1/5) Dieu a dit !
En matière d’écologie, rares sont les textes bibliques sur lesquels s’appuyer, et ils ont tous un relent d’anthropocentrisme forcené. Nous trouvons d’ailleurs une parfaite illustration de cette faiblesse doctrinale de l’Eglise dans un récapitulatif des textes de Jean Paul II (édité par Parole et Silence, Les gémissements de la création) :
« Dans les pages de la Genèse où est rapportée la première révélation que Dieu fait de lui-même à l’humanité (Gn 1,3) reviennent comme un refrain les mots : « Et Dieu vit que cela était bon ». Mais lorsque Dieu, après avoir créé le ciel et la mer, la terre et tout ce qu’elle continent, crée l’homme et la femme, l’expression change sensiblement : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (Genèse 1,31). » Selon Jean-Paul II (message de la journée de la paix, janvier 1990), Dieu a donc confié à l’homme et à la femme tout le reste de la création puisqu’il put se reposer « de toute l’œuvre qu’il avait faite » (Genèse 2,3)
Même anthropocentrisme quand Dieu aurait dit : « Voici que je vous donne toute herbe produisant semence et tout arbre dont le fruit produit semence : ce sera votre nourriture » (Genèse 1,29). » Le pape en tire la conclusion que la terre appartient à l’homme parce que Dieu l’a confiée à l’homme, et par son travail l’homme la soumet et la fait fructifier. Cette valorisation de l’espèce homo sapiens s’accompagne d’une déformation systématique des textes. « Remplissez la terre et soumettez-là, dominez sur toutes les créatures » (Genèse 1,28). Pour Jean Paul II, la bible semble nous dire que la volonté de notre créateur est que l’homme agisse envers la nature comme un gardien intelligent et noble, et non comme un exploiteur sans scrupule. Voilà ce qu’il faut entendre lorsqu’il est question de « soumettre ». Pour lui, c’est une sérieuse responsabilité d’exercer notre souveraineté sur la création, de manière qu’elle soit vraiment au service de la famille humaine ! Si le pape fait un clin d’œil au concept de développement durable (« Il faut que l’exploitation de la nature se fasse conformément au critère qui tient compte non seulement des besoins immédiats des populations mais aussi de ceux des générations futures »), rien ne prépare en définitive Jean Paul II à s’intéresser à l’écologie profonde puisqu’il a une vision qui peut se résumer à cette phrase : « Faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, Adam et Eve doivent soumettre la terre (Genèse 1,28) ».
Pour Jean-Paul II, il faut donc voir les problèmes de l’environnement seulement en relation avec les besoins de l’homme et de la femme. Avec une telle conception trop anthropocentrique, il ne peut y avoir de relation apaisée entre l’Homme et la Biosphère.
2/5) Message pour la journée de la paix
Le pape Jean-Paul II semblait sensible au respect de la planète dans son Message pour la journée de la paix, janvier 1990 :
« La théologie, la philosophie et la science s’accordent dans une conception de l’univers en harmonie, c’est-à-dire d’un vrai cosmos, pourvu d’une intégrité propre et d’un équilibre interne dynamique. Cet ordre doit être respecté, l’humanité est appelée à l’explorer avec une grande prudence et à en faire ensuite usage en sauvegardant son intégrité. On ne peut négliger la valeur esthétique de la création. Le contact avec la nature est par lui-même profondément régénérateur, de même que la contemplation de sa splendeur donne paix et sérénité. Les chrétiens savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature font partie intégrante de leur foi. » Il n’empêche que son point de vue relève fondamentalement d’une conception anthropocentrique car il indique par ailleurs :
« Au nom d’une conception inspirée par l’écocentrisme et le biocentrisme, on propose d’éliminer la différence ontologique et axiologique entre l’homme et les autres êtres vivants, considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. On en arrive ainsi à éliminer la responsabilité supérieure de l’homme au profit d’une considération égalitariste de la dignité de tous les êtres vivants. Mais l’équilibre de l’écosystème et la défense d’un environnement salubre ont justement besoin de la responsabilité de l’homme. La technologie qui infecte peut aussi désinfecter, la production qui accumule peut distribuer équitablement. (Discours de Jean-Paul II au Congrès Environnement et Santé, 24 mars 1997) ».
La Biosphère préfère largement le paradigme d’Arne Naess pour l’écologie profonde :
- le bien-être et l'épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l'utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.
- la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l'accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.
