L’idée essentielle du livre
« Qui aujourd’hui, consomme le plus de produits matériels ? Les hyper riches ? Pas seulement. L’oligarchie ? Oui, cela commence à faire nombre mais ne suffit pas encore. Il y a aussi la classe moyenne mondiale, disons 500 millions de gens (il y a de fortes chances que vous en fassiez partie) qui réduiraient utilement leur consommation matérielle, leurs dépenses d’énergie, leurs déplacements automobiles et aériens. Mais nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie, tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4x4 climatisés et leurs villas avec piscine ? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. » (p.90-91)
Comme le disait récemment le spécialiste du réchauffement climatique, Pierre Radanne : Les mesures à prendre peuvent se décliner en cinq phases : Prendre conscience des menaces, mesurer nos émissions de GES, détailler les solutions techniques, organisationnelles et comportementales, les inscrire dans un calendrier effectif, et enfin préserver l’équité : « Je fais, parce que tu fais, parce que nous faisons tous ».
Commentaire de biosphere adressé à Hervé Kempf
Hervé, tu rends responsables de la destruction de la planète la classe opulente (p.65), la classe dirigeante (p.73), les hyper-riches ou nomenklatura capitaliste (p.81), l’oligarchie et la classe moyenne mondiale (p.90-91). La fluctuation de ton vocabulaire montre la difficulté de cerner le phénomène des inégalités dans nos sociétés, d’autant plus qu’il y a de moins en moins de reproduction directe des puissants et qu’il existe une déstabilisation des stables avec la mondialisation libérale.
Nous pouvons désigner cette catégorie prédatrice (à laquelle, comme tu l’indiques justement, nous appartenons !) par une expression symbolique, celle de classe globale. Ce concept pourrait en effet se substituer à la notion de « classe sociale » issue de l’analyse marxiste. Il ne s’agit plus de considérer le point de vue du producteur, qu’il soit capitaliste ou prolétaire, mais le point de vue de l’écologie (scientifique et politique) qui souligne l’opposition actuelle entre les activités humaines et les cycles de la Nature. Cette classe globale regroupe tous les possesseurs d’une automobile particulière, qu’ils habitent dans un pays riche ou dans un pays pauvre. Elle compte 500 millions de ménages dans le monde, soit environ 1,5 milliards de personnes. Ce quart de la population mondiale, qui se permet de consommer plus de 80 % des ressources de la planète, rentre obligatoirement en conflit avec la Nature : la société thermo-industrielle entraîne inéluctablement l’épuisement des ressources fossiles et le réchauffement climatique. L’avidité de cette classe globale constitue la principale entrave à la décroissance soutenable.
Le problème de la prise de conscience du problème reste entier : « Les hyper-riches, la nouvelle nomenklatura, se laisseront-ils faire ? » D’autant plus qu’ils mettent, comme tu le soulignes, la démocratie en danger. L’efficacité de l’analyse marxiste, c’est qu’il y avait deux classes en lutte, donc un adversaire bien délimité, une conscience de classe objectivée et un projet de transformation de d’appropriation du capital. A l’heure actuelle la classe globale n’a pas d’adversaire qui puisse lui imposer le changement et elle vit un sentiment d’abondance. Les peuples vernaculaires sont écrasés, ou ne veulent qu’une chose, accéder à leur tour à la classe globale ! Même le fait de souhaiter un revenu maximum autorisé paraît une utopie, les puissants qui mènent le monde n’en veulent pas et c’est eux qui décident. Alors il faudrait que cette classe globale, qui comprend aussi les ouvriers des pays développés, prenne conscience des conséquences de son propre comportement sur la planète. Difficile !
Deux choses peuvent cependant faire bouger les mentalités. D’abord, comme tu l’indiques, l’usage de la pédagogie de la catastrophe, sachant que c’est plutôt la catastrophe qui nous servira de pédagogie. Dans le contexte actuel de perturbation climatique et d’épuisement des ressources fossiles, nous avons le soutien des scientifiques, que ce soit les membres du GIEC (groupe d’experts sur le climat), les naturalistes qui mesurent la perte de biodiversité, ou ceux qui évaluent les ressources en pétrole…
Ensuite le quatrième pouvoir, celui des médias, sera essentiel. Il est symptomatique que chaque journal télévisé ou presque ait sa rubrique environnement. Il est symptomatique que le journal Le Monde pour lequel tu travailles ait intitulé une de ces pages environnement et science. La conscience peut donc progresser au-delà de l’influence des lobbies. Nous pensons que, les catastrophes aidant, le débat va enfin entrer dans les instances politiques, internationales, nationales et locales. De plus en plus de citoyens se rendent compte qu’il va falloir changer de mode de vie.
Merci d’avoir par ton livre préparé cette prise de conscience collective.
Réponse d’Hervé Kempf du 16 janvier 2007
Merci de ton analyse. Je la partage pour l'essentiel. C'est vrai que trouver un qualificatif pour désigner ce que tu appelles la classe globale n'est pas aisé, puisqu'il y a les détenteurs ultimes du pouvoir, les hyper-riches, et une frange plus large d'oligarques, bien moins fortunée mais prospère et faisant tourner la machine, et enfin une bonne couche de ce qu'on appelle souvent improprement "classe moyenne" parce qu'il s'agit des gens qui sont dans les 10 ou 20 % des revenus les plus élevés. Il faut, c'est certain, affiner ces concepts, pour être plus pertinents. A l'usage, le terme d'"oligarchie" fonctionne bien, mais "classe globale" me parait aussi fonctionner.
Je me suis rendu compte l'autre jour que je n'avais jamais, je crois, employé le terme de "bourgeoisie", et ne l'entend plus guère. Nous sommes décidément sortis de la sémantique marxiste !