Le mensuel la Décroissance de juillet 2012 vous apportera son lot de réflexions. Ainsi la question « Faut-il stocker de la nourriture ? » face à l’effondrement probable de notre système. Voici un résumé des quatre points de vue exprimés :
Michel Sourrouille :
- Selon les survivalistes, l’entrée dans l’ère du pétrole rare et cher va se concrétiser par une grande famine, par une relocalisation très brutale et par le retour à un âge de fer où seuls les plus organisés survivront. Aujourd’hui le survivaliste Piero San Giorgio se prépare à l'effondrement en stockant dans sa ferme de la nourriture, des armes et beaucoup de munitions.
- Mais que faire quand le stock de nourriture arrive à sa fin ? Le jardinage est sans doute plus durable que le stockage, mais il ne suffit pas d’acquérir une ferme, il faut aussi s’appuyer sur une communauté locale, une « Base Autonome Durable ». Cette expression de Piero San Giorgio recoupe des initiatives diverses déjà en cours : Communautés intentionnelles ou Ecovillages ou Agenda 21 local ou Towns transition ou Plan climat ou Cités jardins… La profusion des termes montre la richesse des alternatives à la fin des combustibles fossiles. Il s’agit de former des communautés de résilience qui tendent à l’autonomie énergétique et alimentaire pour résister aux chocs des pénuries.
ð Ce qui importe, ce n’est plus le PIB ou posséder sa propre ferme, c’est constituer un territoire avec un fort pourcentage de nourriture consommée produite à proximité, avec une proportion importante d’habitants sachant cultiver au moins dix légumes, un pouvoir local, etc. Plus besoin de stocker de la nourriture à titre personnel, il suffirait de reconstituer des ceintures vivrières propres à chaque territoire. Plus besoin de fusils pour se protéger, chacun vivant de façon démocratique en équilibre avec son écoystème. Car soyons réalistes, la population ne peut dépendre que d'elle-même quand il y a effondrement d’une civilisation. L’État est déjà complètement défaillant, si ce n’est inexistant, dans plusieurs pays. La France n’est pas à l’abri d’un délitement de l’État. Ce n’est pas d’une volonté de croissance à la mode Hollande dont nous avons besoin, les gouvernants devraient soutenir la formation de communautés locales tant qu’il en est encore temps… c’est-à-dire tant qu’il reste un peu de pétrole.
Philippe Labat :
- Le problème actuel n’est pas la quantité, mais la disponibilité à un endroit et à un moment donnés. S’il advient un épisode de rupture d’approvisionnement en nourriture, le rétablissement sera la priorité pour tous. La solution sera collective et non individuelle.
- Amartya Sen, dans un discours du 15 juin 1999, affirme en effet : « Il est tout à fait remarquable, quand on étudie les famines dans l’histoire, de voir que celles-ci ne surviennent pas dans les démocraties. En effet, il n’y a jamais eu de grande famine dans un pays démocratique, quel que soit son degré de pauvreté. C’est dû au fait que les famines sont, en réalité, faciles à prévenir, pour peu que le gouvernement s’y emploie ».
=> Le jour où la démocratie se sabordera en France, il sera toujours temps de reconsidérer l’idée de stocker de la nourriture.
Anne Josnin :
On ne va pas vivre toute sa vie attaché à un blockhaus, et s’interdire de vivre en liberté de peur de ne pas pouvoir survivre… parce qu’au fond personne ne sait ce que sera demain. Les solutions sont déjà là, et d’abord chez les pauvres, ces champions de la survie. La vertu d’imprévoyance présuppose la confiance, en la vie, en l’autre, une confiance universelle, à l’opposé de celle du clan, où je fais confiance et me dévoue uniquement à ceux de la petite famille qui est mienne.
Les survivals sont des dinosaures, derniers avatars de notre société possessive et ordonnatrice, qui mouront asphyxiés dans leurs murs blindés et leurs exosquelettes, tandis que c’est ce qu’il y a de nu et de vulnérable dans notre monde qui se trouvera un chemin imprévu à travers les décombres.
Christophe Gaudry :
- L’économiste Frédéric Lordon sur France Inter : « La ruine complète du système bancaire c’est le retour au jardin potager en 5 jours. »
- La population Ile-de-France est de 12 millions de personnes en 2011. En cas de rupture de la chaîne d'approvisionnement, l’Île-de-France ne dispose que de quelques jours d’autonomie alimentaire. Dans sa production, l’Île-de-France est autonome à 26% pour les pommes de terre, 10% pour les légumes frais, 1,5% pour les fruits, 0,5% pour la viande (à l’exception des pommes 5,5%), 1% pour le lait, 12% pour les œufs. En revanche, elle est autonome à 159 % pour le blé et 117 % pour le sucre.... L'Ile-de-France est donc quasiment autonome en crêpes !!
- Plus sérieusement, que se passe t-il le 5ème jour ? Plus personne ne peut payer, donc plus de transport, et plus de sous pour passer en caisse... Et il n'y a que 800 AMAP, soit 200 000 adhérents contre 359759 magasins de vente alimentaire.
ð En ayant ces chiffres en tête, est il si incohérent de stocker de la nourriture pour au moins 3 mois ? Le cycle de croissance pour les végétaux est en gros de 90 jours, sous réserve d'être dans une saison et dans un climat propice (et d'avoir un stock de semences reproductibles à portée de main)... Je pense que le crash est pour bientôt. Alors en bon père de famille, je stocke de la nourriture et des graines