Nous avons l'an dernier montré l'inanité des Jeux Olympiques, nous nous attachons dans ce numéro spécial au Mondial des footeux. Tout nous ramène dans ces grandes messes planétaires à des histoires de nationalisme et de fric : rien de bon pour la santé de la biosphère. Dans un monde qui voit ses ressources diminuer de plus en plus rapidement, il faut se poser la question de l’existence de tout ce qui est superflu, donc de la société du spectacle qui déplace internationalement les foules pour des raisons futiles.
LE MONDE consacrait chaque jour plusieurs pages à ce fait divers qu’on appelle Mondial, mettant en jeu toutes ses forces : journalistes et spécialistes, grands reportages, communication participative, direct, couverture multimédias. On accorde à un évènement ponctuel et fugace une importance démesurée. On glorifie des épopées à relent nationaliste, la fièvre bleue par exemple, au détriment des sujets de fond. Car accorder ses colonnes à une emprise commerciale bâtie autour du ballon rond empêche pour partie la réflexion de fond de nos citoyens. Un journal de référence devrait adapter la longueur de ses colonnes à l'importance réelle des événements : quelques lignes chaque jour pendant le mondial de foot (ou même rien), un long article de fond (ou même plusieurs) chaque jour de l'année pour un réchauffement climatique dont les effets sont planétaires et dureront bien plus du siècle.
Voici ci-après une synthèse décrivant tout le mal que nous pensons du Mondial de football.
1/3) Une analyse globale du sport avec Jean-Marie Brohm
(On hait les champions ! Contre l’idéologie sportive)
Les philosophes de l’école de Francfort avaient soutenu que le capitalisme produit des modes de comportements compétitifs, dont le sport est le modèle paradigmatique. En septembre 1968, on a sorti un numéro spécial de la revue Partisans, « Sport, culture et répression ». On expliquait que le sport est une structure politique d’encadrement des masses, et notamment de la jeunesse, un moyen de contrôle social que le fascisme a porté à son comble. On s’est heurté à la fois au parti communiste, qui défendait le sport dit socialiste, et à la bourgeoise gaulliste, qui souhaitait produire des champions. Le sport est une superstructure idéologique, pour parler comme Marx, qui a pour fonction de reproduire les rapports de production, de conformer les gens à la compétition de tous contre tous, à la servilité, l’aliénation et l’acclamation des héros. Le sport a la vertu de dissimuler sous son côté anodin, bon enfant, populiste, ses fonctions politiques réactionnaires. Le sport est un phénomène de manipulation de masse utilisé par la télé, la publicité, le discours politique.
Le sport est la compétition institutionnellement réglée dans le cadre de fédérations, de clubs ; c’est une institution de la compétition généralisée, au niveau local, national et international, avec ses règlements, ses techniques codifiées, ses contraintes bureaucratiques. Lorsque tu as dix ans et que tu entres dans un club, tu passes d’un échelon à un autre dans un système hiérarchisé dont l’objectif et de produire des champions d’Etat ou des mercenaires sponsorisés. Cela n’a rien à avoir avec la possibilité que nous avons de nager, de nous balader dans la nature ou de jouer au ballon sur la plage.
La quasi-totalité de la gauche politique pense que le capitalisme a détourné le sport mais que, dans son essence, il serait pur, éducatif et sain. C’est une mystification absolue. Les excès du sport sont la nature même du sport. Le sport rouge était lié à l’appareil d’Etat soviétique. Le sport « travailliste » prétendait faire un sport différent, ouvrier, associatif. C’est du flan. Ils font des compétitions comme les autres avec des arbitres, les mêmes règles sportives, et tôt ou tard les gens se foutent sur la gueule. C’est toujours la violence de la compétition qui s’impose. D’autant que les enjeux financiers accroissent cette violence : « Il faut absolument gagner ». Cet impératif, lié aux cadences infernales, conduit au dopage et aux manipulations génétiques.
Comment des militants peuvent-ils oublier que le sport a un effet politique massif de diversion, d’illusion et d’abrutissement de la classe ouvrière, C’est une manière de redoubler l’aliénation capitaliste. La corruption gangrène le football professionnel, des matchs sont truqués à travers des mafias qui organisent des paris clandestins, etc. Les supporters le savent, mais ils ne veulent pas briser le rêve. C’est très exactement ce qu’on appelle l’aliénation, ce qu’Engels a appelé la fausse conscience : la conscience d’un monde qui fait croire mensongèrement que le football, c’est du jeu, la liberté, la culture… Mais l’ethnologie montre que celui qui critique les mythes est banni, car ceux-ci permettent de renforcer la cohésion sociale.
