Selon la place que nous occupons dans la société, le jugement que nous portons sur nos structures politiques, économiques et sociales est plus ou moins critique. Car si le système nous conditionne, il n’existe que par nous, il n’est que la projection, dans la réalité concrète, de ce que nous croyons inéluctable. Comme il est notre propre construction, le mettre en question revient à se mettre soi-même en question alors que toute société n’est que construction arbitraire, provisoire et discutable. Car si quelques droits lui ont été reconnus c’est au sein d’une société actuelle dans laquelle l’homme n’est qu’un agent de production. Si tout individu a le droit de s’épanouir, ce n’est que dans la mesure où son épanouissement sert le système, dans la mesure où il « rapporte ».
C’est pourquoi l’économie est cette prétendue science, aussi élaborée que l’était la médecine du temps de Molière, qui théorise le mode d’enrichissement le plus injuste et le plus malsain, qui justifie par là-même l’ordre sociopolitique national et international que celui-ci implique, et qui enfin, par la théorisation, parvient à faire oublier le caractère arbitraire du fait économique tel qu’il se produit. La science économique est une composante essentielle de l’idéologie qu’il faut abattre, si l’on veut que l’humanité survive à la civilisation techno-économique à laquelle elle est aujourd’hui asservie. Quant à l’économiste, puisqu’il inspire les pouvoirs d’Etat et le Capital, il est un criminel. Ou, s’il n’est un criminel, il est un imbécile. On ne peut à la fois prétendre que le tiers-monde doit essayer de se développer en suivant notre « modèle » (comme l’économiste libéral l’y encourage) et nier la réalité d’une planète détruite par les activités économiques. L’économiste libéral théorise la course à la rareté, provoquée par quelques sociétés qui croient courir vers l’abondance. Une rareté contre laquelle il élaborera encore des « modèles mathématiques de croissance », alors que la vie sur terre est déjà compromise.
En effet l’opulence n’a jamais existé que dans certaines sociétés dites « primitives » dans lesquelles les besoins individuels étaient définis une fois pour toutes, la production ne visant qu’à satisfaire ces besoins limités