Cette Revue Critique d’Ecologie Politique s’intéresse principalement, dans son numéro de 2012-2013, à la BD de Philippe Squarzoni, « Saison brune ». Philippe terminait son documentaire en bande dessinée sur le réchauffement climatique de façon pessimiste. Voici quelques éléments de réflexion sur ce pessimisme tirés d’EcoRev’ :
Philippe Squarzoni
Il existe une porte par laquelle passer pour éviter les conséquences les plus graves du changement climatique. Cette porte n’est pas très large, il nous reste peu de temps pour la franchir. Je ne crois pas qu’on la prendra.
Le chemin nécessaire vers la sobriété, je ne crois pas qu’on l’empruntera. En tout cas, pas volontairement. Et pas à temps. Parce que rien ne nous y incite. Au contraire. La crise climatique est encore trop lointaine pour que l’on renonce aujourd’hui à ce qui constitue notre bien-être matériel. Et trop d’intérêts économiques redoutent les mesures qui pourraient être prises. Décideurs politiques, dirigeants d’entreprises, actionnaires de multinationales… leur résistance au changement est énorme. Regardez les réactions effrayantes déclenchées au moment où Obama tente de réformer le système de santé américain. Ou bien quand le gouvernement Hollande propose de taxer les plus riches. Si nous ne sommes pas capables d’accepter de simples réformes comme celles-là, comment pourrions-nous imaginer réaliser cette réforme complète du système économique et social nécessaire pour faire face à la crise climatique ? Quand EDF a racheté toute électricité photovoltaïque à un prix supérieur au marché, certaines personnes ont eu l’idée d’éclairer leurs panneaux solaires la nuit avec des lampes halogènes pour revendre l’électricité à EDF ! Ce genre de choses témoigne d’un cynisme moderne assez désespérant.
Pourtant, cette transformation, nous la ferons un jour. Nous la ferons parce que nous aurons atteint les limites ultimes de nos ressources naturelles. ou parce que le réchauffement aura soudain franchi un seuil, et qu’une cassure climatique brutale nous frappera de plein fouet. Mais nous accomplirons ce changement dans de mauvaises conditions. Mais je peux me tromper…
Jean Jouzel, climatologue
Il faut aller vers une société sobre en carbone puisque 80 % de l’augmentation de l’effet de serre est dû à des émissions de gaz carbonique : 1 milliard de tonnes proviennent de la déforestation et 9 milliards de la combustion, ce qui fait qu’à peu près trois quarts des émissions en 2011 sont dues à notre utilisation du charbon, du pétrole et du gaz.
C’est compliqué d’expliquer à toute une population pourquoi et comment agir sur la période 2013-20120 pour éviter des changements climatiques importants qui n’auront lieu que dans la deuxième partie du XXIe siècle. L’inertie est énorme, il nous faut pourtant agir dès maintenant ! D’un côté les Etats affichent des objectifs qui répondent aux soucis des scientifiques, de l’autre la mise en œuvre et les actions ne sont pas du tout à la hauteur des objectifs.
Dans son livre, Philippe Squarzoni explique très bien que nous sommes face à un gigantesque défi, et il a raison d’être pessimiste.
L’économiste René Passet
C’est dans la sphère naturelle que l’économie trouve ses matières premières et un exutoire pour ses déchets. C’est dans la sphère humaine que se situent les agents économiques et leurs finalités. Or ces deux sphères obéissent à leurs propres lois : faire varier un prix ne modifie pas le cycle du carbone ou de l’eau.
Les mécanismes reproducteurs de la biosphère doivent apparaître comme autant de contraintes délimitant un champ du possible que le développement doit respecter, et à l’intérieur duquel s’inscrit le calcul économique. Si de la cellule à la biosphère, les finalités de tous les sous-systèmes s’articulent de façon cohérente, c’est qu’à leur état normal leurs conduites possibles se limitent à celles-là seules qui n’entravent pas l’émergence des finalités de niveau supérieur auxquelles ils participent. L’économie se situe par exemple au niveau des moyens et la finance n’est qu’un moyen de ce moyen. Que les régulations issues de la logique marchande compromettent celles du milieu naturel et l’effondrement de ce dernier entraînera fatalement celui du sous-système économique.