Editions Dervy, 546 pages, 23 euros
Cet ouvrage est entre autres dédié au pape François « pour l’espoir qu’il apporte », au Saint Jean-Paul II « pour sa compassion envers toute création » et à « toutes les espèces sœurs et frère, les terres, les eaux et les étoiles de la Création de Dieu qui m’emplissent toujours d’amour et d’émerveillement ». Cela donne déjà une bonne image du contenu de ce livre. L’auteure, Marybeth Lorbiecki participe au Franciscan Action team depuis 2012, elle se situe donc dans les pas de Saint François d’Assise, ce qui forme d’ailleurs le premier chapitre de son livre. On aborde ensuite toutes les questions de l’écologie, que ce soit l’effet de serre, l’énergie nucléaire, la déforestation, la pénurie d’eau, le racisme environnemental ou même l’accroissement de la population. On se situe explicitement contre la « culture du Gâchis et de la Mort » dans un ouvrage bien documenté.
Ce livre est à conseiller à tous les croyants, il montre parfaitement qu’une religion pourrait participer pleinement à la sauvegarde de la planète aux côtés de l’ensemble des écologistes. Mais cet engagement est encore en germe. On ne peut déduire de quelques phrases circonstancielles de Jean-Paul II une politique systématique en faveur du respect de la « Création ». Et si le pape François est souvent cité, le pape qui le précède, Benoît XVI, brille significativement par son absence en matière écologique. Comme Marybeth l’indique d’ailleurs en introduction :
« Je ne vois guère de groupes issus d’églises, de temples, de synagogues ou de mosquées oeuvrant collectivement sur des questions comme le changement climatique et autres sujets du même ordre…. A ma grande consternation, j’ai même rencontré de très nombreux chrétiens qui étaient violemment anti-environnement. Ils qualifient les écologistes de "panthéistes" qui adorent la Nature et lui accordent plus de valeur qu’aux humains et aux enfants à naître ! Mais quelle sorte de monde allons-nous offrir à ces nouveaux-nés ? »
Voici quelques morceaux choisis de ce livre :
1/3) Les papes sur les pas de Saint François d’Assises
Fils d’un riche marchand, François d’Assise aurait entendu Jésus sur la croix : « Va réparer ma maison qui tombe complètement en ruines. » François se dénuda sur la grande place publique d’Assise et jeta ses vêtements à son géniteur. A partir de là, il reconstruisit chapelle set églises. Il ne devint jamais prêtre et n’aspira jamais à le devenir. C’est le Cantique des Créatures qui reste la plus belle contribution de François d’Assise. En voici l’essentiel :
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour toutes tes créatures, et particulièrement notre frère le Soleil, qui nous apporte le jour et par qui tu nous donnes la lumière.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Lune, et pour les étoiles ! Dans le ciel tu les as placées, aussi précieuses que belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour mes frères le Vent et l’Air, et aussi les nuages et les tempêtes, et toutes les sortes de temps, grâce auxquels tu apportes subsistance à tes créatures.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur l’Eau, qui est très utile, humble, précieuse et pure.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur, la Terre Mère, qui nous nourrit, nous soutient et produit quantité de fruits, les fleurs colorées et les herbes.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur, la mort corporelle, à l’étreinte de laquelle nul homme vivant en peut échapper…
Jean-Paul II passa en 1978 sa première année de pape à prononcer des sermons autour des récits génésiaques de la Création, et des responsabilités confiées à l’homme par Dieu. Dès 1979, il proclama François saint patron de l’écologie : « Car, d’une manière toute particulière, il a tenu en grande estime les œuvres universelles du Créateur et il a composé ce magnifique Cantique des Créatures et donné l’exemple d’un respect authentique et sans réserve pour l’intégrité de la Création. » Pour l’accueil des participants au séminaire Terra Mater, Jean-Paul II disait même en 1982 : « Quand l’homme a l’habitude d’aimer et de respecter les créatures inférieures, il apprend aussi à être plus humain avec ses semblables. Je suis, par conséquent, heureux d’encourager et de bénir ceux qui contribuent de faire en sorte que, dans l’esprit franciscain, les animaux, les plantes et les minéraux soient considérés et traités comme des "frères et sœurs". »
Pourquoi le nouveau pape prit-il le nom de saint François ? « Pour moi, expliqua le pape François à la foule, il est l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et protège la création ; ces temps-ci, nous avons avec la Création une relation qui n’est pas très bonne, vous ne croyez pas ? »
2/3) Politique démographique de l’Eglise
Marybeth Lorbiecki : Il devient évident qu’une population plus nombreuse sur terre conduit à une multiplication à l’infini des crises écologiques et morales et des tensions autour des ressources naturelles dans le monde entier… Plus une population est importante, plus il y a compétition pour un emploi ou pour obtenir n’importe quoi que ce soit, ce qui ajoute du stress, voire de l’agressivité et des agressions comme cela surviendrait dans n’importe quel poulailler surpeuplé. De ce fait le contrôle de la population n’est pas l’affaire d’un Etat, mais de toutes les régions car, au bout du compte, toutes sont interconnectées et affectées.
