Comme disait Gandhi quand on lui demandait : « Comment faites-vous toutes ces choses altruistes tout au long de l’année ? » Il répondait : « Je ne fais rien d’altruiste. J’essaie de progresser dans la réalisation de Soi. »
Gandhi et l’action non violente : Maximiser le contact avec votre opposant est une norme centrale de l’approche gandhienne. Plus votre opposant comprend votre conduite, moins vous aurez de risques qu’il fasse usage de la violence. Vous gagnez au bout du compte quand vous ralliez votre opposant à votre cas et que vous en faites un allié.
Gandhi et l’autonomie locale : « Je dois reconnaître qu’entre l’économie et l’éthique je ne trace aucune frontière précise : le régime économique qui va à l’encontre du progrès moral d’un individu ou d’une nation ne peut qu’être immoral. Le but à atteindre est de promouvoir le bonheur de l’homme, tout en le faisant parvenir à une complète maturité mentale et spirituelle. Pour parvenir à cette fin, il faut qu’il y ait décentralisation. Car la centralisation est incompatible avec une structure sociale non-violente. Si chaque région produit ce dont elle a besoin, le problème de la distribution se trouve automatiquement réglé ; il devient plus difficile de frauder et impossible de spéculer.
L’esprit ne trouve guère l’occasion de s’élever s’il faut mener une vie compliquée sur le plan matériel et se soumettre au rythme vertigineux de Mammon. Si j’en avais le pouvoir, je détruirais notre système actuel. Je serais disposé à faire usage des armes les plus redoutables si j’étais persuadé qu’elles viennent à bout du système. Mais non ! Le recours à de telles armes ne ferait que perpétuer le système : ceux qui cherchent à détruire les hommes plutôt que les méthodes finissent par adopter ces dernières.
J’accueillerais volontiers toute amélioration apportée à notre artisanat. Mais je suis persuadé qu’il est criminel de réduire des hommes au chômage par l’introduction de machines à filer, à moins qu’on ne soit à même de donner aussitôt un autre travail à domicile à des millions de fermiers.
Après des réflexions prolongées, j’en suis venu à une définition du Swadeshi : le fait de nous restreindre à l’usage et aux ressources de notre environnement immédiat. En matière économique, ne faire usage que des biens produits par le voisinage. Un Swadeshiste apprendra à se passer de centaines d’objets qu’il considère aujourd’hui comme indispensables. Sous la discipline du Swadeshi, la privation d’une épingle qui ne soit pas fabriquée en Inde n’a rien d’intolérable. La profonde misère dans laquelle est plongée la majorité des Indiens est due à l’abandon du Swadeshi. Si aucun bien n’avait été importé en Inde, ce pays serait aujourd’hui une contrée où coulerait le miel. » (in L’Ecologiste n° 6, « Défaire le développement, REFAIRE LE MONDE »)
Gandhi, l’ennemi des délocalisations : Les délocalisations se multiplient aux dépens des emplois des vieux pays industriels. Pourtant, le maintien d’un tissu local de petites unités de production est vital pour maintenir l’emploi et pérenniser les savoir-faire. C’est ce qu’avait compris Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948) qui fit de la relocalisation de la production la voie du renouveau de son pays.
Avant de tomber sous la domination anglaise, l’Inde était, au XVIIIe siècle, une puissance économique qui rivalisait avec l’Europe. Elle exportait des produits finis à base de coton, de soie et de laine, ainsi que des épices, du sucre, des teintures, des parfums…, et avait une balance commerciale excédentaire. Les toiles indiennes, aux procédés de fabrication inconnus en Europe, étaient très prisées sur le Vieux Continent. La victoire des Anglais sur la France lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763) leur permit d’étendre leur domination économique. L’Angleterre développa alors massivement ses importations de matières premières indiennes pour alimenter ses nouvelles usines textiles, et imposa à sa colonie des produits finis venant de la métropole : vers 1880, près de 80 % des produits textiles en inde venaient d’Angleterre, et l’on estime qu’environ 3,6 millions d’emplois ont été détruits dans ce secteur entre 1850 et 1880.
Durant l’entre-deux-guerres, Gandhi se fit le défenseur du retour aux pratiques vestimentaires traditionnelles et au travail artisanal à domicile afin de lutter pour l’indépendance de son pays et de redonner vie à l’économie locale. Il appela tous les foyers indiens à filer et à tisser à la main le khadi (coton indien) afin de remplacer les étoffes importées ; il fit du rouet un symbole – il figure sur le drapeau national -, abandonna ses habits européens, et ses partisans brûlèrent des caisses de vêtement venant d’Angleterre. Gandhi organisa en 1930 la « marche du sel » ; il bravait ainsi l’interdiction faite par les colonisateurs aux Indiens de produire du sel, afin de les obliger à payer un impôt sur sa consommation.
Aujourd’hui, avec sa révolution « verte » des années 1950 et ses plans de développement autocentrée des années 1970, l’Inde est devenue un géant économique qui s’appuie sur des secteurs de pointe et sur la diversification de sa production. Mais une très grande pauvreté y est toujours présente. On est loin du « sarvodaya » (progrès pour tous) préconisé par le Mahatma.
(Pierre Bezbakh, Le Monde Economie du 13 avril 2010)
citations :
« La civilisation, au vrai sens du mot, ne consiste pas à multiplier les besoins, mais à les réduire volontairement, délibérément. C’est le seul moyen pour connaître le vrai bonheur et nous rendre plus disponible aux autres. Vouloir créer un nombre illimité de besoins pour avoir ensuite à les satisfaire n’est que poursuite du vent. »
« Ma tâche sera terminée si je réussis à convaincre l’humanité que chaque homme ou chaque femme est le gardien de sa dignité et de sa liberté. Cette protection est possible même si le monde entier se retourne contre celui ou celle qui est seul à résister. »
« La désobéissance civile est le droit imprescriptible de tout citoyen. La désobéissance civile ne donne jamais lieu à l’anarchie alors que la désobéissance criminelle peut y conduire. »