Il est fascinant de voir que Geneviève Ferone, directrice du développement durable du groupe VEOLIA environnement, dresse un diagnostic imparable du krach écologique à venir : « Le réchauffement climatique est une bombe sociale, une machine à produire des inégalités sans précédent. » Même sur la puissance techno-scientifique, elle émet de grandes réserves : « La science ne peut venir se substituer à un projet de civilisation. Nous devons encadrer le foisonnement technologique de l’extérieur, par des valeurs éthiques communes et démocratiquement débattues. Pour l’instant ce grand dessein n’existe pas. Nous vivons dans une forme de barbarie qui est la soumission du politique et de l’éthique à la toute-puissance de l’ordre technique. » Mais elle conserve quand même une croyance dans les vertus de la croissance : « La seule issue possible est la voie de la sobriété pour gagner des crédits de temps en attendant le miracle énergétique et l’accès à l’énergie illimitée des étoles. Dans cette perspective, comment inventer une croissance fondée sur la proximité, la tempérance et la robustesse plutôt que le gavage et le jetable ? » Elle pose cependant le problème de fond : « Quel candidat à une élection dans un pays démocratique serait suffisamment suicidaire pour imaginer se faire élire sur un programme de rigueur énergétique au risque d’accélérer le déclin économique de son pays ? »
Elle conclut : « Le seul message cohérent est celui de la sobriété et de la tempérance. La Chine, qui a imposé la politique de l’enfant unique, véritable tour de force, pourrait devenir la première puissance mondiale à imposer un quota carbone individualisé. Dématérialiser « du produit au service » est aussi une des stratégies possibles : au lieu de vendre des produits à courte durée de vie, il s’agit d’optimiser l’utilisation à long terme de biens que l’utilisateur n’a pas besoin de posséder. Un grand nombre des produits que nous possédons sont peu utilisés : Une voiture reste 92 % de son temps à l’arrêt, une perceuse est utilisée une demi-heure par an. L’écologie profonde (deep ecology) se montre particulièrement élaborée puisqu’elle pense le rapport de l’Homme à la nature de manière nouvelle et radicale. Si la deep ecology nous choque par ses thèses malthusiennes, pourquoi ne sommes-nous pas alarmés par la situation inverse, c’est-à-dire le détachement radical de l’Homme de la nature, la disparition de la biodiversité et l’organisation d’une vie dans un monde qui lui est parallèle ?
Une société ne peut pas vivre sans liens spirituels, sans valeurs et sans idéaux. La création de richesse n’est plus synonyme de progrès humain. Que transmettent nos élites aujourd’hui à ce sujet ? Rien. C’est finalement le seul défi que nous devons relever. Tous ensemble. Mais aujourd’hui la ressource la plus rare n’est assurément pas le pétrole ou l’eau, c’est tout simplement le temps ; nous devons affronter plusieurs obstacles concentrés dans la même fenêtre temporelle très proche, 2025, 2030, 2035 ? Autant dire rien à l’échelle de l’évolution. »