Editions de l’échappée 2010, Divertir pour dominer (la culture des masse contre les peuples)
2/3) un numéro spécial sur le Mondial
(Football, la colonisation du monde par collectif)
Ce nouveau numéro de Quel sport ? entend résister à la misère culturelle du football et de sa tyrannie idéologique. Avant la mascarade de l'Euro 2016 en France, il y a d'abord la déferlante du Mundial au Brésil. L'« événement planétaire » de la FIFA au pays de la « religion du foot » est attendu comme le messie par le dévot François Hollande, au plus bas dans les sondages. En somme, selon un mécanisme qui a été éprouvé par tous les régimes totalitaires, toute la Hollandie cherche à se réconcilier avec le peuple en utilisant l'effet « soupape d'échappement » du Mundial. L'espoir que le foot redevienne un jeu – ce qu’il n'a d'ailleurs jamais été - est en réalité la laisse de la soumission au football capitaliste, avec ses clubs cotés en bourse, ses spectacles sponsorisés pas les multinationales, ses pratiques illégales (dopage, évasion fiscale) et ses panneaux publicitaires. Le football est une multinationale comme une autre, qui participe au même titre que Coca-Cola ou Mc Donald's à la reproduction élargie du capital, à la stabilisation des régimes politiques et à la crétinisation consumériste des masses.
Le football peut encore faire diversion, mais il fait de moins en moins illusion. La priorité accordée par l'Etat à des investissements somptuaires dans des stades qui creusent les déficits publics ne suffit plus à anesthésier les injustices, ni à masquer le caractère de plus en plus obscène de la planète foot. C'est la raison pour laquelle nous appelons dès maintenant à boycotter le Mondial 2018 que la FIFA a attribué à la Russie.
(Quel sport ? n° 25-26, juin 2014)
3/3) sur notre blog Biosphere
- le Mondial 2014
14 juillet 2014 Mondial de foot, gabegie et inutilité se terminent enfin
... Après un mois de péripéties sans intérêt, le Mondial de foot est enfin terminé.LE MONDE, autrefois quotidien de référence, commet un édito débile célébrant les côtés positifs et bénéfiques de la fatuité, de la gabegie et de l'inutilité. Après que la Fifa ait imposé ses règles afin d'engranger des dividendes indus et qu'on expulse par milliers les gens de chez eux, ou qu'on pose un cache pour que le Brésil n'exhibe pas sa pauvreté... Mais le comble de l'absurde est atteint en Allemagne. L'entraîneur Joachim Löw s'épanchait après la victoire de son équipe en finale : « Ce profond sentiment de bonheur est éternel... » Le site du Bild. « Merci, Jogi (Löw) ! Merci les garçons ! Vous nous avez rendus infiniment heureux ». L'éternité et l'infini, les attributs de l'univers pour un simple match de foot, l'un parmi les innombrables matchs de foot qui se jouent chaque année dans le monde ! Si les supporters mettaient autant d'enthousiasme que les pantins médiatisés de la FIFA pour essayer d'agir contre les émissions de gaz à effet de serre, la fonte des glaciers pourrait peut-être s'enrayer...
7 juillet 2014 Le football (la FIFA), une multinationale comme une autre
… Les statuts de la FIFA stipulent que chaque pays ne peut être représenté que par une seule fédération. Le foot, vécu de manière très diversifié par les peuples, tombe sous les lois monopolistes. Les Indiens Morès en Amazonie jouent aussi au foot. Mais le joueur qui marque change automatiquement d’équipe. Ainsi ceux qui gagnent se dégarnissent et ceux qui perdent se renforcent. Le score s’équilibre de lui-même… Les écologistes rêvent d’un jeu à la manière des Indiens Morès, chacun jouant à la balle à sa façon particulière et de façon locale. Les multinationales, qu’elles soient industrielles ou commerciales, football compris, sont issues de la révolution industrielle et mourront avec l’effondrement de cette civilisation.
5 juillet 2014 : Match de foot France/Allemagne, on s’en fout complètement
… Un événement chasse l'autre, le Mondial de football commence juste à disparaître que déjà le Tour de France à vélo pointe son nez dans les médias. Ainsi va la société du spectacle que nous dénonçons régulièrement dans nos articles… Que la France se qualifie ou non pour les demi-finales du Mondial 2014 était donc le cadet de nos soucis.
