Ma pratique de la simplicité volontaire
La manière dont personnellement je vis et consomme a des répercussions tant sur la vie des autres personnes que sur celle des non-humains et des générations futures.
Selon la doctrine keynésienne (dans son livre de 1936), il fallait consommer toujours plus pour échapper à une grande crise comme celle de 1929 : ainsi on lutterait contre l’équilibre de sous-emploi (le chômage structurel). Ford avait déjà mis en pratique la consommation de masse avec la Ford T. Aujourd’hui la croissance de la consommation est devenue une fin en soi, sans souci de l’avenir ni du respect de la biodiversité.
La simplicité volontaire est une tentative d’enrayer ce mécanisme keynésien (et fordiste). Cela consiste à choisir un autre mode de vie que celui de la société de consommation et du spectacle. Contre le gaspillage des ressources fossiles, il s’agit de cultiver la sobriété énergétique, contre la dictature des objets, il s’agit de privilégier les relations directes avec les autres humains tout autant qu’avec la Nature. Le bonheur n’est pas dans le système marchand.
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Je suis né en 1947. En ce temps-là du début des Trente Glorieuses, les casseroles s’achetaient encore avec des tickets de rationnement et on prenait la vie comme elle venait. Il n’y avait pas de préoccupation écologique, juste le souci de reconstruire après-guerre une société encore traditionnelle. Je suis donc personnellement préparé à vivre de peu. Depuis qu’il m’en souvient j’ai toujours vécu le plus simplement possible. Je suis un enfant d’après-guerre, élevé dans un contexte de pénurie, avec un père artisan–tailleur qui avait des mortes saisons, sans beaucoup de client. Il fallait faire attention à tout, je faisais au minimum. Je voulais faire du piano dès le plus jeune âge, j’ai attendu mes 17 ans pour en avoir un. Je n’ai jamais souffert du manque, nous étions élevés à ne recevoir de l’argent de poche qu’en échange de notre travail… manuel. Il n’y avait pas de télévision, pas de téléphone accessible aux enfants du foyer, bien sûr ni ordinateur ni téléphone portable. C’était le bon temps, je ne me suis jamais ennuyé.
Aujourd’hui, dans une société de surconsommation, nous devons nous entraîner à vivre de peu, à vivre comme un Amish, la religion en moins. Arne Naess écrivait dans Ecologie, communauté et style de vie : « En définitive, toutes nos actions et toutes nos pensées, même les plus privées, ont une importance politique. Si j’utilise une feuille de thé, un peu de sucre et de l’eau bouillante, puis que j’en bois le produit, je soutiens le prix du thé et du sucre et, plus indirectement, j’interfère dans les conditions de travail au sein des plantations de sucre et de thé dans les pays en voie de développement. Pour chauffer l’eau, j’ai probablement utilisé du bois ou de l’électricité ou un autre type d’énergie, et ce faisant, je prends part à la grande controverse concernant l’utilisation de l’énergie. J’utilise de l’eau et prends aussi part à une myriade de problèmes politiquement brûlants qui concernent les réserves d’eau. J’ai donc une influence politique quotidienne. Je peux par exemple penser que les pays en voie de développement ne doivent pas exporter le thé, mais plutôt produire plus de nourriture… »
Dans les années 1970, j’adhère à la philosophie de la non-violence puisque je deviens objecteur de conscience. Je suis interpellé par le raisonnement de Gandhi: « La civilisation au vrai sens du mot, ne consiste pas à multiplier les besoins mais à les réduire volontairement, délibérément. Même à l’ashram, nous possédons beaucoup de choses dont on ne saurait prouver la nécessité et ainsi nous soumettons notre prochain à la tentation de voler. Il faut nous rappeler que la non-possession est un principe applicable aussi bien aux pensées qu’aux choses. Celui qui emplit son cerveau de connaissances inutiles viole ce principe inestimable. » Mais je prends en même temps mes distances car l’humilité ne peut être une règle en soi, elle ne se prête guère à ce qu’on la pratique volontairement (notule du 27 décembre 1970) dans une société d’abondance. D’où l’impasse dans laquelle s’engage notre société consumériste, la pression du confort dont nous aurons tant de mal à sortir.