Jean-Paul II : Nous avons des devoirs à l’égard des générations futures : c’est une dimension essentielle du problème et elle nous oblige à fonder nos propositions sur des perspectives concrètes et sérieuses concernant la croissance de la population et la disponibilité des ressources… Nous devons faire face à la croissance de la population non seulement en exerçant une parentalité responsable, dans le respect de la loi divine, mais aussi à l’aide de moyens économiques, qui ont un effet en profondeur sur les institutions sociales… C’est la responsabilité des autorités publiques de fixer des directives conciliant des limitations du nombre de naissance et le respect d’une expression libre de la responsabilité selon chaque individu… Les gens ont besoin de redécouvrir la signification morale du respect des limites ; ils doivent croître et mûrir dans leur sens des responsabilités à l’égard de tous les aspects de la vie… L’Eglise soutient le principe de la parentalité responsable et attire l’attention sur la moralité des méthodes employées. (Discours à la semaine d’études « Ressources et population » de l’Académie pontificale des sciences, 22 novembre 1991)
Aux formateurs en PFN (Osservatore romano, 22 janvier 1997) : Utiliser des méthodes naturelles implique le respect de la nature. Elles entretiennent cette écologie humaine qui est l’harmonie entre les demandes de la nature et le comportement personnel. Au niveau mondial, ce choix des méthodes naturelles soutient les processus d’émancipation des femmes et des peuples s’affranchissant des programmes injustes de planning familial qui amènent dans leur triste sillage les différentes formes de contraception, d’avortement et de stérilisation.
Marybeth Lorbiecki : Le pape Jean-Paul II a fait la promotion de différentes méthodes de PFN (planification familiale naturelle) : méthode symptothermique, méthode de l’ovulation, méthode dite marquette. Ces méthodes sont fondées sur des processus naturels et non invasifs. Mais il faut bien avouer que les signes de fertilité ne sont pas toujours cohérents et clairs. Le moment de l’ovulation est imprévisible, même chez les femmes dont le cycle est régulier. Et il existe tant de situations où l’approche PFN devient l’inverse de l’idéal. Il y a tant de femmes qui n’ont aucun accès à une instruction quant à savoir déchiffrer leurs rythmes corporels. Et les papes n’ont pas abordé ce que les femmes peuvent faire dans des situations de violence, quand elles sont dans un rapport de pouvoir inégal. Pour beaucoup de catholiques, les recommandations de l’Eglise paraissent arbitraires et déraisonnables, et surtout ni fondées sur le Christ, ni sur les Ecritures, ni sur les valeurs fondamentales.
3/3) Déclaration sur l’éthique de l’environnement
En juin 2002, le pape Jean-Paul II et le patriarche Bartholomé 1er adressèrent un message commun au monde :
« Nous sommes préoccupés par les conséquences négatives pour l’humanité et pour toute la Création qui découlent de la dégradation de certaines ressources naturelles fondamentales, comme l’eau, l’air et la terre, provoquée par un progrès économique qui ne reconnaît pas et ne tient pas compte de ses limites… Nous devons franchement admettre que l’humanité mérite mieux que ce que nous voyons autour de nous… Nous avons pris des décisions et établi des valeurs qui nous ont détourné du monde tel qu’il devrait être, détournés du dessein de Dieu pour la Création, et de tout ce qui est essentiel à une planète saine… Si nous examinons attentivement la crise sociale et écologique que la communauté mondiale doit affronter, nous devons constater que nous trahissons le mandat que Dieu nous a confié : être les gardiens appelés à collaborer avec Dieu en vue de veiller sur la création dans la sainteté et la sagesse… C’est sur la base de notre reconnaissance du fait que le monde est créé par Dieu que nous pouvons distinguer un ordre moral objectif, à l’intérieur duquel nous pouvons mettre en place un code d’éthique de l’environnement… Une solution au niveau économique et technologique ne peut être trouvée que si nous entreprenons, de la façon la plus radicale possible, une conversion intérieure du cœur qui puisse conduire à un changement du mode de vie et à une modification des schémas inacceptables de consommation et de production. Nous devons tout d’abord retrouver l’humilité et reconnaître les limites de nos pouvoirs. »