Il y aurait beaucoup trop de choses à dire sur le financement des retraites en France ; sur la pusillanimité des syndicats, sur l’égoïsme du secteur public par rapport aux salariés du privé, sur la couardise des politiques qui n’arrivent pas à convaincre de la nécessité d’équilibrer les comptes chaque année, etc. Allons à l’essentiel, expliquons le B.A-BA d’un système qui ne s’est généralisé que depuis la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire depuis hier.
Les Français bénéficient aujourd’hui d’un régime très spécial, l’art de vivre sans travailler à partir d’un certain âge. Alors se pose le problème du financement, répartition ou capitalisation, c’est-à-dire solidarité entre les générations ou bien pari sur la bonne santé future de la bourse. La France est normalement à l’abri d’un krach boursier puisque l’argent y est redistribué chaque année des actifs vers les retraités. Le montant effectif des retraites va donc dépendre des règles du jeu : définition de l’âge légal de démarrage de la vie de rentier, rapport de force qui existe entre actifs et retraités à un moment donné, niveau de richesse créé qui peut être redistribué cette année-là, évolution de la productivité. Le Conseil d’orientation des retraites a rendu son rapport (cf. LeMonde du 14 avril), cela va devenir de plus en plus dur à financer d’ici à 2050. Mais leur scénario le plus pénible est encore trop favorable, avec un taux de chômage stabilisé à 7 % ! Le COR n’envisage pas du tout le blocage énergétique et les autres chocs écologiques (donc financiers) qui vont endeuiller l’emploi dans les années à venir, donc les cotisations sociales, donc les allocations-retraite.
Comme la civilisation thermo-industrielle va s’effondrer bien avant 2050, les droits à la retraite ne seront bientôt que chiffons de papier. De toute façon, soyons vraiment « équitables » : le système d’allocation vieillesse n’est applicable qu’à une partie de la population mondiale, celle qui a pu bénéficier de la prospérité factice des Trente Glorieuses. Dans le monde, 80 % des personnes ne disposent pas d’un système de sécurité sociale, leur retraite repose sur leur travail, sur la mort prématurée ou dans les solidarités de proximité quand celles-ci n’ont pas été détruites par le système occidentalisé.