Selon l’anthropologue Margaret Mead, nous sommes passés d’une société post-figurative où l’idéal est de suivre l’exemple des ancêtres à une co-figurative où les modèles culturels sont pris parmi les contemporains : la vedette, le héros. Cependant l’adulte y est encore considéré comme un modèle. Nous assistons à la fin de cette époque. Nous entrons dans une troisième période, qui sera pré-figurative. Les adultes ne gouvernent plus rien parce que le monde où ils vivent leur est inconnu. Il s’établit un dialogue continu jeunes-adultes pour aller en direction d’autre chose d’indéfinissable. J’écrivais le 6 janvier 1971 : « Les adultes doivent savoir qu’ils ne se sentiront plus tout à fait chez eux dans un monde qui sera de plus en plus soumis aux valeurs et aux opinions de la jeunesse. » Nous avons connu par la suite le dérapage qui a transformé les enfants en prescripteurs de dépenses… enfants victimes en réalité du système marchand ! Alors pourquoi pratiquer la simplicité volontaire quand le monde entier se jette dans une frénésie productiviste et une boulimie d’achats ? Je prends plus d’assurance dans mes convictions, guidé par ma tendance à être à contre-courant. Je fais mienne la devise, quand la majorité a tort, c’est une minorité qui montre le chemin de l’avenir. Plus tard tout le monde suivra le même chemin si les conditions s’y prêtent. Peu importe dorénavant pour moi le résultat puisque le chemin que je trace est celui que je le pense juste. Je suis bien conscient de n’être qu’une goutte d’eau au milieu de plus de six milliards d’humains ; mais un océan n’existe que par ses gouttes d’eau.
La simplicité volontaire se voit déjà à des signes extérieurs. J’ai gardé la barbe très tôt. Je trouvais cela naturel, ça pousse, c’est bien. J’avais aussi des motivations familiales : ma barbe et mes cheveux longs ne plaisaient pas à mes parents. Plus tard, j’ai appris les raisons profondes de ne pas se raser. Pour les garçons la transformation du duvet en barbe révèle la fin de l’adolescence et l’identité masculine, un véritable ancrage dans une spécificité corporelle. Il faut garder son identité, il ne faut pas se raser. Or les garçons sont victimes d’une instrumentalisation : le poil est devenu le cœur d’une nouvelle cible, à des fins mercantiles. On a inventé les rasoirs mécaniques ou électriques, bravo les ingénieurs au service du profit ! Comme l’exprimera Georgescu-Roegen, « Il faut nous guérir du circumdrome du rasoir électrique, qui consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini… Il est important que les consommateurs se rééduquent eux-mêmes dans le mépris de la mode. » La femme se veut moderne, elle enlève ses poils. D’abord elles ôtèrent les poils du mollet, c’était dans les années 1920 avec les robes courtes et les premiers bains de mer. Et puis les maillots couvrant de moins en moins de chair, ce fut l’épilation de la jambe entière et même des poils du pubis qui ne pouvaient dépasser. Aujourd’hui les jeunes filles deviennent adeptes de l’épilation intégrale. Mais pourquoi se raser ? Celles qui se dénudaient à Woodstock étaient à l’aise dans tous leurs poils.
Dès que j’ai eu mon propre logement, j’ai fabriqué mon lit avec un châlit de bois brut ; une caisse en carton servait de table de nuit. J’utilise depuis 1975 la bibliothèque que j’ai confectionnée en clouant quelques planches. Elle me sert toujours aujourd’hui, contenant uniquement des livres contenant tous mes livres centrés sur l’écologie qui se sont substitués aux manuels d’économique, de sociologie, de politique. Je monte et descend les escaliers au lieu d’emprunter escalators et ascenseurs, j’allume une seule lampe à la fois pour l’éteindre dès que possible, je minimise l’usage des appareils électriques, j’ai toujours choisi de me domicilier près de mon lieu de travail pour y aller à pied, j’ai arrêté de lire romans et fariboles, je suis sur le chemin du renoncement. Je mange moins de viande et je mange moins, je diminue une consommation de vin qui ne sert à rien, je refuse le portable et la carte bancaire, je ne pars plus en avion et limite mes excursions, je commence à écrire au crayon à papier pour peser le moins possible sur la planète, etc. Le chemin du renoncement est un parcours difficile car il n’a comme limites que les limites de ma force intérieure.
