L’ouvrage qui trace le mieux les contours de l’utopie écologiste est sans doute le rapport Europe soutenable (désormais nommé RES) réalisé en 1995 par le Wuppertal Institute.
Le RES se donne pour but de décrire une Europe qui aurait renoncé aux ressources épuisables et partagé à égalité les ressources renouvelables. La démarche du RES implique de donner aux ressources le statut de res communis, Ce statut implique que les droits à bénéficier d’un bien soient assorties de limites, c’est-à-dire de devoirs. Ces devoirs sont définis par le nombre de personnes qui bénéficient de ce bien mais aussi par l’exigence de continuité dans la qualité du bien. Si les écosystèmes sont irrémédiablement détériorés, alors ces droits n’auraient plus de sens. L’enjeu est de protéger un ensemble de ressources qu’aucune personne ni aucun peuple particulier d’aucune époque particulière ne peut s’approprier car toute personne, passé, présente et à venir, y a droit. On rejoint les idées anciennes telles que les « communaux » du Moyen Age, qui furent démantelés par les enclosures.
Cette approche ambitionne clairement de limiter la sphère de l’échange marchand, qu’il soit régulé ou auto-organisé. La res communis ne peut être cédée ni nationalisée. Toute personne doit s’efforcer de trouver dans le milieu des biens dont elle peut tirer son mode de vie. Cela comprend un certain nombre de pratiques comme la protection des sources, de la fertilité de la terre, etc. Les moyens sont des éléments matériels, mais aussi l’ensemble des savoirs pour en maintenir la qualité. Celui qui rend à la nature permet aux échanges avec la nature de se perpétuer sous une forme équitable, et donc équilibrée. Donner à la nature, c’est aussi contribuer indirectement à l’équilibre de sa communauté. L’autonomie économique redevient d’actualité sous la forme de la simplicité volontaire et de la décroissance.