Il serait si simple d’échapper à la folie humaine, il suffit de suivre la conclusion formulée en 1972 par le rapport préparatoire à la première conférence des nations unies sur l’environnement.
1/2) Nous n’avons qu’une Terre
« Ce qui nous a toujours manqué, c’est une plus grande motivation à l’unité. Mais les temps ont changé. C’est seulement à l’heure actuelle que les astronomes, les physiciens, les géologues, les chimistes, les biologistes, les ethnologues et les archéologues ont réuni leur connaissance en un seul témoignage pour nous dire que nous appartenons tous à un seul système, manifestant une unité essentielle malgré toutes ses variations, et que sa survie dépend de l’équilibre et de la santé de tout l’ensemble. Aujourd’hui nous pouvons peut-être espérer survivre tout en conservant notre précieuse diversité, à condition de susciter une loyauté fondamentale à l’égard de notre planète la Terre, cette planète unique, si belle et si vulnérable.
Seule dans l’espace, seule (ndlr : à notre connaissance actuelle) à disposer de systèmes propres à entretenir la vie, animée d’énergies invraisemblables qu’elle nous transmet par des processus d’adaptation d’une incroyable complexité, capricieuse, imprévisible, mais nourricière, vivifiante et enrichissante au plus haut point – la Terre (ndlr : la Biosphère) n’est-elle pas pour tous ses habitants le plus précieux des domiciles ? Ne mérite-t-elle pas notre amour ? »
2/2) penser au XXIe siècle comme en 1972
Il y a ceux qui soutiennent que la seule manière de régler le problème de l’assainissement de l’environnement est de ralentir le progrès économique. La racine du mal est le rejet d’effluents de plus en plus nombreux par des usines destinées à produire une quantité de marchandises essentiellement superflues, qui sont connues en général pour se démoder rapidement et qui souvent se substituent à de bonnes vieilles méthodes sûres et peu polluantes : les détergents remplacent le savon ou les fibres synthétiques le coton. Si notre poursuite des biens de consommation était moins passionnée, notre obsession des nouveautés et des gadgets moins grande, et notre usage de l’énergie plus modérée, nos problèmes d’environnement seraient peu à peu simplifiés du simple fait de réfréner notre tendance à dépenser de plus en plus et à polluer encore davantage.
A l’opposé, il y a ceux qui soutiennent que le système économique est fondée sur l’innovation, sur l’espoir qu’un gain substantiel viendra récompenser le succès. Si l’on supprime ce désir de réaliser des gains véritablement productifs, il n’y aurait plus d’enrichissement, donc plus de moyens de reconstruire les villes, d’assainir l’air et l’eau, et de fournir au citoyen moyen des biens de consommation dont il ne semble nullement dégoûté. Allons-nous rester enfermés dans ce cercle vicieux : accroître encore le développement économique pour se procurer les ressources destinées à réparer le gâchis qui résulte précisément dudit développement ; et, ce faisant, créer un gâchis supplémentaire qu’il faudra réparer à son tour ? Alors il est clair qu’un désastre écologique nous menace.
Dans ces conditions, nous allons peut-être nous trouver acculés à des solutions sans nuance : pas d’expansion économique ou tout pour l’expansion économique, un taux de croissance de la population réduit à zéro ou une croissance familiale sans aucunes contraintes, pas d’économie de marché ou pas de planification. Si nous prenons modèle, à l’occasion de ce débat, sur les systèmes écologiques, nous nous rendrons compte qu’on peut parvenir à un équilibre non par une seule solution, mais par la combinaison d’une grande variété de solutions partielles qui ne donneront pas de réponses définitives ; la Biosphère est trop dynamique pour qu’on puisse y établir rien de définitif.
(Denoël, 1972)