Il n’y a pas de modèle d’existence en soi, je pourrais vivre comme Diogène, dans son tonneau. Ce "Socrate en délire", comme le surnommait Platon, marchait pieds nus en toute saison, dormait sous les portiques des temples et avait pour habituelle demeure un tonneau. Il dit un jour en abandonnant son écuelle : « Cet enfant qui boit dans le creux de sa main, m'apprend que je conserve encore du superflu ». Ce philosophe pratiquant (ce qui est une rareté) voulait renverser les valeurs dominantes pour transformer la prétention humaine en humilité. Il justifiait sa conduite en affirmant que les hommes s'imposent des efforts démesurés en oubliant de vivre simplement et sainement selon la nature. Ayant vu un jour une souris qui courait sans se soucier de trouver un gîte, sans crainte de l'obscurité, et sans aucun désir de tout ce qui rend la vie agréable, il la prit pour référence. Selon sa conception de l’existence, l’animal qui ne se crée pas de besoins serait supérieur à l’homme prisonnier de ses désirs et de ses angoisses. Le bonheur résiderait dans la simplicité totale et l’autarcie, se suffire à soi-même.
Si tout le monde voulait imiter Diogène, même un tout petit peu, la Biosphère s’en porterait bien mieux. Il faut sortir de la surconsommation non seulement pour des raisons philosophiques, mais aussi pour faire face à la pénurie croissante de ressources naturelles. Aujourd’hui la simplification du mode de vie commence à se répandre, ce n’est plus une attitude réservée à des marginaux. Le mensuel La décroissance présente à chaque fois un témoignage d’expérience vécue dans la simplicité volontaire. Dans un numéro, il s’agit de Laetitia et Alessandro qui cultivent leur potager. Alors qu’avant ils mangeaient de la viande à tous les repas, ils n’en achètent plus. Ils n’ont pas de voiture et mangent bio le plus souvent possible. Mais comme personne n’est parfait, ils vont souvent au cinéma. Ils se définissent comme des déserteurs du travail qui se contentent du RMI. Même LE MONDE consacre parfois une rubrique à ces sentinelles de l’avenir. Toute une page le 17 décembre 2008 pour Joan Pick, dont l’objectif depuis 1973 est « zéro carbone » : pas de voiture bien sûr, mais aussi pas de réfrigérateur, pas de chauffage, pas de télévision, ni même de douche. Noix et germes de blé forment l’essentiel de son alimentation. Joan va beaucoup plus loin que moi dans la voie du renoncement.
Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement depuis 2006, estime que la crise offre l’occasion de décarboner l’économie : « Des études ont montré qu’un climatiseur standard en Floride émettait autant de CO2 qu’un Cambodgien pendant toute sa vie. Cette consommation-là, je ne peux la soutenir ». Il ajoute : « Notre objectif doit être de réduire notre empreinte écologique » Il prend comme exemple les Japonais qui envisagent une économie des 3R dans laquelle les matières premières sont utilisées en quantité « Réduite, Réutilisées ou Recyclées » (LE MONDE du 17 février 2009). Mais les R peuvent être innombrables. Dans Petit traité de la décroissance sereine, Serge Latouche présentait un programme en 5R pour les pays du Sud (Rompre, Renouer, Retrouver, Réintroduire, Récupérer) comme remède à la destruction de l’identité, des savoirs et des savoir-faire des sociétés vernaculaires. Pour le Nord, il en arrivait à un changement de cap basé sur les 8R : Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler. Ces huit objectifs interdépendants sont susceptibles d’enclencher un vertueux de décroissance sereine, conviviale et soutenable. Mais on pourrait allonger la liste des R avec radicaliser, reconvertir, redéfinir, redimensionner, remodeler, repenser, etc. Tous ces R participent tout autant de la révolution que du retour en arrière, du changement radicale de direction que de la répétition.
