La thèse centrale de ce livre est que le niveau de vie occidental n’est pas universalisable ni, par conséquent, juste. La justice ne doit pas uniquement s’appliquer aux membres d’une même culture : elle doit être étendue vers l’avant et vers l’arrière dans l’espace et dans le temps, se préoccuper de ce qui la précède – la nature, les cultures archaïques – autant que des générations futures.
Or l’universalisation du niveau de vie occidental est un processus qui ruinerait écologiquement la Terre. De ce constat suit, en vertu de l’impératif catégorique, un principe simple selon lequel le niveau de vie occidental n’est pas moral. Si tous les habitants de cette planète gaspillaient autant d’énergie, produisaient autant de déchets, rejetaient autant de produits toxiques dans l’atmosphère que les populations des pays riches, les catastrophes naturelles vers lesquelles nous nous dirigeons auraient déjà eu lieu. Il paraît insensé que les pays dont l’économie était planifiée aient adopté le système social occidental sans songer à le corriger. S’approprier un tel système revient à s’exposer prochainement à un nouveau séisme d’amplitude encore plus grande que celui de 1989.
La conservation des fondements naturels de la vie doit constituer une des fonctions principales de l’Etat. Plus tôt nous prendrons des mesures face aux menaces du XXIe siècle, moins le risque sera grand de voir l’Etat sombrer dans un état d’exception. L’apparition de catastrophes sociales d’une ampleur redoutable a toujours été dévastatrice sur le plan démocratique. Certains contemporains bien-pensants choisissent le beau rôle lorsqu’ils se contentent, en guise de contribution à la résolution du problème environnemental, d’agiter le spectre de la « dictature écologique ». Il est certain que cela serait un malheur terrible, mais on peut être sûr d’y être exposé si la démocratie ne se donne pas les moyens de résoudre elle-même le problème écologique.