Jean-Paul II : « Au nom d’une conception inspirée par l’écocentrisme et le biocentrisme, on propose d’éliminer la différence ontologique et axiologique entre l’homme et les autres êtres vivants, considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. On en arrive ainsi à éliminer la responsabilité supérieure de l’homme au profit d’une considération égalitariste de la dignité de tous les êtres vivants. Mais l’équilibre de l’écosystème et la défense d’un environnement salubre ont justement besoin de la responsabilité de l’homme. La technologie qui infecte peut aussi désinfecter, la production qui accumule peut distribuer équitablement. »
Notre commentaire : Il n’est guère plus raisonnable, du point de vue de l’écologie profonde, de penser le monde comme une multiplicité de centres, aux intérêts clairement définis, exclusifs et concurrents, que d’imaginer quelque chose du même ordre entre les différentes parties du corps. On n’oppose pas les droits du cœur aux droits du foie, ou les droits des mains aux droits des pieds. De même ça n’a pas de sens, écologiquement parlant, d’opposer les droits des hommes à ceux des autres créatures et de la nature en général. Nous pouvons essayer de vivre harmonieusement dans et avec la nature, mais en employant toute notre ingéniosité technologique postindustrielle à créer une civilisation durable et bienveillante à l’égard de l’environnement. Nous pouvons enrichir la nature, tout en nous enrichissant nous-mêmes. Ce n’est pas la pensée papale qui met en avant une « supériorité de l’homme ».
Lynn White imputait d’ailleurs en 1967 les racines historiques de notre crise écologique à la vision du monde judéo-chrétienne. Selon la Genèse les êtres humains, seuls de toutes les créatures, furent créés à l’image de Dieu. Il leur fut donc donné d’exercer leur supériorité sur la nature et de l’assujettir. Deux mille ans de mise en œuvre toujours plus efficace de cette vision de la relation homme/nature ont abouti aux merveilles technologiques et à la crise environnementale du XXe siècle. Ce n’est qu’une interprétation de la Bible. D’un autre point de vue, le statut singulier des êtres humains, entre toutes les créatures de Dieu, leur confère des responsabilités singulières. L’une est de prendre soin du reste de la création et de le transmettre aux générations futures dans le même état, voire en meilleur état qu’ils ne l’ont reçu. Nous sommes les « intendants » de Dieu sur la création - nous sommes chargés d’en prendre soin - et non ses nouveaux propriétaires.
Mais qu’on souscrive à l’interprétation despotique ou à celle de l’intendance, on se place dans les deux cas dans la perspective d’une position dominante de l’homme à l’égard de la nature. Il y a une autre lecture de la Genèse que JB Callicott suggère : les êtres humains sont conçus comme des membres à part entière de la nature et non plus comme ses maîtres tyranniques ou comme ses gestionnaires bienveillants. C’est aussi la position de l’écologie profonde, qui invite à se méfier d’une technologie adoubée par le pape et par l’écologie superficielle.