En fait ces R sont une saine réaction face à la démesure de la société thermo-industrielle, basée sur les SUR : suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surcommunication, surmédicalisation, surendettement, suréquipement… (cf. Jean Paul Besset, Comment ne plus être progressiste…sans devenir réactionnaire, Fayard 2005). Vive les R… Dans un contexte de pénurie globale des ressources naturelles, l’avenir n’est plus dans l’expansion, mais dans son inverse. A la croissance économique doit succéder la décroissance conviviale, à l’effet rebond l’effet débond, à la militarisation la démilitarisation, à la mondialisation la démondialisation, à la pollution des sols et des esprits la dépollution, au populationnisme la dépopulation, à l’urbanisation la désurbanisation, à la voiture pour tous le dévoiturage. Le discours de la classe politique est comme à son habitude en complet décalage avec ce qu’il faudrait vraiment. Qu’on le veille ou non, il faudra bien un jour sortir du culte de la croissance, toujours plus de bagnoles, toujours plus d’avions, toujours plus de yachts, travailler toujours plus pour gagner toujours plus (parfois !). L’utopie socialiste d’une promesse de prospérité partagée est derrière nous car il existe une contradiction fondamentale entre la réalité des limites de la biosphère et le goût du « progrès » sans limites de la gauche en général et du PS en particulier.
Un programme politique pour les présidentielles 2012 devrait combattre âprement les inégalités intra- et internationales tout en prêchant ardemment la sobriété et le rationnement, particulièrement dans les sociétés riches. Il n’en est rien. J’ai écrit cette chronique d’abonné sur lemonde.fr :
La candidate de l’écologie Eva Joly a présenté samedi 11 février sonprojet pour l'élection présidentielle. Si elle reprend l’idée d’une transition écologique, on ne peut pas dire que les remèdes préconisés sont à la mesure de l’urgence : « 160 000 logements sociaux, moratoire sur les augmentations de loyer, économie verte créatrice d’un million d’emplois, retraite à 60 ans sans décote, augmentation de 50 % de tous les minima sociaux… » Eva Joly fait surtout du social, pas tellement de l’écologie. Quel devrait être son programme ?
Ce programme serait conforme à ce qu’on peut attendre d’un état de guerre. Il y a un exemple historique. Après Pearl Harbour, le président Roosevelt annonce le 6 janvier 1942 un arrêt de la production de voitures qui durera jusqu’à la fin 1944. La vente de véhicules à usage privé a été interdite, ainsi que la conduite de loisir. La construction de maisons et d’autoroutes a été stoppée. Les gens se sont rapidement mis à recycler tout ce qui pouvait l’être, avant de se lancer dans l’autoproduction alimentaire dans les « jardins de la victoire ». Aujourd’hui ce n’est pas la guerre entre humains, mais entre les humains et la planète. Voici une version moderne du plan Roosevelt adaptée à l’état d’urgence écologique :
1) sur l’alimentation : inutile de parler de souveraineté alimentaire tant que la nourriture sera issue de l’agroalimentaire mondialisé. Au-delà des objectifs nationaux d’une agriculture bio, le gouvernement soutiendra toutes les tentatives décentralisées d’autonomie agricole, circuits courts, AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), jardins partagés, reconstitution des ceintures maraîchères… Le régime excessivement carné sera modifié. Le lundi végétarien sera imposé dans la restauration collective. La taxe carbone, une des principales mesures mises en place dans le premier budget de notre quinquennat, portera aussi sur les émissions de gaz à effet de serre de l’élevage.
Nous allons promouvoir dans chaque commune et dans chaque territoire la constitution de communautés de résilience. Il s’agit de constituer au niveau local un plan de descente énergétique qui permette de résister aux chocs provoqués par les jumeaux de l’hydrocarbure, le pic pétrolier et le réchauffement climatique. Il s’agit de promouvoir la transition entre une époque d’énergie non renouvelable gaspillée en moins de deux siècles seulement et une période durable où les seules énergies utilisées seront renouvelables.