3/5) Dieu dit à Adam et à Eve :
« Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là ; ayez autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout ce qui est vivant et qui remue sur la terre (Genèse 1,28) ». A partir de ces prémices, le pape Jean Paul II va plonger dans un populationnisme exacerbé dans son discours à l’Académie pontificale des sciences (18 mai 1990) : « La pression de la population est très souvent citée comme une des causes majeures de la destruction des forêts tropicales. Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’établir que l’expansion démographique n’est pas seulement un problème de statistiques ; c’est une question profondément morale. En condamner les pressions, y compris économiques, auxquelles les gens sont soumis, spécialement dans les pays les plus pauvres, pour qu’ils acceptent des programmes de contrôle des naissances, l’Eglise soutient inlassablement la liberté des couples de décider du nombre de leurs enfants selon la loi morale et leur foi religieuse. » Le pape confirme son anti-malthusianisme en 1999 : « Il semble que ce qui est le plus dangereux pour la création et pour l’homme soir le manque de respect pour les lois de la nature et la disparition du sens de la vie. Comment est-il possible de défendre de façon efficace la nature si l’on justifie les initiatives qui frappent au cœur de la création, qui est l’existence même de l’homme ? Est-il possible de s’opposer à la destruction du monde, si au nom du bien-être et de la commodité, l’on admet l’extermination des enfants à naître, la mort provoquée des personnes âgées et des malades. »
Le pape nie toute corrélation entre la pression démographique et les chocs écologiques, il ne fait aucune référence à l’empreinte écologique de l’homme et voudrait d’une Chine qui atteindrait aujourd’hui presque deux milliards de personnes si le gouvernement chinois n’avait pas mis en place le modèle d’un seul enfant par couple. La Biosphère n’attend rien d’une papauté qui tourne en rond autour d’une simple phrase d’un texte trop ancien, « Soyez féconds et multipliez-vous ». La Biosphère préfère Arne Naess : « L'épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L'épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. »
4/5) saint François d’Assise
Un organisme international civil consacré à la réflexion écologique avait demandé à la Sacrée Congrégation pour le clergé que soit consacrée une figure emblématique. Ce qui fut mis en œuvre par Jean Paul II un an après son accession au pontificat : « Nous déclarons saint François d’Assise patron céleste des écologistes, en y joignant tous les honneurs et privilèges liturgiques qui conviennent. Donné à Rome le 29 novembre de l’an du Seigneur 1979. »
L’Eglise n’est pas en première ligne dans la défense de la planète, elle se contente d’un geste symbolique et de quelques discours très courts : « François a étendu le sens de la fraternité universelle à toute créature, même inanimée : soleil, lune, vent, terre, feu, qu’il appelait frères et sœurs, et auxquels il témoignait une respectueuse affection. (Lettre apostolique du 15 août 1982) » ; « Créées à l’image de Dieu, nous devons le rendre présent au milieu des créatures comme maîtres et gardiens intelligents et nobles de la nature et non comme exploiteurs et destructeurs sans scrupule (à Assise, le 12 mai 1983) » ; « Selon le Povorello d’Assise, la création, œuvre de la Providence divine, rend un précieux service à l’homme : elle lui parle du Créateur dont elle manifeste l’éternel dessein d’harmonie et de paix. C’est pour cela que la nature doit être respectée et conservée, afin qu’en établissant avec elle une relation saine et correcte, on soit amené à contempler le mystère de la grandeur et de l’amour de Dieu (25 octobre 1991). »
Il n’y a là que mots creux sous-tendus par un féroce anthropocentrisme révélé entre autres par Jean Paul II lors du discours de Viterbe adressé à 5000 jeunes le 27 mai 1984 : « Le soleil et les étoiles, l’eau et l’air, les plantes et les animaux sont des dons de Dieu qui a ainsi rendu confortable et belle la demeure que, dans son amour, il a préparée pour l’homme sur la terre. » Ce recours constant à une divinité sans queue ni tête nous empêche d’avoir un rapport plus direct avec la Biosphère ! Les religions du livre nous amènent dans une impasse, elle ne sont utiles ni pour notre présent, ni pour notre avenir.
5/5) Journée mondiale du tourisme
La célébration de la Journée mondiale du tourisme en septembre 2002 avait provoqué chez Jean-Paul II un amour immodéré du voyage dans son message pour la 23e Journée mondiale du tourisme : « Parmi les innombrables touristes qui chaque année font le tour du monde, nombreux sont ceux qui se mettent en voyage dans le but explicite d’aller à la découverte de la nature en l’explorant jusque dans ses lieux les plus reculés. » La seule condition serait d’y mettre les formes : « Il faudra valoriser des formes de tourisme qui respectent davantage l’environnement, plus modérées dans l’utilisation des ressources naturelles et plus solidaires envers les cultures locales ». Pour Jean-Paul, « Le tourisme permet de consacrer une partie du temps libre à contempler la bonté et la beauté de Dieu dans sa création, et, grâce au contact avec les autres, il aide à approfondir le dialogue et la connaissance réciproque. La pratique du tourisme peut combler le manque d’humanité qui se manifeste souvent dans l’existence quotidienne. » En termes clairs, cela veut dire que le boulot dans les usines est tuant, il faut donc aller se régénérer en allant dans une excursion lointaine emmerder d’autres peuples.
Pourtant le touriste qui se hâte de rentrer chez lui est toujours resté étranger à ses lieux de séjour successifs et aux populations rencontrées : il se contente de remplir un album de souvenirs personnels après avoir parasité une vie sociale ou un lieu de rêve. Pour économiser la Biosphère et épargner ses communautés, vous devez au contraire rester des voyageurs immobiles, il y a suffisamment de moyens de communication pour faire le tour du monde dans son fauteuil, il y a suffisamment de richesses relationnelles et naturelles près de chez vous pour ne pas avoir besoin d’autre chose.