Eric Lambin est professeur sur les interactions ente l’homme et son environnement à l’université de Louvain. Son ouvrage très technique nous donne plein d’information, mais se situe plutôt du côté de l’improbable développement durable (un oxymore) plutôt que de la décroissance choisie, seule solution. On trouve même des trucs complètement irréalistes : « Dans quelques décennies, l’hélicoptère personnel pourrait devenir la manière par laquelle le besoin de déplacement sera satisfait. » Voici deux études de cas utilisables tirés du livre, le DDT et l’Irlande.
Le DDT et le paludisme
En 1939, des scientifiques ont inventé le DDT, un insecticide efficace contre les moustiques vecteurs du paludisme et facile à produire. Des campagnes, soutenues par l’Organisation mondiale de la santé, ont débuté dans les années cinquante et le paludisme avait presque disparu à la fin des années 1960. Mais certains moustiques ont bénéficié d’une mutation génétique qui les rend insensible au DDT, ils se multiplient. D’autre part les moustiques ont adapté leur comportement en choisissant non plus les murs des maisons où ils se posaient, imprégnés de DDT, pour la végétation environnante plus difficile à traiter. Le paludisme affecte aujourd’hui autour de 400 millions de personnes chaque année et la persistance du DDT dans la chaîne alimentaire a finalement entraîné son interdiction dans de nombreux pays dès les années 1970.
Dans la phase suivante de co-évolution, l’homme a de nouveau adapté ses stratégies de lutte contre le paludisme pour répondre à l’évolution génétique et comportementale des moustiques. L’attaque a cette fois été dirigée conte les parasites qui transmettent la maladie et qui affectent l’homme par le biais de la salive des moustiques, simples vecteurs du parasite. Des médicaments antipaludéens ont été mis au point, tels que la Chroroquine. Là encore le parasite a trouvé la parade en co-évoluant par des mutations génétiques. Alors que la résistance à la Chroroquine n’est apparue qu’après vingt ans d’utilisation à grande échelle du médicament, quelques années ont suffi pour qu’une résistance à des médicaments plus récents apparaisse.
Le mildiou en Irlande
La famine de 1845-1846 en Irlande illustre comment plusieurs facteurs indépendants peuvent provoquer une catastrophe majeure. La population du pays était passée de 0,8 millions d’habitants en 1500 à 8,5 millions en 1846. Une distribution inégale des terres avait conduit à l’adoption de la pomme de terre comme unique aliment de base pour près de la moitié de la population. La pauvreté et la malnutrition étaient répandues et allaient en s’aggravant depuis le milieu du XVIIIe siècle.
En 1845, une épidémie soudaine de mildiou cause la perte d’une partie de la récolte, et de la totalité de la récolte l’année suivante. L’impact humain de cette catastrophe fut exacerbé par les politiques du gouvernement britannique, qui décida de ne pas interférer dans le fonctionnement du marché des produits alimentaires et refusa de distribuer une aide alimentaire subventionnée. Une part importante de la production céréalière d’Irlande, abondante, continua d’être exportée vers l’Angleterre, la population irlandaise n’ayant pas de revenus suffisants pour acheter le grain produit sur son territoire.
Environ un million de personnes moururent de faim ou de maladies liées à la sous-alimentation. Un autre million d’Irlandais immigra cette année-là, puis trois autres millions avant la fin du XIXe siècle, principalement vers les Etats-Unis. Les autres pays européens frappés par le mildiou en 1845 ne connurent pas de telles famines car leur production agricole était plus diversifiée et les politiques moins inadaptées à la situation.
(éditions Le pommier)