La frontière temporelle n’est pas 2100 mais bien plutôt 2030 ! Cette date n’a rien d’arbitraire. En 2030 nous serons sur tous les fronts en situation de krach écologique. Le front de l’énergie est une lame de fond qui peut mettre en panne sèche notre économie, le front climatique poursuit sa dérive lente et inexorable vers un nouvel équilibre parfaitement inconnu. Nous serons en pleine croissance démographique et nous aurons littéralement essoré la planète de toute sa biodiversité.
En 2030 nous serons plus de 7 milliards de bouches à nourrir dont les deux tiers vivent en zone urbaine, sur une Terre saturée de pollutions et de déchets, déjà affectée par une hausse sensible des températures. Avec une concentration actuelle de 385 ppm de CO2, nous sommes pour la première fois depuis 400 000 ans entrés dans l’inconnu puisque cette situation est inédite. Pour contenir le réchauffement de la planète autour de 2°C, la concentration de CO2 devrait être limitée à 450 ppm. Au-delà de ce seuil, on risque un emballement de notre machine climatique. Nous atteindrons ce seuil critique d’ici à 2030. En 2030 nous serons entrés dans une phase de pénurie pour le pétrole et de fortes tensions sur les autres énergies fossiles, dans un contexte d’amenuisement des ressources vivrières et d’appauvrissement des terres cultivées. Nous serons entrés dans une phase de pénurie de l’offre de pétrole. Ni les prix élevés, ni les avancées techniques ne permettront jamais de stopper le déclin et de relancer la croissance de la production une fois le pic pétrolier franchi. Ce pic sera largement atteint bien avant 2030. Le gaz naturel est aussi une ressource non renouvelable qui devrait atteindre son pic de production entre 2030 et 2040. Les problèmes rencontrés dans la gestion de l’eau douce à travers le monde sont d’ores et déjà prévisibles à l’horizon 2030 : sécheresses et inondations, surexploitation des eaux souterraines et de surface, absence de gouvernance de la ressource et abondantes pollutions d’origine agricole, industrielle et domestique. Indirectement le manque d’eau influe également sur l’aridité et la désertification, sur la salinisation des sols et leur érosion, la production agricole ou encore l’exode rural.
Si les Chinois venaient à adopter le mode de vie des Américains, cela conduirait immanquablement à l’horizon 2030 à une catastrophe planétaire environnementale et économique. Si les Chinois utilisaient proportionnellement autant de pétrole en 2030 que les Américains aujourd’hui, leur pays devrait disposer de 99 millions de barils de brut par jour ; la production mondiale quotidienne actuelle avoisine les 79 millions de barils. En raison de trois voitures pour quatre habitants en ce moment aux Etats-Unis, la possession d’un véhicule privé conduirait le parc automobile chinois à plus d’1,1 milliard d’unité en 2030. E si tous les Chinois se mettaient à consommer en 2030 autant que les Américains aujourd’hui, la seule consommation de céréales par personne passera de 291 kilos à 935 kilos par an. Cela équivaudra pour l’ensemble de la Chine aux deux tiers de la récolte mondiale de 2004. Si en 2030 les Chinois consommaient autant de viande que les Américains aujourd’hui, cela représenterait les 4/5 de la production mondiale actuelle de viande.
En 2030, l’homme détiendra une puissance de feu technologique inégalée pour prendre en main son évolution pour le meilleur et pour le pire. en 2030, l’Homme a rendez-vous avec la Terre, pour de bon. Pourvu que ce ne soit pas des noces funèbres. A l’horizon 2030, la Terre nourricière, notre Mère Nature, sera devenue pour l’Homme une véritable Marâtre.
(Geneviève Ferone, 2030 le KRACH écologique)