Le paysan qui commercialise lui-même une partie de sa récolte pour acheter des outils et des vêtements permet l’essor de la division sociale du travail, le commerçant qui ouvre boutique devient carrément l’agent de sa généralisation en permettant un échange continu tout au long de l’année. Mais cette évolution ne peut s’effectuer sans moyen de contrôle des équivalences entre marchandises échangées, la monétisation accompagne donc nécessairement la multiplication des échanges. Les difficultés commencent. Alors qu’un échange non monétaire tisse des relations avec les autres et permet l’entrée dans un cercle de réciprocités positives qui fondent la vie en société, le paiement monétaire tout au contraire met fin à la relation et libère de toute obligation en retour. Les signes monétaires rendent ainsi la société plus impersonnelle, on produit pour quelqu’un qu’on ne connaît pas et on vend à quelqu’un qu’on ne connaît pas beaucoup plus. Avec de l’argent, vous pouvez aussi acheter ce que vous voulez, y compris une personne qui vous restera étrangère. Plus qu’un instrument économique, la monnaie est donc un support de pouvoir qui implique une mise à distance d’autrui. De plus dans le système libéral on ne se demande plus si le prix satisfait une relation à l’autre, mais on essaye au contraire d’en retirer un avantage personnel, le gain monétaire devient un objectif en soi. La monétisation des échanges accompagne la montée des égoïsmes et favorise l’indifférence par rapport aux autres humains, à plus forte raison par rapport à la Nature.
Jamais la médiation monétaire de l’échange ne pourra remplacer le lien social de proximité,
liens de proximité indispensables pour des relations harmonieuses avec la Biosphère.