Ce livre est dans la lignée des analyses d’Ivan Illich et de Hans Jonas. Une première version de ce texte à été présentée à la séance inaugurale du séminaire « risques » organisée en 2001 par le Commissariat général du Plan.
Le monde moderne est né sur les décombres des systèmes symboliques traditionnels, en qui il n’a su voir que de l’irrationnel et de l’arbitraire. Dans son entreprise de démystification, il n’a pas compris que ces systèmes impliquaient que des limites soient fixées à la condition humaine, tout en leur donnant sens. En remplaçant le sacré par la raison et la science, il a perdu tout sens des limites, et, par là même, c’est le sens qu’il a sacrifié.
Le malheur est notre destin, mais un destin qui n’est tel que parce que les hommes n’y reconnaissent pas les conséquences de leurs actes. C’est surtout un destin que nous pouvons choisir d’éloigner de nous. La métaphysique que je propose consiste à se projeter dans l’après-catastrophe ; je défends la thèse que l’obstacle majeur à un sursaut devant les menaces qui pèsent sur l’avenir de l’humanité est d’ordre conceptuel.. Les prophètes de malheur annoncent la catastrophe, mais quelle est l’objectivité de la prophétie étant entendu qu’il n’y a pas d’effet causal de l’avenir sur le passé ? L’heuristique de la peur, ce n’est pas de se laisser emporter par un flot de sentiments en abdiquant la raison ; c’est faire preuve d’une peur simulée, le révélateur de ce qui a pour nous valeur incomparable. Hans Jonas écrit dans Le Principe Responsabilité : « La peur qui fait essentiellement partie de la responsabilité n’est pas celle qui déconseille d’agir, mais celle qui invite à agir ». Le débat démocratique au sujet des nouvelles menaces va porter de plus en plus sur les limites que les sociétés industrielles vont devoir s’imposer à elles-mêmes, en coordination les unes avec les autres, ou bien c’est un écofascisme terrifiant qui risque d’imposer sa loi à la planète.