Ce livre « Merci la terre, nous sommes tous écologistes » fut écrit en 1989 par Alain Hervé à la demande du ministère de l’Environnement. Il était destiné aux jeunes. Il a été refusé par le ministère de l’Education Nationale. Lionel Jospin était 1er ministre, Claude Allègre directeur de cabinet et Brice Lalonde ministre de l’Environnement. Les 20 000 exemplaires imprimés ont été envoyés au pilon. Voici un résumé :
LE FEU
La matière dont nous sommes composés, les atomes de notre chair étaient déjà présents lors du grand feu initial dans lequel l'univers a pris son premier élan, à l'instant du Big-bang. Sans soleil nous serions plongés dans le froid absolu et l'obscurité. Nous n'existerions pas.
- A LA REFLEXION
• Essayer d'imaginer une vie sans feu.
• Savez-vous allumer un feu ? Sans allumettes, sans papier, sans bois sec, comme nos ancêtres ont dû l'inventer ?
• Restez-vous à contempler la flamme d'un feu de bois ? Qu'y voyez-vous ?
- EN PRATIQUE
• Savoir allumer un feu, c'est bien, savoir l'éteindre, c'est mieux.
• Ne jamais jeter une allumette ou une cigarette encore allumée chez soi, par la fenêtre, ou en forêt…
• Participer au débat politique sur le nucléaire.
L’EAU
75 % de toute l'eau pure du monde est emmagasinée dans les glaciers, lesquels occupent 11 % de la surface des continents.
• Un homme vivant dans la savane utilise 3 l d'eau par jour pour boire et se laver.
• Il en faut cent fois plus (300 l) pour fabriquer un kilo de papier.
• Lorsqu'on prend un bain dans sa baignoire, on consomme en moyenne 200 l d'eau.
- A LA REFLEXION
• D'où vient l'eau que l'on boit ?
• Au restaurant, la bouteille d'eau vaut plus cher que le litre d'essence.
• Penser à l'eau qui court invisible dans les villes. Elle arrive par des conduites qui sont les artères, elle repart par les égouts qui sont les veines. Les villes sont irriguées d'eau comme des êtres vivants le sont de sang. Elles mourraient sans eau.
- EN PRATIQUE
• Goûter de l'eau, la garder dans sa bouche, la sentir descendre dans sa gorge, dans l'estomac…, l'imaginer en train d'irriguer nos cellules.
• Ecouter la pluie tomber, regarder couler les rivières, le brouillard se lever au-dessus d'une mare, la vapeur sortir de la bouilloire, l'eau s'égoutter du linge qui sèche, l'entendre tourbillonner dans la machine à laver, la voir s'élever au-dessus des tours de refroidissement des centrales nucléaires…
L'AIR
LES PRINCIPAUX POLLUANTS DE L'ATMOSPHERE ET LEURS CONSEQUENCES :
• Le dioxyde de soufre, qui provient de la combustion du charbon et du fioul. Chez l'homme, il est le responsable des affections respiratoires l'hiver, en milieu urbain.
• Les oxydes d'azote, qui sont des gaz émis par les automobiles et les installations de combustion (chaudières industrielles, foyers domestiques, centrales thermiques…). Ils entraînent, à fortes doses, des lésions respiratoires.
• Les poussières et fumées noires, provoquées par la circulation automobile et les usines.
• Les hydrocarbures, dus à la combustion incomplète de carburants dans les moteurs et à l'utilisation de solvants.
• Le monoxyde de carbone, qui provient des véhicules à moteur à explosion. Il peut donner des maux de tête, provoquer des vertiges.
• L'acide chlorhydrique, qui résulte de la combustion des ordures.
• Le plomb, contenu dans l'essence des automobiles. Toxique pour le système nerveux des enfants, il peut provoquer de l'anémie.
• Le fluor, émis par les usines de traitement de l'aluminium, et durant la fabrication des engrais et du verre.
• L'hydrogène sulfuré (qui sent l'œuf pourri), lié à la fabrication de la pâte à papier, du raffinage du pétrole…
• L'ozone, qui dans la stratosphère, à 25 km d'altitude, nous protège mais qui, au ras du sol, dans les brouillards oxydants, peut être toxique.
LES PLANTES
Sans plantes, il n'y aurait ni animaux, ni hommes, ni agriculture, ni industrie… Sans plantes, il n'y aurait ni air à respirer, ni céréales, ni légumes, ni fruits, ni viande — les animaux que nous mangeons sont herbivores —, ni lait.
• Observez ces plantes minuscules qui poussent dans les fissures du goudron ou du béton. Si on les laissait faire, en cent ans, elles auraient à nouveau transformé la ville en forêt.
LA BIOSPHERE
Biosphère est un mot abstrait qui désigne le plus concret : le lieu du vivant.
L'homme est un des enfants de la biosphère. Il s'y développe comme les castors, les éléphants, les virus ou les chênes-lièges.
L'homme est un des habitants de la biosphère. Il lui est parfaitement adapté. Il y vit comme l'embryon dans l'utérus.