20 juin 2014 : Peut-on être écologiste et aimer le foot ? Certes non
… Dans quelle mesure peut-on aimer le foot ? Pourquoi tant d’attention envers ces gamins attardés qui courent derrière un ballon ? Les écologistes véritables condamnent tout ce qui est aliénation de la pensée et de l’acte : pourquoi des stades, ces grands projets inutiles, alors que la marche et la course à pied (avec ou sans ballon) peuvent se faire sans béton ni spectateurs…
11 juin 2014 : Mondial 2014, le football va-t-il quitter les stades ?
… Le coup d’envoi de la Coupe du monde de foot sera donné le 12 juin à Sao Paulo. Mais jamais dans l’histoire du Brésil une vague de mécontentement ne s’était exprimée avec une telle ampleur : près de 40 % des Brésiliens interrogés se disaient opposés à la tenue de l’événement. Les manifestations que n’en finissent pas de traverser tout le pays ont contribué à asseoir l’idée que la Coupe du monde est bien le symbole de la gabegie des deniers de l’Etat...
- le Mondial 2010
28 juin 2010 : Surinformés et désinformés, donc infantilisés
... Nos sociétés occidentalisées sont à la fois surinformées, sous-informées et désinformées. La coupe du monde 2010, qui n’apporte pourtant aucune information véritable, prend plusieurs pages et souvent les grands titres, même dans Le Monde. Cette prédominance du sport-spectacle, le foot un jour, le tennis le lendemain et la F1 entre-temps est renforcée par la main-mise de la culture de masse sur les informations...
18 juin 2010 : Le Mondial fait grossir
… Pour savoir ce qui compte vraiment dans ce Mondial, il faut vraiment chercher. Ainsi nous apprenons que les nutritionnistes donnent un carton rouge à la FIFA. Le fonds mondial de recherche sur le cancer accuse la Fédération internationale de football d’avoir mal choisi ses sponsors qui « vendent des produits malsains : Coca Cola, McDonald’s ou les bières Budweiser ». Ces firmes ont le droit d’afficher leurs publicités sur tous les sites du Mondial alors qu’elles encouragent le surpoids... Et pendant qu’on amuse les voyeurs du ballon rond, la planète crève sous le poids de la dilapidation des ressources naturelles par les firmes multinationales.
15 juin 2010 : Le Mondial des gogos
… Nous sommes inquiets, le virus se répand encore plus vite que celui de la grippe A. Déjà 26 milliards de Terriens (audience cumulée des retransmissions télévisées) intoxiqués en 2006 en Allemagne, combien pour le Mondial 2010 en Afrique du Sud ? Les Terriens n’éprouvent pas le besoin d’aimer le foot, mais les chaînes de télé et les puissances d’argent arrivent à les convaincre d’aduler le foot. Depuis 1998, les droits télévisés ont quasiment décuplé pour atteindre cette année un pactole estimé à 1,4 milliards d’euros. Comme la société de croissance arrive aux bouts de ses possibilités étant donné l’épuisement des ressources de la planète, il lui faut trouver une alternative, il lui faut amuser le peuple, le divertir pour continuer à le dominer...
Si les médias, les politiques et les Terriens avaient prêté autant d’attention au réchauffement climatique qu’au Mondial de foot, le sommet de Copenhague aurait été un franc succès. Mais le capitalisme libéral préfère que les humains s’intéressent au foot-spectacle plutôt qu’à leurs conditions de vie présentes et futures !
- le Mondial 2006 dans nos archives : Football, vitrine publicitaire
Pour les médias français, il n’existe pratiquement qu’un seul sport, le football (accessoirement le tennis). Deux mois avant la coupe du monde qui va débuter le 9 juin 2006 en Allemagne, le coup d’envoi de la vague publicitaire était déjà donné. Bien entendu l’agence média estime dès à présent que les retombées pourraient atteindre près de 800 millions d’euros, les équipementiers restant en première ligne, Adidas, Nike, Puma. Coca-Cola n’est pas en reste ainsi que Mastercard. L’assureur Generali veut profiter de l’occasion et au globe terrestre qui lui sert de logo se substitue un ballon rond, dans la main de Zinédine Zidane ; il est vrai que l’assureur prétend organiser une campagne « environnementale ».
La Biosphère constate qu’il y a une sorte de symbiose entre les amateurs de sport en chambre et les médias qui leur servent la soupe. Les humains croient qu’ils sont libres alors qu’ils sont programmés par l’industrie du spectacle à oublier qu’ils ont un cerveau. Comment redonner le goût de la Nature à des individus qui vont préférer rester leurs soirées, leurs samedis et leurs dimanches devant leur écran télé plutôt que de s’activer physiquement à l’extérieur de leurs linceuls ?