première édition en 2012, réédition 2013 aux éditons L’Echappée augmentée d’une « Critique de la planification écologique ». (130 page, 9 euros)
Ce livre est contre, contre le Club de Rome, contre Pierre Radanne, contre Brice Lalonde, contre EELV, contre l’Ademe, contre les villes en transition… mais « Tomjo », rédacteur au journal lillois La Brique, n’a aucune contre-proposition sérieuse à offrir. C’est la grande faiblesse de ce brûlot centré sur l’organisation de la conurbation lilloise avant d’aborder le cas Mélenchon. Voici quelque extraits :
1/2) L’enfer vert
Je n’étais pas né quand André Gorz et Bernard Charbonneau nous annonçaient ce que nous voyons arriver :
Michel Bosquet (André Gorz) : « Les limites nécessaires à la préservation de la vie seront calculées et planifiées centralement par des ingénieurs écologistes, et la production programmée d’un milieu de vie optimal sera confiée à des institutions centralisées et à des techniques lourdes. C’est l’option technofasciste, sur la voie de laquelle nous sommes déjà plus qu’à moitié engagés. » (Ecologie et liberté, 1977)
Bernard Charbonneau : « Rien n’ayant jamais été donné pour rien sur terre, si l’homme prétend s’émanciper totalement de la nature, il pourrait bien le payer d’un contrôle social total. Pour contrôler les dangers de moyens de plus en plus puissants et fragiles parce que complexes, gérer un espace et des ressources qui s’épuisent, prévoir et maîtriser les réactions humaines qui empêcheraient de le faire, on est obligé de renforcer l’organisation. Dans le meilleur des cas, l’homme ne se serait dégagé d’une nature totale que pour se livrer à une autre, totalitaire. Ce paradis auquel ne manque que la part de la nature et de la liberté ne peut qu’être un enfer. » (Le Feu vert, 1980)
Crises alimentaires et épidémies, surpopulation, raréfaction des ressources naturelles, pénuries, conflits militaires, croissance des inégalités, ce chaos ne demande qu’à être organisé.
En juin 2009, j’apprends que Lille métropole a dans ses cartons le projet de coller une puce RFID (Radio Frequency identification) aux clients des transports en commun. Il s’agit d’équiper chaque usager d’une « carte de vie quotidienne » dotée d’une puce « sans contact ». Ce projet n’est pas défendu par la droite de la droite, mais par les socio-technocrates du Parti socialiste et les écolo-technocrates d’Europe Ecologie - Les Verts. L’argument gestionnaire recoupe le projet policier. Les fichiers des fraudeurs sont échangés entre partenaires de l’interopérabilité : la SNCF, les Transports urbains du bassin minier, Douai, Valenciennes, Dunkerque. Rappelons que les informations s’échangeaient déjà avec la police nationale, les bailleurs sociaux, les clubs de prévention…
Pour nous faire accepter, si ce n’est désirer, le puçage, le fichage, le profilage et la traçabilité, les élus verts en charge du projet multiplient les opérations de propagande : réunions d’information, groupes de travail, épandage de mensonges dans les médias, publicités… Rappelons que sur l’échelle des nuisances, l’empreinte écologique des métros qui transportent plus vert que vert est aussi lourde que celle de la voiture individuelle.
La Faune, la flore, la nature, ce n’était ni scientifique, ni gérable. Les Verts ont dû rejoindre les rangs des innombrables ingénieurs en biodiversité. L’objectif des écologistes est de repousser toujours plus loin les limites de la quantification, de la comptabilité du monde, et donc de votre soumission aux ingénieurs en qualité de vie. Les grenouilles vertes ont maintenant l’opportunité d’enfler à loisir sous les ors de la République, aux buvettes et restaurants du Sénat et de l’Assemblée nationale. Pour rien au monde Cécile Duflot ne quitterait le gouvernement même si les socialistes criblaient la France de puits d’extraction de gaz de schiste. Les Verts sont des ambitieux qui n’ont jamais milité ailleurs que dans les bureaux de la technocratie. Il s’agit d’une dictature technique au nom de l’urgence écologique. A Lille, le service de collecte des ordures ménagères fouille les poubelles des habitants pour mettre à l’amende les mauvais trieurs.
Au rayon des niaiseries, la « résilience » et la « transition » supplantent le développement durable. Tels des life designers, les promoteurs des villes en transition incitent les petrol addicts à délaisser leur voiture et à manger local. Ils ignorent que la société techno-industrielle est un système ; que nous sommes obligés de prendre notre voiture pour aller travailler ; et presque contraints de consommer des produits qui ont fait le tour de la Terre. De toute façon ce mouvement ne se définit pas comme anticapitaliste. En mai 2010, la revue écolo-bigote Silence consacre au rationnement douze pages intitulées « Villes en transition vers le rationnement ». Douze pages de simplicité autoritaire avec le concours de l’austère député vert Yves Cochet. Voici tout leur imaginaire politique : les files d’attente, les tickets de rationnement et le marché noir. On voit aussi fleurir en France les défis « familles à énergie positive » sous les auspices de l’Ademe.
Précurseurs de la « planification écologique » du Front de gauche, les experts proposent ni plus ni moins que la rationalisation centralisée de la production industrielle et agricole mondiale. Nous avons une contre-proposition, gratuite : en finir avec les éco-techniciens, leurs référentiels, leurs modélisations, leurs appels à projet, leurs projets et laisser faire la nature.
2/2) La planification écologique
Les partisans de la planification se trouvent « naturellement » à la gauche de la gauche. Et plus particulièrement au Front de gauche, lui aussi rallié à la verdeur ambiante. Afin de contrarier la « tyrannie du productivisme », le Front de gauche propose donc la « planification écologique ». Son programme ne porte en fait qu’un énième projet de relance industrielle. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les élus du Front de gauche se lient aux industriels pour réclamer la relance du monstrueux canal Seine-Nord-Europe au prétexte de lutte contre l’austérité. Les élus du Front de gauche de Provence-Alpes-Côte d’Azur soutiennent la construction de la centrale nucléaire ITER de Cadarache. Le Front de gauche est un ardent défenseur de la ligne TGV Lyon-Turin. Le Front de gauche souhaite la maîtrise du secteur de l’énergie en créant un pôle 100 % public comprenant EDF, GDF, Areva et Total. Dans son livre halluciné La Règle verte, Jean-Luc Mélenchon jubile à l’idée de coloniser les fonds marins. Il écrit : « Nous devons réquisitionner les raffineries qui veulent fermer, parce que notre pays a besoin de raffineries, et notamment pour tous les produits de la chaîne chimique. » Mélenchon appuie le redémarrage du site sidérurgique de Florange.
Le Front de gauche prétend intégrer les citoyens aux programmes de recherche et de développement technoscientifique. « Planification citoyenne » : l’expression fait froid dans le dos. A quoi peut bien ressembler un débat démocratique à propos du nucléaire, dans un pays de 65 millions d’habitants dépendants du nucléaire ? Assemblée générale tous les jeudis à 18 h sur Internet ?
Au Front de gauche, « L’écologie n’est pas l’ennemie du redéploiement industriel, c’est tout le contraire. » Si l’Enfer vert des écologistes est un contrôle des comportements liés à une rationalisation technologique, celui des écosocialistes est une économie dirigiste avec un vernis écologique. Les Rouges à pois verts et les Verts à carreaux rouges relèvent du même musée des horreurs chimériques dont nous espérons, sans trop d’espoir, l’extinction. (3 février 2013)