L'homme est un élément insignifiant de la biosphère.
L'HOMME QUE NOUS SOMMES
A notre mort, nous restituons au fonds commun ces éléments de la matière que nous lui avons empruntés. Dispersés dans la nature, ils participeront à d'autres formes vivantes, tant que la vie existera sur notre planète. Chacun de nous représente un moment d'incarnation de la vie. Notre maison a pour toit le ciel, pour murs l'air tiède et oxygéné, pour plancher les sentiers de la forêt, les plages du bord de mer.
LA CHAINE ALIMENTAIRE
Même si nous mangeons un jour des steaks de protéines de pétrole, ils seront d'origine naturelle. Ce qui veut dire que nous sommes branchés sur un cycle, un cercle. La nature fonctionne par cycles qui sont des boucles fermées, et des circulations obligatoires. Elle réutilise tout.
Elle ignore les lignes droites avec déversement en bout de piste. Elle ne jette rien. Elle ignore le déchet. Ceux qui meurent de faim sont ceux qui ne trouvent pas de place dans la chaîne alimentaire, soit parce qu'ils sont trop nombreux, soit parce que la chaîne est déréglée par un accident, une pollution, un bouleversement climatique ou politique.
L'AGRICULTURE
Devant la boîte de lait, on oublie que le lait est produit par la vache, devant le steak congelé, on oublie le bœuf, devant la bouteille d'huile, on oublie les cacahuètes cultivées en Afrique…
L'INDUSTRIE
Peut-on conjuguer nos connaissances scientifiques et l'expérience multi-millénaire de la nature dans un compromis, une civilisation « techno-naturelle » ?
LES DECHETS
La chasse d'eau fut inventée par un Anglais, en 1775. Ce système, qui est synonyme d'hygiène et de civilisation moderne, n'est cependant pas généralisable, pour deux raisons. D'une part, il coûte trop cher, aucun pays du tiers-monde ne peut l'envisager, sauf pour le centre de sa capitale. D'autre part, il n'y a pas assez d'eau.
Toute l'eau de l'Himalaya ne suffirait pas à emplir les chasses d'eau d'un milliard de Chinois.
DEVELOPPEMENT ET DEMOGRAPHIE
Dans la réalité des faits, malgré les innovations technologiques, les ressources agricoles augmentent plus lentement que la population. A LA REFLEXION, trop de voisins, trop d'hommes trop serrés, et ils en deviennent des ennemis en compétition sur le même territoire. EN PRATIQUE, se souvenir que chaque homme pèse un poids différent sur la planète, selon qu'il consomme ou ne consomme pas, selon qu'il appartient à une communauté riche ou pauvre.
POLITIQUE ET ECOLOGIE
La science de l'environnement, c'est l'écologie. L'écologie, c'est la prise de conscience par les individus de la nécessité, pour l'espèce humaine, de changer de comportement avec la biosphère, sous peine de dégrader irrémédiablement le territoire de la vie. L'écologie est partout : dans la diplomatie (va-t-on exploiter les ressources minières de l'Antarctique ?) ; dans l'agriculture (va-t-on mettre en friche des milliers d'hectares ?) ; dans l'urbanisme (va-t-on créer une ville nouvelle sur des terres à blé ?) ; dans la santé et le commerce (va-t-on interdire l'importation d'un animal vecteur de maladie, ou d'une denrée jugée malsaine ?) ; dans la science (va-t-on contrôler le développement de la recherche sur les fœtus humains ?)… L'écologie veut rendre l'homme responsable, et adulte. Si l'écologie donne la priorité absolue à toutes les formes de vie, et pas seulement à la vie humaine, c'est parce que l'on a appris que toute vie est interdépendante des autres formes de vie.
Dans le temple de Daisen-In, à Kyoto (Japon), les préceptes de longue vie zen sont inscrits sur un petit panneau :
• Peu de viande, beaucoup de légumes.
• Peu de nourriture, beaucoup de mastication.
• Peu de soucis, beaucoup de sommeil.
• Peu de colère, beaucoup de rire.
• Peu de paroles, beaucoup d'action.
• Peu de besoins, beaucoup de dons.
• Peu d'automobiles, beaucoup de marche…
DECLARATION DES DROITS DES HOMMES, DES ANIMAUX ET DES PLANTES
Considérant qu'aucune espèce vivante ne dispose de droits particuliers sur les autres espèces, on pourrait réfléchir à une déclaration de ce genre :
Article 1. Les hommes, les animaux et les plantes jouissent à égalité des droits et des privilèges de la communauté vivante.
Article 9. Chaque espèce vivante a droit à l'existence et aucune espèce vivante n'a le droit d'en mener une autre à l'extinction.
conclusion
Nous sommes arrivés au point où, par notre inventivité, notre industrie, par notre nombre, nous commençons de perturber le fonctionnement de la nature et de la vie. Alors il faut regarder avec de nouveaux yeux, comme des hommes qui progressent dans le domaine de la connaissance, mais doivent encore acquérir la sagesse.
(éditions Sang de la Terre)