Corinne Lepage, ex-ministre français de l’environnement, a remis en cause dans ce livre son propre ministère. L’aveu d’un des ses successeurs, Serge Lepeltier, est encore plus explicite :
« Ces quatorze mois comme ministre de l’écologie m'ont beaucoup apporté, mais je suis un peu triste de partir alors que j'étais au milieu du gué ; pour des actions comme celles requises par l'écologie, il faut au minimum deux ans. J'ai réalisé que les enjeux environnementaux sont plus considérables qu'on ne le dit et qu'il est urgent de mettre l'environnement au cœur de toute politique. Les décisions qu'on a prises ne sont pas suffisantes, loin de là, mais j'ai dû entrer dans le système existant, et je pense qu'il faut totalement le changer. Mon ministère est un ministère qui dérange, l'«empêcheur de tourner en rond». Alors ceux que l'on dérange, les représentants d'intérêts particuliers, ne souhaitent qu'une chose, c'est qu'il n'existe pas. C'est ma crainte. On ne le supprimera pas, c'est impossible politiquement. Mais, sans le dire, on risque de n'en faire qu'une vitrine.
« Pourtant l'enjeu est tel qu'il faut absolument changer d'échelle. Sur le plan structurel, trois mesures me paraissent essentielles. D'abord, le budget. L'objectif minimal, c'est que le budget du ministère de l'Ecologie représente au minimum 1 % du budget de l'Etat. Cela paraît dérisoire, mais c'est le multiplier par trois ! Et puis il faut changer le périmètre de ce ministère, lui adjoindre l'Energie. La question centrale en matière d'écologie, c'est le changement climatique, et donc la question énergétique. Or ce ministère n'a pas la responsabilité de l'énergie, il ne l'a jamais eue. Il n'est donc pas responsable du développement des énergies renouvelables, des éoliennes, du solaire, c'est absurde ! Enfin, ce ministère doit être placé à un niveau plus élevé dans la hiérarchie gouvernementale, au même niveau que la Défense, les Affaires étrangères ou l'Intérieur.
« Sur le fond, je pense qu'il faut réconcilier économie et écologie et, pour cela, intégrer dans les coûts de production l'empreinte écologique. On pourrait, par exemple, faire passer la TVA à 33 % pour les produits les plus polluants et à 0 % pour les produits propres, la moyenne restant à 20 %. Aujourd'hui, la France est enlisée, elle souffre aussi du manque d'emplois. Je pense que les valeurs de l'écologie [anticipation, respect de la nature donc de l'autre, équilibre, diversité] peuvent être une des clés de la réorganisation de la société. Il faut que nous passions d'une société d'excès à une société d'équilibre ».
(Raphaël – temps critiques)