En supprimant les solutions de remplacement, on accroît directement la demande de produits spécifiques. Il est possible de satisfaire l’utilisation finale d’un produit de plusieurs manières. Considérons les possibilités d’obtenir de l’engrais azoté ; la décomposition en anaérobie de déchets organiques, la plantation intercalaire de cultures légumineuses, la rotation des cultures et l’apport de compost. On peut avancer que la demande accrue d’engrais chimique est en partie fonction de l’indisponibilité de telles alternatives. La contraction des différentes sources pour répondre à l’utilisation finale d’un produit crée donc sa rareté. Les agriculteurs qui adoptent les « semences améliorées » de la révolution verte doivent obtenir des engrais, des pesticides, des systèmes d’irrigation et trouver accès au savoir des experts. La construction de la rareté est le revers de la médaille du développement. Pourquoi privilégier le mot « développé » si les produits du développement empirent les conditions de vie des masses pauvres ?
Au cours des cent dernières années, le développement économique a transformé les besoins humains élémentaires en demande de produits industriels manufacturés. Il est évident que les millions de personnes du tiers-monde ne peuvent être nourris, logés, vêtus et soignés par l’agriculture industrielle, les aliments préparés, le transport automobile, les résidences suburbaines, les vêtements de marque et la médecine hi-tech. L’histoire de développement révèle une tendance constante à remplacer la capacité de régénération de la nature par la capacité de production du capital industriel.
Lakshman Yapa in « Défaire le développement, Refaire le monde » (parangon 2003)