Sous la direction d’Antoine Lagneau, Marc Barra, Gilles Lecuir
1/3)Recension du livre
Alors qu’une ville est par définition un lieu où les habitants ne produisent pas leur nourriture, l’agriculture regagne du terrain en ville. C’est ce que montre parfaitement ce livre bien documenté, avec des paroles d’acteurs, beaucoup de retours d’expérience et de nombreuses photos. La crise agricole résultait de la déconnexion entre les sociétés modernes et leur territoire, il s’agit de renouer le lien. Des expérimentations se font un peu partout dans le monde, y compris les « poules de balcon » et la culture sur lasagnes. Pourquoi cet engouement ?
Ce livre ne théorise pas, il constate ce qui se fait. On trouve cependant page 215 la nécessité de réduire l’empreinte alimentaire et énergétique des urbains. Pablo Servigne montre page 223 que si le système agricole industrialisé et mondialisé a certes gagné en efficacité, il l’a perdu en résilience. Ainsi le territoire bordelais produit annuellement moins d’une journée de consommation alimentaire des habitants de l’agglomération. Reste les différents blocages à lever, les motivations au jardinage à susciter, les énergies à mutualiser, les blocages réglementaires à lever. Ce livre nous rend cependant optimiste, cela fait du bien de voir cette multitude d’initiatives urbaines qui vont dans le bon sens, apprendre à se nourrir.
(édition Le passager clandestin, 318 pages, 18 euros)
pour compléter cette analyse
2/3) L’agriculture regagne du terrain en ville
« L’agriculture regagne du terrain dans et autour des villes » est le dossier de LaRevueDurable n° 43 (août-septembre-octobre 2011). Aujourd’hui bétonnage et goudronnage sont les deux mamelles de la modernité inconsciente. Les terres disponibles pour l’agriculture vivrière diminuent de manière dramatique. Heureusement les signes de reconnaissance de ce fourvoiement se multiplient. Il ne tient qu’aux urbains, désormais majoritaires sur Terre, de renforcer les liens vitaux qui les attachent à l’agriculture, en commençant dans et autour des villes. Voici un résumé d’un article du dossier, « Les potagers se fraient une place en ville » :
La petite maison familiale avec jardin potager semblait la forme idoine de l’urbanisme résidentiel à la fin du XIXe siècle. De cette utopie naquit le cauchemar écologique de l’urbanisme pavillonnaire, peu dense et énergivore. Il y a une tendance à privilégier les pelouses et les équipements de sport. Mais il faudrait mettre à profit certains de ces espaces pour y intégrer une activité productrice en ville. La prolifération des bacs à fleurs et des plate-bandes décoratives, ce n’est pas ça qui va améliorer la qualité de la vie en ville. Pas plus que les alignements de thuyas. En revanche, un lieu où l’on peut admirer et suivre l’évolution d’une plante depuis le semis jusqu’à sa récolte aurait une indéniable valeur esthétique, agricole et sociale. Lausanne a décidé d’entretenir certaines pelouses avec des moutons et convertit d’autres pelouses en potagers urbains. 70 % des Lausannois jugent que ces « plantages » - des potagers collectifs aménagés au pied des immeubles d’habitation – augmentent la qualité de la vie en ville. On peut imaginer planter des haies d’arbres fruitiers, diffuser des toitures végétales productrices, etc. Le saucissonnage, une zone pour l’habitat, une zone pour le sport, une zone pour l’emploi, une zone éloignée pour l’agriculture est dépassé. Il faut des espaces multifonctionnels. Partager, mutualiser et beaucoup d’imagination, voilà les maîtres mots d’un urbanisme dense qui accueil l’agriculture.
Il semble que l’ouverture et l’accessibilité des espaces agri-urbains sont les premiers critères à remplir pour que l’agriculture urbaine soit vectrice de qualité urbaine. En France, les jardins partagés font un tabac. A Genève, les différentes opérations de potagers urbains connaissent un franc succès. A Zurich, la liste d’attente pour accéder à une parcelle dans un jardin ouvrier est telle qu’il faut plusieurs années avant de l’obtenir.
3/3) Villes en transition
dans le Manuel de transition de Rob Hopkins
Les communautés sont les mieux à même de se pencher sur la façon dont la contraction économique se manifestera dans telle région, telle ville et tel village. Je serais d’avis qu’au lieu d’essayer de faire changer les gens en leur présentant des visions d’Effondrement, les scénarios d’Evolution pourraient fournir la vision d’un objectif final si séduisant que la société se découvrirait l’envie de s’engager dans une transition vers ceux-ci. Créer le monde que nous voulons est un mode d’action bien plus subtil et puissant que détruire celui dont nous ne voulons plus. Les Initiatives de Transition incluent des formations pratiques sur les savoir-faire qui serviront dans la société de l’après-pétrole.
L’une des causes de ce que l’on peut appeler le syndrome des ampoules électriques est que les gens ne peuvent souvent imaginer que deux niveaux d’intervention : des individus qui font des choses chez eux ou le gouvernement qui agit au niveau global. Le modèle de Transition explore le niveau intermédiaire : ce qui peut être accompli à l’échelle de la communauté. Ce qu’il faut, c’est une échelle à laquelle tout un chacun peut avoir l’impression de contrôler sa vie, une échelle à laquelle les individus deviennent des voisins plutôt que de simples connaissances ou des numéros. J’en suis venu à penser que le niveau idéal pour une Initiative de Transition est celui que vous sentez pouvoir influencer. Dans une ville de 5000 personnes, vous pouvez ressentir une appartenance, elle peut vous être familière. La plupart des villes étaient, historiquement, un assemblage de villages et cela est encore perceptible. L’idée de travailler à l’échelle du quartier n’est pas neuve.