Pour une présentation du livre sur « Pierre Fournier, précurseur de l’écologie »,
allez sur le site JNE de l’association des journalistes pour la nature et l’écologie
Quelques extraits tirés du livre :
les raisons de l’engagement écologique de Pierre Fournier
Pierre Fournier écrivait dans Hara-Kiri Hebdo le 28 avril 1969 : Pendant qu’on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s’engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l’homme est en train, à force d’exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieures. Le paradis concentrationnaire qui s’esquisse et que nous promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l’œuf. La catastrophe, beaucoup plus prochaine que vous ne l’imaginez, ne pourrait être évitée que par une réforme des habitudes mentales encore plus radicale encore que celle jadis opérée par les rédacteurs de la Grande Encyclopédie. Ca représente du travail.
Pierre Fournier écrivait dans Charlie Hebdo du 31 janvier 1972* : Interviouvé en 1965, à la question : « Vous sentez-vous solidaire des grands problèmes de votre époque ? » le romancier René Fallet (1927-1983) répondait : « Il n’en est qu’un qui me touche vraiment : la guerre – terrible depuis la fin de la guerre justement – que l’homme mène à la nature. Quand l’homme ne tue pas l’homme, il teu ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. L’homme sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre. Cela finira mal. »
Pierre Fournier et la décroissance démographique
- Un fou à diplômes, qui se croit raisonnable, comme tous les fous, explique à ses étudiants, car il est professeur d’économie politique, comme beaucoup de fous, que le seul et unique problème actuel est celui de la croissance démographique. Or, c’est un fait d’expérience, le taux de natalité ne diminue qu’à partir d’un certain niveau de vie. Lequel niveau de vie ne peut ne peut être atteint que par l’industrialisation à outrance. Laquelle industrialisation exige une main-d’œuvre abondante et donc un taux de natalité élevé. Le seul moyen de résoudre à long terme le problème de la surpopulation, c’est donc d’encourager (dans un « premier » temps) la surnatalité. CQFD. (Pierre Fournier, Charlie Hebdo du 12 février 1973)
- Malthus, paraît-il, s’est trompé en prédisant la famine décimerait le genre humain : c’est oublier que chaque jour, déjà, 10 000 personnes meurent de « malnutrition » - pudique euphémisme – et qu’il s’agit là du tout début d’une tendance. 6 % des hommes accaparent 45 % des ressources mondiales. L’américain moyen consomme et pollue 100 fois plus que l’indien moyen. (Pierre Fournier, La Gueule ouverte, février 1973)
Pierre Fournier face au MONDE
Le quotidien LE MONDE tire à 500 000 exemplaires. Il a la réputation d’être fiable et objectif, réputation héritée des années Beuve-Méry. Pierre Fournier consulte LE MONDE, sa sentence tombe : « J’ai pas la télé mais je feuillette deux quotidiens : LE MONDE pour être au courant et un autre pour prendre LE MONDE en flagrant délit de mensonge par dosage ou par omission. Il n’est qu’à constater la soi disant objectivité avec laquelle LE MONDE rend désormais compte des affaires de pollution ; la part qu’il donne aux informations « scientifique » bien orientées ; la multiplication des libres-opinions qui, sur ce sujet-là, vont toujours comme par hasard, dans le bon sens. » Selon Pierre Fournier, les réticences du MONDE à adopter un point de vue critique sur les questions de pollution s’expliqueraient par son scientisme de toujours », mais aussi, et surtout, parce qu’il n’est pas aussi indépendant qu’il le prétend. En effet, « la vraie indépendance d’un journal ce n’est pas l’indépendance politique », mais celle qu’il exerce à l’égard de ses annonceurs ; or « le parti du MONDE, c’est comme celui des autres, celui de ses petites annonces ». Sur le talc Morhange, Fournier commente un article « dont la technique a consisté, cette fois encore, à noyer les poins importants de l’affaire sous l’abondance des informations de détail ». Conclusion : « Evidemment, LE MONDE est pourri. Mais Charlie hebdo l’est aussi. Je le suis aussi. Nous le sommes tous, car tout l’est, dans cette société pourrissante et pourrisseuse. »
(éditions Les Cahiers dessinés, 2011)