Il y a peu de modèle de citoyens qui soient des exemples de ce qu’il faut faire quand on veut défendre la Biosphère, Nicolas Hulot est un de ces personnages. Il n’est pas né écolo, il l’est devenu. Pour lui, la planète est beaucoup plus petite qu’on ne l’imagine, et c’est une réalité intimement vécue puisqu’il l’a parcourue en long, en large, et en travers pour son émission Ushuaia-le magazine de l’extrême, puis Opération Okavanga. Où qu’il aille, il rencontre l’empreinte des humains et les saloperies qu’ils laissent derrière eux. Il écrit donc des livres (Le déclin du vivant, Pendant que nature meurt, Le syndrome du Titanic…) et fonde vers 1990 la fondation « Nicolas Hulot » en s’entourant de chercheurs et de scientifiques. Un tel profil lui permet de faire pression sur les politiques, à commencer par le Président de la République Jacques Chirac dont il inspire le célèbre discours au sommet de la Terre à Johannesburg : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». Voici en résumé sa pensée.
« Le titre de mon livre « le syndrome du Titanic » est une métaphore. Ceux qui ont construit le fleuron de la technologie de l’époque ne se posaient pas la question de sa vulnérabilité, comme notre époque. Pourtant il a coulé. Deuxième analogie, quand l’équipage a vu l’iceberg, il a tourné trop tard le gouvernail comme nous refusons aujourd’hui de changer de cap. Enfin quand le bateau coula, que l’on fût en première classe ou dans les soutes, chacun en prit pour son grade. Nos sociétés ont une incapacité quasi chronique à opérer de grandes mutations.
« Pourtant la crise environnementale va changer d’échelle et donnera des occasions supplémentaires pour s’affronter, tous les signaux sont au rouge. Il y a quatre courbes qui s’alimentent les unes les autres. La première c’est la courbe démographique, la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’individus à la fin du siècle. Parallèlement la courbe de la consommation et de la pollution augmente, on pèse de plus en plus sur la planète. La troisième est l’émission de gaz à effet de serre ; quand nous construisons une troisième plate-forme aéroportuaire sur Paris, cela va accentuer le changement climatique. Or les océans ont une capacité de stockage du CO2 qui diminue lorsque la température de l’eau augmente et le permafrost, qui repasse régulièrement à des températures positives, reprend sa fermentation et libère du méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus efficace que le CO2. Enfin l’érosion de la diversité est un fait avéré. On voit bien que les trajectoires de l’humanité et de la nature sont en train de converger et qu’il va y avoir une collision. Il faudrait quatre Terre pour faire face aux besoins des pays émergents.
« La meilleure et la seule attitude consisterait à construire une Europe exemplaire sur le plan écologique. Mais la politique telle qu’on la conçoit aujourd’hui s’inscrit dans un registre de temps incompatible avec l’engagement écologique car ce que l’on va semer ne profitera pas, en termes électoraux, à celui qui aura semé. L’écologie n’est pas dans la mentalité du personnel politique qui, pour la plupart, a été élevé dans l’idée que nos institutions, notre technologie, notre recherche trouveront remèdes à tout, que des désordres éventuels seront solubles grâce à notre intelligence. Lorsque l’on parle de fiscalité énergétique à un homme politique de droite ou de gauche, il a décroché depuis longtemps car il voit arriver les lobbies et les menaces sur l’emploi. De plus les politiques ont une connaissance parcellaire de l’écologie, par exemple le problème de l’eau s’ils sont en Bretagne. La droite se contente de soutenir l’ultra-libéralisme et la gauche reste à la traîne de son passé industrialiste. Cette surdité des décideurs est une forme de violence à laquelle réponds l’activisme et la virulence de Greenpeace. Un mode d’action non violent, mais un peu plus physique, qui n’est d’ailleurs que le minimum que l’on puisse opposer à cette violence.
« Il faudrait se rendre compte que le développement durable n’est pas un petit paramètre que l’on prend en compte quand on a considéré tous les autres, c’est nécessairement une imprégnation transversale de tous les choix politiques. L’objectif de développement durable s’apparente à un tamis, chaque choix public doit passer à travers. Comment voulez-vous faire face à un ministre de l’agriculture ou du budget si le ministre de l’environnement n’a pas le soutien du Premier ministre qui peut jouer ce rôle de tamis !
« De toute façon, si nous ne mettons pas en place des mécanismes de régulation, la Nature le fera d’elle-même, indépendamment de nous. Je dis souvent que le monde de demain sera radicalement différent de celui d’aujourd’hui, il le sera de gré ou de force. S’il l’est de gré, le tribut sera beaucoup moins lourd et terrible que s’il l’est de force. Je réfléchis à un lobby des consciences ».
(Calmann-lévy)