Il s'agit d'un recueil de trois articles dont biosphere a résumé la substantifique moelle du dernier opus, violemment prémonitoire et quasi-révolutionnaire :
- L’époque qui a tous les moyens techniques d’altérer absolument les conditions de la vie sur toute la Terre est également l’époque qui, par le même développement technique et scientifique séparé, dispose de tous les moyens de contrôle et de prévision pour mesurer exactement où mène la croissance automatique des forces productives aliénées, c’est-à-dire pour mesurer la dégradation rapide des conditions mêmes de la survie. Une société toujours plus malade, mais toujours plus puissante, a recréé partout concrètement le monde comme décor de sa maladie, en tant que planète malade.
- La « pollution » est aujourd’hui à la mode, exactement de la même manière que la révolution : elle s’empare de toute la vie de la société, elle est bavardage assommant dans une pléthore d’écrits et de discours mystificateurs. Les maîtres de la société sont obligés de parler de pollution et de la dissimuler. Car la simple vérité des nuisances et des risques présents suffit pour constituer un immense facteur de révolte tout aussi vitale que l’a été la lutte des exploités du XIXe siècle.
- Le secteur le plus moderne de l’industrie se lance sur les différents palliatifs de la pollution, d’autant plus rentable que dans la société de l’économie surdéveloppée, tout est entré dans la sphère des biens économiques, même l’eau des sources et l’air des villes. Tout est devenu le mal économique. Le vieil océan est en lui-même indifférent à la pollution ; mais l’histoire ne l’est pas. Elle ne peut être sauvée que par l’abolition du travail-marchandise.
- La fonction essentielle de l’économie développée aujourd’hui, dans le monde entier où règne le travail-marchandise, qui assure tout le pouvoir aux patrons, c’est la production des emplois, jusque dans les campagnes vidées de paysans, c’est-à-dire pour utiliser du travail humain en tant que travail aliéné, en tant que salariat.. On est donc bien loin des idées progressistes du siècle précédent sur la diminution du travail humain par la multiplication scientifique et technique de la production.
- La soi-disant « lutte contre la pollution », par son côté étatique et réglementaire, va d’abord créer de nouvelles spécialisations, des services ministériels, des jobs, de l’avancement bureaucratique. Elle ne peut devenir une volonté réelle qu’en transformant le système productif dans ses racines mêmes.
- Pour la pensée bourgeoise, seul le quantitatif est le sérieux, le mesurable, l’effectif ; le qualitatif n’est que l’incertaine décoration subjective. Pour la pensée dialectique au contraire, le qualitatif est la dimension la plus décisive du développement réel. Ce printemps 1968 obtint un beau ciel parce quelques voitures avaient brûlé et que toutes les autres manquaient d’essence pour polluer.
(Gallimard, réédition 2004)