2) sur les déplacements : inutile de parler de transports en commun tant que la voiture individuelle est généralisée. Notre objectif est d’éradiquer la voiture dans les dix ans qui viennent. Nous promulguerons des mesures progressives qui incitera homo mobilis à changer rapidement de comportement. Dans un premier temps, obligation de ne fabriquer et vendre que des voitures de petite cylindrée. La vitesse de circulation baissera de 10 km/h fin 2012, puis par tranche similaire les années suivantes. La circulation « seul au volant » sera interdite, le covoiturage devenant une pratique généralisée.
Il est bien évident que les quads, bateaux de plaisance à moteurs et autres gadgets motorisés seront interdits de circulation avant 2015. Le moyen idéal de déplacements est la marche et le vélo, la rame et la voile.
3) sur l’habitat : inutile de parler de logements sociaux tant que l’emploi n’est pas fourni en même temps. La population doit apprendre à partager l’espace et l’emploi. Dès le débat du quinquennat, aucun étalement urbain ne sera toléré. Nous devrons nous habituer à des logements moins grands et plus faciles à chauffer. Les grands appartements seront divisés, les résidences secondaires réquisitionnées.
Notre crise économique est structurelle, cachée à l’heure actuelle par le surendettement qui a permis une surconsommation. Une politique de vérité doit dire qu’une grande partie des emplois sont inutiles, parasitaires, voués à disparaître dès l’apparition d’une récession durable. Le nombre d’heures de travail sera revu à la baisse entreprises par entreprises. Il faudra accepter de gagner moins, le niveau de vie moyen en France est largement au-dessus des possibilités de la planète. Les métiers de proximité, la paysannerie et l’artisanat seront les piliers de la société de demain. Etc., etc.
Les Khmers verts au pouvoir ? Non, notre programme est conforme à l’état d’urgence que les écolosceptiques en général et les climatosceptiques en particulier ont préparé par leurs agissements, niant la réalité de la crise écologique. Notre programme explicite clairement une réalité incontournable : nous avons dépassé les limites de la planète et nous avons formaté la population à oublier le sens des limites. La taxe carbone généralisée sera un moyen de retrouver la vérité des prix. La suppression immédiate de toute publicité permettra de redéfinir la réalité de nos besoins.
Un programme politique écologiquement cohérent devrait annoncer la suppression de la publicité. Très tôt, il y a longtemps, je me suis aperçu du matraquage marchand que nous commencions à subir. C’est en juin 1970 que je découvre avec Paul Ehrlich l’influence pernicieuse de la publicité : « On exagère à peine en disant que la publicité vise en premier lieu à créer des besoins irrationnels. Son but secondaire est de supprimer la compétition qualitative en créant des différences illusoires entre produits identiques. Sous l’influence de l’industrie, la publicité a convaincu les Etats-Unis que l’automobile n’était pas un engin de transport mais une espèce de totem sexuel, que le pain blanc est enrichi alors que presque tous les éléments nutritifs ont été enlevés... Le travail aux USA est à 60 % inutile. »
Selon Bilderbach, 18 % du travail américain entre 1960 et 1970 a été consacré à payer les intérêts des achats à crédit, ce qui met l’absurdité à son comble. En effet ce surcroît de travail aboutit à un surplus de production qu’il faudra ensuite éponger et pour cela solliciter le public à acheter encore plus et à s’endetter davantage ! Le marché est livré au seul déterminisme de ses lois propres, la qualité de la vie baisse à mesure que le PNB augmente. Pourtant, pendant mes quatre années en face de sciences économiques de 1967 à 1971, jamais cette problématique n’a été abordée. Nous sommes en 2012 et les mass media fonctionnent encore avec l’argent de la publicité, obligés de créer de toutes pièces un univers illusoire peuplé de mythes aussi dispendieux que nuisibles : plus de voitures, plus de parfums, plus de fringues, plus de marques, plus de vitesse, plus de superficiel. La croissance est une absurdité. Je refuse cette absurdité. Je suis objecteur de croissance comme j’ai été objecteur de conscience.
Pour lire la suite, en choisissant son propre chemin :
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde