éditions ellipses, 162 pages, 10 euros
Ce livre fait un historique de la pensée écologique. Il forme une bonne introduction à l'écologie politique.
1/3) Il montre d'abord que peu d'humains sont clairvoyants, à l'écoute d'un monde futur non dénaturé par les passions humaines. En voici trois exemples :
« La condition la plus méprisable de l'espèce humaine n'est pas celle du sauvage mais celle de ces nations au quart policées qui de tout temps ont été de vrais fléaux de la nature. Ces nations ne font que peser sur le globe sans soulager la terre, l'affamer sans la féconder, détruire sans édifier, tout user sans renouveler » (Buffon, 1778)
« L'homme par son égoïsme trop peu clairvoyant, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot par son insouciance pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à l'anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce. En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité du sol qu'il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance, et fait que de grandes parties du globe, autrefois très fertiles et peu peuplées, sont maintenant nues et stériles, inhabitables et désertes. Négligeant toujours les conseils de l'expérience pour s'abandonner à ses passions, il est perpétuellement en guerre avec ses semblables, et les détruit sous tous prétextes. On dirait que l'homme est destiné à s'exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. » (Lamarck, 1820)
« Les développements de l'humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s'établit entre la terre et les peuples qu'elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s'en repentir. Là où le sol s'est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s'éteignent, les esprits s'appauvrissent, la routine et la servilité s'emparent des âmes. Parmi les causes qui dans l'histoire de l'humanité ont fait disparaître tant de civilisations successives, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitaient la Terre nourricière. En maints endroits, l'homme a transformé sa patrie en désert et l'herbe ne croît plus où il a posé ses pas. » (Elisée Reclus, 1869)
2/3) Il contient quelques tableaux récapitulatifs dont voici un résumé :
- l'écologie politique en France
1973 : première candidature écolo aux législative à Mulhouse
1974 : Présidentielle, René Dumont (1,3 % des suffrages)
1978 : législatives, présence dans 43 % des circonscriptions
1981 : Présidentielle, Brice Lalonde (3,87 %)
1984 : fondation du parti des Verts à Clichy
1985 : cantonales. Les Verts franchissent la barre des 5 % dans 100 cantons sur 170
1988 : présidentielles, Antoine Waechter (3,78 %)
1990 : Brice Lalonde, qui avait appelé à voter Mitterrand en 1988, fonde Génération Ecologie
1995 : présidentielles, Dominique Voynet (3,32 %)
1997 : législatives. L'accord d'union Verts-PS permet pour la première fois l'entrée à l'Assemblée nationales pour 6 députés Verts
2002 : présidentielles, Noël Mamère (5,25 %) et Corinne Lepage (1,9 %)
2007 : présidentielles, Dominique Voynet (1,57 %) José Bové (1,32 %)
2009 : européennes, la liste de rassemblement Europe Écologie frôle les 17 %
2010 (novembre) : création du parti Europe Ecologie – Les Verts (EELV)
- les grandes lois environnementales
1960 : loi instituant les parcs naturels nationaux
1964 : loi sur l'eau (agence de bassin ; principe pollueur-payeur)
1976 : Loi sur la protection de la nature (« Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel »)
2002 : ratification de la convention internationale d'Aarhus (droit d'accès à l'information, et d'action en justice pour les citoyens en matière d'environnement)
2005 : lois constitutionnelle relative à la Charte de l'environnement
2010 : loi portant engagement du Grenelle de l'environnement)
3/3 Il traite en plusieurs endroits de la difficulté de l'écologie de se faire entendre. Par exemple : Les journalistes environnementalistes, du militantisme au conformisme
L'Association des journalistes-écrivains pour la nature et l'écologie (JNE) est fondée en 1969, bien avant la percée médiatique de l'écologie. Les premiers adhérents sont essentiellement des naturalistes et des responsables de rubriques « nature » et « pêche ». Elle était composée de militants journalistes et de journalistes militants. Et puis l'environnement s'est institutionnalisé en tant que spécialité journalistique et sa place dans les rédactions s'est confortée. Mais la plupart des journalistes vivent cette spécialisation comme une étape dans leur carrière plus que comme un engagement personnel au service de la cause écologique. L'information produite a tendance à se formater et surtout à se dépolitiser, se déconflictualiser. D'autant plus que le champ médiatique est subordonné à des logiques commerciales. Aseptisée, information se concentre sur les faits les moins polémiques.
Le processus s'est engagé dès l'élection de Mittterrand en 1981. A l'époque le mensuel Le Sauvage s'arrête quand Claude Perdriel, le patron du Nouvel Observateur, demande à Alain Hervé de soutenir la candidature socialiste alors que la rédaction comptait soutenir le Vert Brice Lalonde. Le processus s'est traduit de manière symptomatique par la création de l'Association des journalistes de l'environnement (AJE) en 1994. On notera la nuance : « de » et non plus « pour » (comme avec les JNE). Et on parle d'environnement (l'homme est central) et non plus de nature (qui existe sans l'homme). Il s'agit explicitement de se défaire de l' étiquette de la militance écologique pour « accéder à la légitimité ».