologique, cela a un impact réel sur nos vies et nos journée de travail, que l’on passe de plus en plus derrière l’écran, à devoir se justifier. Aujourd’hui, quand nous nous promenons en forêt, nous ne sommes plus censés voir que les futures grumes [le tronc de l’arbre abattu et ébranché, ndlr], pas la qualité du sol, ni l’humus, ni les arbres morts, ni la nidification. Pour cela, nous avons maintenant des responsables environnementaux dédiés. »
Dans la forêt de Compiègne, des tags « non aux forêts mortes » apparaissen
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