Les textes anciens et inoubliables sont rares. Le texte d’Etienne de La Boétie publié pour la première fois en 1576 est un joyau qui détaille les bases de notre esclavage. Extraits :
« Comment il peut se faire que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a de pouvoir de leur nuire sinon tant qu’ils ont vouloir de l’endurer, qui ne saurait leur faire mal aucun sinon lorsqu’ils aiment mieux le souffrir que le contredire (…) Plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent et détruisent, plus on leur donne, plus on les sert, de tant plus ils se fortifient et deviennent toujours plus forts. Si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point, ils demeurent nus et défaits, et ne sont rien, sinon que, comme la racine n’ayant plus d’aliment, la branche devient sèche et morte (…) Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, sinon qu’il a plus que vous tous : c’est l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux dont il vous épie si vous ne lui donniez ? Combien a-t-il tant de mains pour vous frapper s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il s’ils ne sont les vôtres ? (…) »
Même le régime démocratique a pour La Boétie ses insuffisances : « Il y a trois sortes de tyrans. Les uns ont le royaume par élection du peuple ; les autres par la force des armes ; les autres par succession de leur famille. Pour dire la vérité, je vois bien qu’il y a entre eux quelques différences, mais de choix, je n’y en vois point, la façon de régner est toujours quasi-semblable. Celui à qui le peuple a donné l’Etat devrait être, ce me semble, plus supportable, et le serait n’était que, dès lors qu’il se voit élevé au-dessus des autres, il délibère de n’en bouger point(…)
La nature de l’homme est bien d’être libre et de le vouloir être, mais sa nature est telle que naturellement, il tient le pli que l’éducation lui donne. Disons qu’à l’homme toutes choses lui sont comme naturelles, à quoi il se nourrit et s’accoutume. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est la coutume ; on ne regrette jamais ce que l’on n’a jamais eu. »
Les textes nouveaux sont oubliables à 99,9 % et plus. Relisons les textes anciens inoubliables, ceux qui propagent un humanisme ouvert et nous offrent des armes pour défendre la Biosphère. Il ne faut plus écouter ces princes qui nous gouvernent, il faut construire un équilibre durable entre les hommes, c’est-à-dire un équilibre durable avec nos écosystèmes…
(éditions arléa, 2007)