Toutes les citations sont celles du livre, mais le découpage en sous-parties n’est là que pour rendre accessible la démarche générale de Jean-Claude Génot.
1/4) définition de la nature
- Ma définition de la nature est celle universellement admise, à savoir ce qui échappe à la volonté humaine, ce qui est indépendant des usages humains.
- Tous ceux qui affirment que la nature authentique et sauvage n’existe plus et que tout est désormais artifice oublient que la nature est cette éternelle matrice de vie, celle qui engendre et constitue cet ensemble d’interactions imprévisibles dont les sociétés modernes cherchent sans succès à s’affranchir.
- Ce que la nature produit, et que nous voyons comme des perturbations, fait partie de la nature, qui elle, a cette capacité, appelée résilience, de revenir à l’état antérieur à la « perturbation ».
- A ceux qui disent que la nature a besoin de l’homme, je réponds inlassablement que c’est tout à fait le contraire et que notre manque d’humilité nous empêche de dire que c’est nous qui avons besoin de la nature.
- Laisser faire la nature, c’est forcément augmenter la biodiversité, car cette dernière est une nécessité fonctionnelle pour la nature. La nature a plus besoin de temps et d’espace que de ce jardinage incessant, servant surtout aux gestionnaires à toucher des subventions.
- Nicolas Hulot aurait pu proposer une politique d’acquisition de forêts ou de boisements spontanés qui seront les forêts sauvages de demain par le biais de sa fondation.
- De très nombreuses plantes sont des espèces de lumière, et les habitats soumis à la dynamique naturelle évoluant vers un stade boisé perdent donc forcément une partie de leur richesse floristique. Les botanistes sont alors portés à déplorer cette « perte » de « leurs espèces » qui équivaut pour eux à une perte de richesse, en oubliant évidemment de souligner que cela est compensé par un gain d’autres espèces animales et végétales.
- Les arguments scientifiques sur la primauté des milieux ouverts sur les milieux fermés sont faux. Les écologues savent très bien que les forêts sont les milieux les plus diversifiés grâce au temps qui permet la diversification, la structuration et la complexité des écosystèmes.
2/4) les antinature
- En fait le combat pour la nature est jugé intolérable parce qu’il remet en cause la position centrale de l’homme. Il défend, à travers la nature sauvage, une idée de liberté trop subversive au goût des néolibéraux.
- Notre anthropocentrisme ne reconnaît aucune valeur intrinsèque à la nature spontanée et non aménagée.
- Les scientifiques rejettent la nature comme un mythe utopiste, voire une idéologie dangereuse, au nom d’une idéologie jamais exprimée, celle d’un anthropocentrisme exacerbé et d’un narcissisme viscéral qui pousse l’homme à ne plus voir que lui-même à travers ce qui l’entoure.
- Les essais, les pamphlets et les romans anti-écologistes sont nombreux et leur point commun est de fustiger le caractère radical et anti-humaniste de ces mouvements au nom d’une attitude tout aussi radicale, technocentrique et anti-nature.
- Ce n’est pas l’écologie, en tant que science ou en tant que mouvement de pensée, qui fait courir un risque à l’humanité, mais l’homme lui-même dans sa croissance aveugle et suicidaire.
- Chercher un compromis et ne pas vouloir apparaître trop extrémiste ou radical peuvent vous rendre malléable et inefficace.
- Rien de ce qui donne un sens à la vie, temps libre, espace libre, nature libre, ne peut être préservé dans une société libérale. La liberté de concurrence dévore toutes les autres (Robert Hainard).
- Faut-il acheter un bulldozer sur des crédits destinés à la protection de l’environnement ?
3/4) contre la gestion de la nature
- Partout l’homme ne rencontre que lui-même.
- Personne n’a la prétention ni de savoir gérer un écosystème, ni de bien comprendre le rôle exact de certaines espèces ou la fonction des certaines interactions. Que signifie gérer la nature quand celle-ci n’est justement pas gérable ?
- Destruction et gestion sont deux facettes d’une même attitude de notre société, caractérisée par l’illusion de la domination.
- Les institutions en charge de l’environnement, n’ayant ni la volonté, ni la capacité de remettre en cause ce qui conduit à la destruction, assument la pénurie de nature et entérinent la gestion de la biodiversité dans les confettis non aménagés par le rouleau compresseur économique.
- Le réseau Natura 2000 qui est composé de très nombreux habitats secondaires et non naturels conduit inévitablement à la gestion.
- Pour les sites Natura 2000, il est question de programmation des actions, de contrôle, de maintenance des infrastructures, de valorisation de l’évaluation. Cela pourrait être le document stratégique d’une entreprise.
- Les sites maintenus par la gestion sont identiques à la situation d’un patient sous respirateur artificiel.
- Dans le récent bulletin consacré par l’ONCFS aux réserves nationales de chasse et de faune sauvage, il est beaucoup question de curage d’étangs pour des canards, de pâturages de prairies pour oiseaux migrateurs, de fauche de prés salés avec des engins à chenillette pour les oies cendrés, etc. La gestion est clairement révélée pour ce qu’elle est, à savoir orienter un espace pour une espèce ciblée.
- Ce jardinage orienté vers les espèces acceptées relève finalement de la même attitude que ceux qui distinguent espèces « utiles » et espèces « nuisibles ».
- En fait la valorisation des réseaux d’espaces naturels protégés mis en place par les départements est claire : « poser les bases d’un nouveau tourisme nature ».
- Si la nature est ce qui échappe à la volonté de l’homme comme il est normal de le penser, alors cette nature-là n’a rien à gagner des tables, bancs, escaliers, panneaux et autres équipements qui la transforment.
- La complexité est ingérable ; ce qui devrait conduire à moins d’interventionnisme.
- Souhaitons que la prochaine période dans les aires protégées soit « la décolonisation de la nature. »
4/4) conclusion
- La nature spontanée est autonome, économe, émotionnelle et originale alors que la nature gérée est dépendante, coûteuse, sans surprise et dupliquée.
- Notre société n’a pas besoin de technicité supplémentaire, mais d’éthique.
- La nature sauvage, pourquoi faire ? Il y a d’abord des raisons éthiques, comme celle exprimée par Edward Abbey : « Nous avons besoin du monde sauvage, même si nous n’y mettons jamais les pieds ». Des raisons psychologiques, la nature sauvage comme « psychotope » pour éviter les psychotropes ! Pour ne pas passer pour un fou dangereux, il reste les bons vieux arguments : laisser faire la nature c’est stocker du carbone, réguler le cycle de l’eau, épurer l’air et l’eau, protéger les sols de l’érosion et protéger la biodiversité naturelle.
- Que serait une croissance écologique, c’est-à-dire une croissance idéale prenant en compte tous ses effets sur la biosphère, sinon une décroissance ?
- La seule restauration à la hauteur de nos enjeux écologiques d’aujourd’hui passe par la destruction de routes, de bâtiments et de barrages pour redonner de l’espace à la nature.
(éditeur Sang de la Terre)